Juridiction franciscaine

Notice

Troisième fondation du monastère de Ligny-en-Barrois. En 1626, ont lieu les premières démarches auprès du Conseil de la ville de Bar. En juillet 1648 : autres démarches. Mais, cette période troublée par les guerres n’est pas propice aux nouvelles fondations. En effet, et pour cette raison, la ville ne donne pas volontiers le feu vert pour l’institution de nouvelles communautés religieuses. En 1678, les Annonciades peuvent enfin acquérir une maison située au bas de la place Saint-Pierre. C’est là qu’elles vont s’établir. En 1694, elles agrandiront même leur couvent en y adjoignant trois maisons voisines. Le monastère comprend des terres avec droit de pâture pour 12 vaches, 12 chevaux, des vignes etc. Les religieuses ont aussi un ouvroir, un pensionnat et reçoivent des novices. Le monastère peut abriter une trentaine de moniales. En 1685, elles sont 18 religieuses ;  en 1709, une trentaine ; 18, à nouveau, en 1780. Au moment de la Révolution de 1789, elles sont 14. La devise préférée de la communauté : “ Jésus, Marie, Joseph ” – devise en tête du livre de compte de la communauté.

Du 28 juillet au 2 août 1790 a lieu l’inventaire des biens meubles et immeubles des Annonciades par le commissaire de la nation. Les biens meubles sont vendus, la maison et les biens immeubles de la communauté ont été vendus aux enchères.

Que deviennent les religieuses après 1790, date de la dispersion de la communauté ? On ne sait. Des religieuses âgées et dépourvues de biens ont pu finir comme pensionnaires à l’hospice de Bar-le-Duc, comme sœur Madeleine Sorel. À Bar-le-Duc, toujours, quatre anciennes religieuses Annonciades sont signalées, en 1818, par le curé de la ville, comme indigentes et nécessiteuses. Mais, ces religieuses viennent-elles de l’ancien monastère de Bar ou d’autres monastères annonciades de Lorraine ? Les sources ne le disent pas.

Le monastère, resté sous la juridiction des frères mineurs jusqu’à sa fermeture, a été démoli.

On ne peut évoquer les Annonciades de Bar-le-Duc sans évoquer sœur Anne-Marie Viénot et son œuvre sur les Cœurs de Jésus et de Marie.

À son époque, en 1750-1757, le roi Stanislas, père de la reine Marie Leczinsky, gouverne la Lorraine qui, à sa mort, reviendra au royaume de France. Sous son influence, les villes s’embellissent, telles Lunéville, Commercy, Nancy. Épinal devient le centre de fabrication d’images populaires coloriées. Lunéville et Wiederwiller se distinguent par leurs faïences ; Toul par son petit vin dont la renommée a traversé les siècles. Les villages à flanc de coteau étalent leurs maisons aux formes allongées, au milieu des vignes et de vergers. Certains cachent, depuis plusieurs décennies déjà, un monastère d’Annonciades. C’est donc le cas de la ville de Bar-le-Duc. Dans ce monastère vit une sœur, Anne-Maria Viénot. À ses rares moments libres, elle a composé un ouvrage assez original.

Dessin A-M Viénot, Bar-le-Duc, env.1750

C’est un recueil de 186 pages dont 28 sont occupées par autant de peintures. Ci-contre, voici le premier dessin représentant sainte Jeanne de France.

Le manuscrit est donc rédigé par soeur Anne Marie Viénot en 1757 en  l’honneur des Cœurs de Jésus et Marie, illustré par “ son naïf pinceau ” ! Quand soeur Anne-Marie Viénot compose cet ouvrage, elle est simple tourière du monastère. La religieuse a dédié son ouvrage au père confesseur et directeur de la communauté le père Basile de la Croix, carme déchaussé. En 1769, notre tourière devient Ancelle de sa communauté. Elle a rédigé ces pages, dit-elle dans son introduction, “ en arpentant le monastère ” et “ en utilisant les rares loisirs que lui laisse son emploi de tourière ”.

L’intérêt de ce manuscrit ?

Il offre l’intérêt de constater l’attachement au Sacré Cœur, en Lorraine, et cela antérieurement aux apparitions de sainte Marguerite Marie, en 1673-1675. En effet, dès 1661, l’évêque de Toul, André du Saussaie, a publié un mandement en faveur de la dévotion aux Sacrés Cœurs de Jésus et Marie. Au siècle suivant plus de 30 confréries du Sacré Cœur sont fondées dont celle de Bar le Duc. D’autre part,  en 1739, c’est à l’église des carmes déchaussés de Lunéville que la confrérie du Sacré Cœur est canoniquement érigée et non à la paroisse. Les carmes, on vient de le voir, dirigent les Annonciades de Bar-le-Duc. De plus, ces mêmes Annonciades gardent le souvenir d’une apparition du Sacré Cœur à leur fondatrice, sainte Jeanne de France – apparition commémorée en 1604  dans un tableau du peintre berrichon Jean Boucher et conservé au musée de Bourges.

Mais laissons parler soeur Anne-Marie :

« Quelque brute et défectueux que soit ce petit ouvrage, j’ose cependant vous le présenter et vous prier de l’agréer tel qu’il est comme une faible preuve de la vérité de ma parfaite estime pour vous. C’est l’ouvrage d’un ignorante qui, comme vous le savez, n’a jamais vu peindre ni appris à manier le pinceau. Après cet aveu sincère lui sera-t-il donc difficile de trouver en votre bonté l’indulgence qu’elle vous prie de lui accorder pour tous les défauts qui s’y remarquent dès le premier coup d’œil, de même pour le style des pratiques pieuses enfermées en ce livre ; lesquelles y ont été couchées sans plus d’art et d’étude, le tout ayant été dressé avec une extrême précipitation, en très peu de temps et pour ainsi dire en arpentant le monastère presque continuellement – l’emploi de tourière me laissant à peine la plupart du temps le loisir de tenir de suite l’ouvrage la 4è partie d’un quart d’heure sans faire plusieurs courses et interruptions. Excusez don paternellement tous les défauts qui s’y trouvent, c’est-à-dire tout l’ouvrage en général.

O mon très honoré et bienheureux Père, que je serais heureuse si, comme vous,  tout brûlait en moi pour ces grands Cœurs. Que n’aie-je ce bonheur, ô mon Dieu, c’est là toute mon ambition : que mon amour pour Votre Divin Cœur et celui de Votre Sainte Mère soit sans borne ni mesure. O, mon très honoré Père, procurez ce grand bien, vous le pouvez, à celle qui se fait gloire d’être jusqu’au-delà du tombeau dans ces Cœurs tout de Feu, très respectueusement votre très humble soumise et obéissante fille en N.S. Sr Anne Marie Viénot de la Croix, religieuse par l’infinie miséricorde du Seigneur, 18 avril 1757. ”.

Pour honorer les divins Cœurs de Jésus et Marie, soeur Anne-Marie Viénot imagine une association de 24 officières. En voici trois :

« La médiatrice est la première officière des incomparables cœurs de Jésus et de Marie, La principale occupation de cette officière est de s’entremettre pour les pécheurs et pour les justes auprès de ces divins Cœurs, leur demandant avec larmes et sainte componction les grâces nécessaires aux uns et aux autres pour s’adonner au bien solide qui est uniquement de plaire en tout à Dieu.

La 12e officière est l’Épouse solitaire. L’exercice principal de cette heureuse officière est d’honorer l’aimable Cœur de notre Sauveur au très Saint Sacrement de l’Autel. Pour cet effet, elle fera de son propre cœur une douce solitude d’où elle se tiendra comme cachée dans un paisible désert…

La 22e officière est l’amante crucifiée. Quel titre plus glorieux que celui de cette heureuse officière, quels doivent être aussi sa constance, son courage et sa générosité en toutes occasions. Élevée de terre comme son fidèle Époux, crucifiée, attachée à la croix comme Lui, rien ici-bas ne doit plus l’occuper qu’un désir toujours nouveau de s’offrir sans cesse à son adorable Volonté. »

Anne Marie émaille son texte de naïves peintures. Chaque officière est symbolisée par un cœur enflammé, soutenu par deux ailes qui s’élancent vers le double objet de son amour : Jésus, Marie.

En plein cœur de ce 18e siècle, traversé par tant d’idéologies philosophiques, marqué par un jansénisme desséchant, Anne Marie Viénot, elle, déborde de ferveur et d’amour. Elle rejoint la foi des humbles et des petits, se coulant aisément dans ce courant spirituel bien de son époque : la dévotion au Sacré Cœur tout en se nourrissant de ses racines, celles des origines mêmes de l’Annonciade.

Sources manuscrites 

Archives départementales de la Meuse, 36 H 1 ; 36 H 2 ; 37 H 21-22 ; État des religieuses en 1791 – Archives Nationales, minutier central, XXIV 419, Ms du 28 juillet 1641 : Marguerite de Saint-Vrain va installer un monastère à Bar-le-Duc.

Bibliothèque municipale de Bar-le-Duc, Ms fr. 206, « Considérations pieuses », vol. 51 du cat. des Ms p. 495.

Sources imprimées

Charles Aimond, « Une œuvre originale rédigée et illustrée par une Annonciade de Bar le Duc, 1757 », Annales de l’Est, n° 2, 1962.

G. Driant « Histoire de la ville de Clermont-en-Argonnes », 193, p. 118‑135.

Abbé Robinet, Pouillé de Verdun, 1888.

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