En cette année 2024-2025, la Fraternité annonciade, associée au monastère de Thiais, va réfléchir sur le « plaire à Dieu ».
- Plaire à Dieu ou se laisser attirer par le beau
- Le courage de plaire à Dieu
- Se laisser guider sur le chemin de plaire à Dieu
- Chemin de ressemblance
« Nous demandons à Dieu de vous combler de la pleine connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle. Ainsi votre conduite sera digne du Seigneur, et capable de lui plaire en toutes choses; par tout le bien que vous ferez, vous porterez du fruit et vous progresserez dans la vraie connaissance de Dieu…. » (Col ; 1, 8-12)
Plaire à Dieu. Ce thème du bon plaisir de Dieu est un thème biblique, paulinien en particulier. Par exemple, saint Paul écrit: « Nous parlons non pour plaire aux hommes, mais pour plaire à Dieu qui sonde les cÅ“urs », (1 Thess.). Et encore, en Romains 8, 9-11 : « Ceux qui sont dans la chair ne peuvent plaire à Dieu. Vous, vous n’êtes pas dans la chair mais dans l’esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous etc.»
Ce thème du Plaisir de Dieu, on le trouve également chez certains pères de l’Église, tel saint Basile dans ses Grandes règles monastiques. Pour Basile, en effet, la vie monastique, la vie chrétienne tout court, se résume en ceci : plaire à Dieu en tout. Ainsi, dans sa Grande Règle, le chapitre sept s’intitule : « De l’opportunité de se joindre à ceux qui ont un même désir de plaire à Dieu… » Pour Basile, le moine ne recherche qu’une seule chose : plaire à Dieu seul. »
De même, chez saint François, ce thème revient à plusieurs reprises, par exemple : « Dieu tout puissant, éternel, juste et bon, par nous-mêmes nous ne sommes que pauvreté mais toi, à cause de toi-même, donne-nous de faire ce que nous savons que tu veux, et de vouloir toujours ce qui te plaît…. »
L’idée de « plaire » implique celle de la beauté, ici de la beauté morale. Dans ce désir, celui de plaire à Dieu, dans ce seul souci-là , Jeanne et Gabriel-Maria définissent la disposition intérieure de qui veut servir Dieu. Pour eux, le but et l’expression de toute quête de Dieu se résume en une seule étude : celle de plaire à Dieu, au Christ. « N’ayez nulle autre étude que de plaire à Dieu… », et ils en donnent le moyen : « par la Vierge », c’est-à -dire, en la suivant à travers les pages évangéliques qui parlent d’elle.
Il est important de se laisser attirer par le beau. Ce qui est beau, nous pouvons certes le goûter dans l’art, mais aussi dans la contemplation de la nature, dans un beau livre, dans l’amitié, dans nos relations familiales faites de délicatesse, d’attention mutuelle, d’écoute, de prévenance, dans l’amour du travail bien fait, dans le don de soi au quotidien etc., tout cela contribue à réveiller en nous ce feu intérieur qui brûle en nous depuis le jour de notre baptême et qui ne demande qu’à se propager pour rendre plus belle notre vie et, par le fait même, la vie des autres.
La Vierge met sur le chemin du beau, du plaire à Dieu. Méditer sa vie, la suivre en ses vertus, en ses « trois bons plaisirs », que sont l’écoute de la Parole, la méditation de la Passion et l’eucharistie. Mais plaire à Dieu ne dépend pas seulement de nous. C’est un don de Dieu. Il y a notre volonté bien sûr, mais aussi celle de Dieu qui veut notre bien, qui veut notre bonheur. Il y a l’accueil de sa grâce.
Cependant, plaire à Dieu, c’est bien l’Å“uvre aussi de qui cherche comment Lui plaire. Cette volonté est celle d’un amour de dilection, c’est-à -dire, d’un amour que l’on choisit de vivre, que l’on choisit comme règle de vie. L’amour de dilection implique en effet un choix. Le terme même de « dilection » signifie qu’il y a choix, élection : aimer d’une affection fondée sur le choix et la réflexion. Aimer prend racine dans le cÅ“ur et la volonté. Et cela peut être dans certains cas l’objet d’un combat avec soi-même. Il faut du courage, il faut le courage de plaire à Dieu ! Ce sera le second point, thème de la prochaine rencontre.
- Plaire à Dieu ou se laisser attirer par le beau
- Le courage de plaire à Dieu
- Se laisser guider sur le chemin de plaire à Dieu
- Chemin de ressemblance
Si donc quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné le ministère de la réconciliation. Car c’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui : il n’a pas tenu compte des fautes, et il a déposé en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. (2 Co 5, 17-20).
Le bienheureux père Gabriel-Maria précise dans un de ses écrits quelles sont les dispositions à avoir en soi-même si l’on veut véritablement plaire à Dieu pour devenir « une créature nouvelle », pour se laisser « réconcilier avec Dieu » : « la première réside dans le cÅ“ur » qui « se donne à Dieu et s’attache fermement à vouloir choisir louer et glorifier Dieu, généralement par le culte divin ». II n’y a pas seulement le désir de plaire à Dieu, il y a aussi à le décider, à en faire le choix. Alors, poursuit Gabriel-Maria, après avoir choisi d’aimer, on en retire « un certain plaisir spirituel par lequel Dieu s’attache et réchauffe le cÅ“ur de ceux qui lui sont dévots. » Ces deux aspects, le choix d’aimer et la joie reçue de Dieu, « se cachent dans le cÅ“ur », temple de l’Esprit Saint. Ces deux aspects en entraînent un troisième, qui est de faire « une Å“uvre extérieure », une mise en pratique qui peut se concrétiser par une vie sacramentelle plus intense, une vie relationnelle plus charitable etc.
Ces dispositions enracinées dans le cÅ“ur façonnent petit à petit cet homme « nouveau » dont parle saint Paul : « Si donc quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est là ». Il y faut un certain courage. « Plaire à Dieu », désigne véritablement le mobile profond, intégrant et structurant, de toute la vie chrétienne. Comment mettre en pratique dans notre vie personnelle tout ce qui vient d’être dit ?
Concrètement, des petits moyens peuvent aider comme : la prière personnelle, la douceur intérieure, l’attention au moment présent, la confiance en Dieu, la charité etc. Tout cela crée un dynamisme intérieur, une vie en référence à Dieu, une intériorité habitée. Cela est autant de moyens de se re-concentrer sur la relation à Dieu et de la renforcer par un certain type de rencontre et d’échange avec son prochain. D’où l’importance de la parole, de l’écoute, du regard.
Car il y a trois domaines dans la vie où ce « plaire à Dieu » peut s’exercer sans cesse ce sont en effet la parole, l’écoute et le regard. Qu’est-ce que l’on dit ? Qu’est-ce que l’on écoute ? Qu’est-ce que l’on regarde ? Le père Gabriel-Maria donnait beaucoup d’importance à ces trois sens que sont la parole, l’ouïe et le regard. Il enseignait à ses filles spirituelles à veiller sur leurs paroles, à ne pas vouloir tout voir et tout entendre. Ces conseils sont bien d’aujourd’hui dans une société où les médias sollicitent sans cesse notre curiosité, nos avidités, nos désirs, les bons comme les moins bons. Gabriel-Maria nous invite à être muets, sourds et aveugles vis à vis de certaines choses, de choisir de ne pas parler, ne pas entendre ou ne pas voir, en certaines circonstances.
Ainsi, choisir de ne pas parler, choisir de se taire, d’arrêter à soi le mal que l’on entend dire, de ne pas répondre à certaines paroles qui défont la vie, telles des paroles de médisances, ou bien, répondre mais en disant des paroles bonnes, et non de bonnes paroles ! Dire des paroles bonnes c’est dire des paroles de paix, de pardon, d’excuse, de charité vraie, des paroles qui refont la vie.
Choisir de ne pas entendre n’importe quoi, de ne pas écouter n’importe qui, ne pas prêter audience aux vains discours, aux mauvais propos. Choisir aussi de ne pas écouter son propre égoïsme, de refuser d’écouter en soi-même la voix du moins bon, mais se mettre à l’écoute du Bien.
Détourner son regard de ce qui est laid ou mauvais, baisser les yeux pour ne pas voir le mal, comme le dit le prophète Isaïe (Is 33, 15). Que d’images véhiculées par les médias, les publicités venant noircir et encombrer l’esprit ? En un mot, savoir discerner, dire non, tout en restant ouvert, sans se boucher les yeux sur les drames du monde.
- Plaire à Dieu ou se laisser attirer par le beau
- Le courage de plaire à Dieu
- Se laisser guider sur le chemin de plaire à Dieu
- Chemin de ressemblance
« Après avoir disposé votre intelligence pour le service, restez sobres, mettez toute votre espérance dans la grâce que vous apporte la révélation de Jésus Christ. Comme des enfants qui obéissent, cessez de vous conformer aux convoitises d’autrefois, quand vous étiez dans l’ignorance, mais, à l’exemple du Dieu saint qui vous a appelés, devenez saints, vous aussi, dans toute votre conduite, puisqu’il est écrit : Vous serez saints, car moi, je suis saint. » (1P 1, 13-17)
Pour nous aider à cheminer sur la route du bon plaisir de Dieu, il est bon d’avoir un guide, un modèle à regarder et dont la vie puisse inspirer la nôtre, un exemple à suivre. Un exemple est quelque chose qui a été mis à part afin de pouvoir servir de modèle. Suivre « l’exemple du Dieu saint » qu’est le Christ, c’est ce que propose saint Pierre. En effet, le Christ donne à voir une manière d’être pour nos existences humaines, nous montre la direction à suivre. Dans la mesure où sa vie nous montre ce qu’est réellement une existence humaine, ce que chaque être humain est appelé à devenir, son exemple peut devenir le principe d’une imitation.
Mais avant d’imiter, il est nécessaire d’apprendre à regarder le modèle, pour le connaître et ensuite le faire voir en sa propre existence. Comment regarder ce modèle exemplaire sinon en ouvrant l’Évangile et méditer ce que l’Évangile nous dit de sa vie. S’en imprégner, nous fait entrer dans sa familiarité, comprendre ce qu’a été sa vie et les sentiments qui l’ont habités. Et petit à petit, nous entrons dans sa manière de vivre, nous adoptons son point de vue ! « Ayez en vous les sentiments du Christ » (Ph. 1, 2).
Autre exemple, peut-être plus accessible : la Vierge. La prendre comme modèle à regarder, comme exemple à suivre. C’est ce que le concile Vatican II nous propose d’ailleurs au chapitre huit de Lumen Gentium. Dans ce chapitre, il est rappelé que la Vierge est un membre de l’Église, un membre unique, un « modèle et exemplaire admirables pour celle-ci dans la foi et dans la charité ». S’appuyant sur saint Ambroise, le concile affirme également que « la Mère de Dieu est le modèle dans l’Ordre de la foi, de la charité et de la parfaite union au Christ ». La Vierge est donc proposée comme modèle des vertus, comme modèle de vie chrétienne en raison de sa proximité avec le Christ. Voilà pourquoi, poursuit le Concile, les fidèles, au cours de leur pèlerinage terrestre, « tendus dans leur effort » de vie chrétienne toujours plus vraie et intense et dans leur lutte contre le mal en eux et autour d’eux « lèvent leurs yeux vers Marie comme modèle des vertus » un modèle « qui rayonne » sur le Peuple de Dieu. Les fidèles chrétiens engagés sur le chemin de la sainteté, désireux de se faire toujours plus semblables au Christ, par la foi, l’espérance et la charité, regardent « à juste titre vers celle qui engendra le Christ » afin de réaliser cela dans leur vie de tous les jours, selon leurs pauvres limites humaines.
Ce modèle, qu’est la Vierge, nous apprend à donner le Christ au monde. En cela, nous l’imitons. La Vierge Marie a donné le Christ au monde, elle a donné le Bien, tout Bien. En cela, elle a plu au Très-Haut. De même, en tant que chrétiens, nous devons donner le Christ, nous devons donner le bien, donner et répandre du bien. Et cela plaira à Dieu. Comment ? Nous le donnons par notre vie de foi, par notre obéissance aux commandements de Dieu. Et une vie selon le Cœur de Dieu, selon ce que Dieu, notre Père désire pour nous dans les Dix Paroles, possède une réelle fécondité spirituelle. Nous donnons aussi le Christ par « nos bonnes actions », c’est à dire, par le bien que nous faisons, que nous pensons, que nous disons. Suivre l’exemple du Christ, l’exemple de la Vierge nous conduit à quitter petit à petit le chemin de la dissemblance pour prendre celui de la ressemblance.
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- Le courage de plaire à Dieu
- Se laisser guider sur le chemin de plaire à Dieu
- Chemin de ressemblance
« Que la grâce et la paix vous soient accordées en abondance par la vraie connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur. Sa puissance divine nous a fait don de tout ce qui permet de vivre avec piété, grâce à la vraie connaissance de celui qui nous a appelés par la gloire et la force qui lui appartiennent. De la sorte nous sont accordés les dons promis, si précieux et si grands, pour que, par eux, vous deveniez participants de la nature divine… » (2P 1, 2-7)
L’imitation conduit à la ressemblance, non une ressemblance matérielle, mais une ressemblance intérieure, celle du cœur, de l’être profond, une ressemblance qui se situe « dans les facultés de notre âme » comme dit Gabriel-Maria, c’est-à -dire, dans notre mémoire, notre intelligence et notre volonté. La ressemblance nous fait devenir « participants de la nature divine ».
La mise en œuvre en nos vies des vertus conduit à entrer petit à petit dans cette voie de ressemblance. Quelles dispositions intérieures ces vertus supposent-elles ? Quels chemins ouvrent-elles en nos existences ? Suivons pour tenter de répondre à cette question le chemin des vertus proposé par Jeanne et Gabriel-Maria. Ainsi :
La pureté, celle du cœur, est la vertu du retournement vers Dieu, la vertu qui nous pousse à soumettre toute notre vie au regard bienveillant et aimant de Dieu notre Père, à vivre notre vie sous le regard de Dieu. La prudence est la vertu du discernement, de la juste mesure, celle qui nous incite à choisir le bien. On y est aidé par la prière, la méditation, la réflexion sur les événements de notre vie, à l’exemple de la Vierge qui retenait dans son cœur tout ce qui la concernait, réflexion à la lumière de notre raison mais aussi à la lumière de la foi en Jésus-Christ. L’humilité est la vertu de la véritable connaissance de soi. L’humilité voisine avec la vérité, la droiture du cœur. Elle nous fait quitter nos orgueils et repliements sur nous-mêmes et nous ouvre aux autres, au service du prochain. La foi, la vertu de la confiance en la Parole d’un Autre. Elle nous ouvre le chemin de la suite du Christ, à la manière de Marie, sa Mère. La louange ou la prière, c’est la vertu de la gratuité, de la rencontre familière avec Celui en qui on croit. Cela passe par la lecture de sa Parole, le recours aux sacrements, la prière solitaire ou en église. C’est la vertu du temps gratuit donné à Celui que l’on aime.
L’obéissance, la vertu de l’écoute. Écouter et suivre les commandements de Dieu, écouter l’Église, écouter aussi les autres, accueillir l’événement, les événements de nos vies et non les fuir. Car c’est à partir du réel de nos vies que nous pouvons suivre l’Évangile et, ainsi, plaire à Dieu. La pauvreté est la vertu non de la misère mais de la sobriété, de la simplicité du cœur. C’est la vertu de la désappropriation de soi, la vertu de celui qui se sait pèlerin sur la terre. La patience est la vertu de la durée, la durée dans des efforts de conversion de chaque jour, la durée dans la recherche du bien, dans la pratique des bonnes œuvres, la durée dans la foi, dans la vie de prière. Elle est le signe d’un grand amour et de Dieu et des autres. La Charité, c’est la vertu qui donne aux autres vertus toute leur saveur. En effet, la pureté sans la charité risquerait d’être un orgueil, la prudence sans la charité serait circonspecte, précautionneuse, défiante, l’humilité sans la charité mènerait peut-être au mépris de soi, ou au découragement, la foi sans la charité risquerait d’être un pur fidéisme, la prière ou la louange sans la charité serait un formalisme, l’obéissance sans la charité serait un volontarisme, la pauvreté sans la charité serait peut-être entachée de mesquinerie, d’étroitesse, la patience sans la charité voisinerait avec le stoïcisme. Ainsi, la charité est la mère des vertus. Elle les mène à leur véritable accomplissement. Quant à la compassion, elle est la perfection de l’amour, du don de soi. C’est la vertu de la communion au Christ, mort et ressuscité, qui se manifeste par la communion au prochain, par la communion à ce qu’il vit.
Tel est, tracé, un chemin de ressemblance au Christ. C’est une avancée en profondeur dans l’amour de Dieu et du prochain, une vie dans la mouvance de l’Esprit Saint. Cela se fait pas à pas.
A suivre