Introduction

Les fêtes mariales nous parlent, certes, de la vie de Marie. Mais en nous parlant de la vie de Marie elles nous parlent aussi de notre propre vie, de notre propre destinée, de ce à quoi nous sommes appelés à devenir, à être. Les fêtes mariales nous font entrer dans tel ou tel mystère de la vie de la Vierge. Que ces fêtes mariales, jalonnant l’année liturgique, soient l’occasion peut-être de se demander : comment Marie a-t-elle vécu ce mystère ? Comment pouvons-nous, à notre tour, le vivre, dans le concret de notre vie de tous les jours ? Comment pouvons-nous le vivre, à sa manière, comme Elle ou avec Elle ?

     De plus, ces fêtes, si elles nourrissent la foi, si elles nourrissent aussi la réflexion, l’esprit, elle doivent aussi s’incarner dans l’existence.

     Approfondir chaque fête mariale va nous permettre de relire notre vie à la lumière de celle de Marie, et ainsi, de comprendre mieux, à la lumière de la foi, de sa foi à Elle, où vont nos vies personnelles ? La vie de la Vierge : miroir de notre destinée ?

   Les fêtes mariales, c’est-à-dire, ces fêtes qui font mémoire des épisodes de la vie de la Vierge, « manifestent des aspects de l’existence humaine facilement oubliés. Elles déroulent toute la richesse du mystère de la rédemption pour chaque individu ».

     Découvrir « les aspects de l’existence humaine facilement oubliés » grâce à la Vierge, n’est ce pas en même temps découvrir ou redécouvrir notre propre destin? Marie, Celle qui a porté en elle la Sagesse éternelle, le Christ, n’est-elle pas celle qui peut, plus que tout autre, nous dire quelque chose sur le sens de la vie ? Car en effet, la vie de Marie donne à penser, à réfléchir. Car sa vie annonce un monde nouveau, ce monde nouveau qu’apporte la Bonne Nouvelle de l’Évangile, ce monde nouveau qui fait vivre autrement, dès maintenant, si nous le voulons bien, notre existence, non pas en la bouleversant, mais en la transformant secrètement, de l’intérieur.

     Car Marie, portant en Elle la Sagesse éternelle, reste une femme quelconque, une femme juive quelconque, fidèle à la Loi de ses pères et obéissante à ses préceptes. Elle est « celle dont on n’a rien dit », pour reprendre les paroles d’un chant liturgique. Car, d’elle, on ne sait presque rien. Si les évangélistes font les éloges de ses parents, sur elle, ils restent sobres. Pas d’éloges flatteurs. Seulement, la discrétion. Et c’est peut-être cela qui la rend proche de chacun de nous, qui la fait ressembler à n’importe qui, à tout le monde. Cela me fait penser à saint Paul, quand il dit : « Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort ; ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l’on méprise, voilà ce que Dieu a choisi ; ce qui n’est pas, pour réduire à rien ce qui est » (1 Co 1, 28). Ces paroles pourraient s’appliquer à la Vierge. Marie ? La Vierge est « quelqu’un qui, comme servante, n’a, au sens où le monde entend ces mots, ni naissance, ni maison, ni nom » (France Quéré, Marie, DDB, 1996, p. 28).

     La Vierge Marie, c’est le trésor caché dans l’insignifiance non seulement d’une vie humaine, mais aussi d’un pays – à Nazareth ? Qu’est-ce qui peut sortir de bon de Nazareth? C’est la question que pose Philippe à Nathanaël, à propos du Messie: « Philippe rencontre Nathanaël et lui dit: Celui dont Moïse a écrit dans la Loi, ainsi que les prophètes, nous l’avons trouvé : Jésus, le fils de Joseph, de Nazareth. Nathanaël lui dit : De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ? Philippe lui dit: Viens et vois » (Jn 1, 45).

     Marie est véritablement la Femme pauvre, pauvre de cœur, pauvre d’elle-même, ignorante d’elle-même. « Personne n’a vécu, n’a souffert, n’est mort aussi simplement et dans une ignorance aussi profonde de sa propre dignité …. » (Georges Bernanos, Journal du curé de campagne, dans P. Régamey, Les plus beaux textes sur la Vierge Marie, p. 376).

     Marie est prête à accueillir le don de Dieu parce qu’elle est pauvre. « Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des Cieux est à eux » (Mt 5,3). Elle est toute prête à accueillir le monde nouveau qu’apporte le Christ, ce monde nouveau, qui nous invite à être autrement, à vivre autrement, qui va, si nous l’accueillons bien sûr, nous conduire de nous retourner en nous-même, c’est à dire, à nous convertir, à changer la manière de voir les êtres et les choses, à en découvrir le vrai sens. Tout cela, le Christ, va nous l’apprendre par son Évangile et par sa vie donnée, sa vie livrée sur la Croix. Avec Marie et en elle, ce monde nouveau, que le Christ inaugure, affleure déjà. Et qu’est-ce qui affleure déjà ? L’espérance et le don qui vont prendre le pas sur l’égoïsme, sur l’orgueil, sur toutes ces forces qui détruisent et défigurent les hommes, qui les détournent de leur vraie destinée. Ce qui affleure, c’est que plus l’humanité s’approche de la divine Charité, plus elle devient humaine, et plus elle s’en éloigne, plus elle se détruit.

     Chaque fête mariale fait mémoire de tel ou tel aspect de la vie de Marie, de tel ou tel événement de son existence, en nous faisant certes dépasser l’historicité des faits pour nous ouvrir sur le sens caché dont ces événements sont porteurs. Si chaque fête mariale relance notre espérance, elle nous fait approfondir ce à quoi nous sommes appelés à être, plus exactement, ce que nous sommes : des enfants de Dieu, créés à son Image.

     Benoît XVI, dans son encyclique « Sauvés dans l’Espérance », termine sa réflexion sur cette vertu théologale d’espérance en orientant nos regards et notre pensée sur « Marie, étoile de l’espérance. » Il médite sur la vie de la Vierge en montrant comment cette vie peut être, pour nos propres vies individuelle, personnelles, une véritable lumière. En la suivant, on ne se trompe pas de chemin.

     La vie humaine, dit-il, est une route, un chemin, elle est un pèlerinage. Vers quel but cela nous conduit-il ? Et comment en trouver l’entrée ? « La vie, écrit le Pape, est comme un voyage, sur la mer de l’histoire, souvent obscur et dans l’orage, un voyage dans lequel nous scrutons les astres qui nous indiquent la route. Les vraies étoiles de notre vie sont les personnes qui ont su vivre dans la droiture. » C’est toujours une grâce de Dieu, en effet, de rencontrer sur notre route des êtres qui nous parle de l’essentiel. Pour nous, chrétiens, le Christ, est cette Lumière par excellence, cette Lumière d’espérance qui nous révèle où vont les « nuits humaines. »

     Ces personnes « sont des lumières d’espérance. » Certainement, Jésus Christ est la vraie lumière de l’existence humaine, « le soleil qui se lève sur toutes les ténèbres de l’histoire. » Toutefois, pour arriver à une vraie relation avec le Christ, nous avons besoin d’intermédiaires, « de lumières proches », c’est à dire, « de personnes qui donnent une lumière en la tirant de Sa Lumière » à Lui, le Christ, et qui peuvent ainsi nous indiquer le véritable sens de notre pèlerinage terrestre. « Quelle personne pourrait plus que Marie être pour nous l’étoile de l’espérance » ?

     La Vierge a été totalement prise sous l’ombre de l’Esprit-Saint et elle est devenue comme un miroir où se reflète le visage de notre vraie humanité, faite à la ressemblance et à l’image de Dieu, parce qu’elle a porté en elle le Nouvel Adam, le Christ, Premier né du monde nouveau annoncé par les Prophètes de l’ancienne alliance, inauguré par la venue du Christ en ce monde. Par son « oui », la Vierge Marie « ouvrit à Dieu lui-même la porte de notre monde » (Benoît XVI, op. cit., n° 49, 50) et cette entrée de Dieu dans l’histoire est véritablement une Bonne Nouvelle.

     Les fêtes mariales, chacune à leur manière, développent le contenu de cette Bonne Nouvelle. Elles ravivent notre foi en Jésus Christ, notre amour pour Lui et pour nos frères, notre espérance en ses Promesses. C’est ainsi que ces fêtes mariales peuvent devenir de vrais repères pour notre vie. Elles sont comme des étoiles qui nous indiquent le sens de nos existences humaines.

     Méditation à partir de la lecture du livre d’Anselm Grün, osb / Petra Reitz, Médiaspaul, 2001, p. 5 à 27, par la Fraternité Annonciade, chemin de paix, à Thiais.

 

 

 

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