Juridiction des Frères Mineurs
Notice
En 1646, les Annonciades s’installent à Aix-la-Chapelle. Dix ans auparavant, d’après l’historien Schollen, elles auraient fait une tentative d’installation à Dusseldorf. L’Ordre des Annonciades en Allemagne connaît à cette époque un certain rayonnement.
En 1636, une jeune fille, Maria Théodora de Bautze, demande à entrer dans l’Ordre des Annonciades. Mais les parents de la jeune fille voudraient une fondation à Aix-la-Chapelle pour y voir entrer leur fille. Le 16 juillet 1637, le Père Henri Iseudorn, père gardien du couvent des Franciscains d’Aix-la-Chapelle, donne l’accord pour une fondation d’Annonciades en cette ville. Mais, les choses vont traîner en longueur, si bien que Théodora et une de ses amies Maria de Heynhofen vont entrer finalement au monastère de Düren.
Les deux jeunes sœurs vont gagner leurs sœurs de Düren à l’idée d’une fondation à Aix-la-Chapelle. La communauté se tourne alors vers leurs supérieurs franciscains. Les Pères de la province de Cologne, au cours du chapitre de 1643, décident de s’occuper de cette demande. Ils vont y consentir à condition que les Annonciades remplissent certaines conditions : paiement de cinq années de loyer de la maison qu’elles occuperont lors de leur installation ; chercher une demeure fonctionnelle afin qu’elles puissent vivre en communauté et en clôture ; obtenir auprès des membres de la municipalité leur assentiment et assurer la ville qu’elles ne mendieront pas.
Une fois ces conditions remplies, les Franciscains procèdent à la nomination des sœurs fondatrices : Marguerite Tilmanni, ancelle ; Sybille Kemmerlings, assistante ; Claire Agnès de Spies-Bullesheim, conseillère ; Marie Theodora de Bautze, maitresse de chœur et Jeanne Mertzenich, sœur converse. Toutes viennent du monastère de Düren. Dans un premier temps, elles se rendent dans une maison mise à leur disposition par un gentilhomme de Kronenburg sur la Dreiss. Elles y demeurent gratuitement environ six mois puis, ensuite, vont payer un loyer à leur hôte jusqu’à ce qu’elles acquièrent une maison avec jardin, grâce à des amis et bienfaiteurs, pas très loin de leur première installation. Elles prennent possession de cette nouvelle maison le 14 novembre 1649, tout en projetant la construction d’un nouveau couvent, sur le terrain qui se trouve autour, quand leurs ressources seront meilleures.
Sept années s’écoulent. En 1656, le monastère projeté est-il construit ? On ne sait. Quoi qu’il en soit, le 2 mai 1656, Aix-la-Chapelle connaît un formidable incendie. Dans la rue St-Jacques, en face de l’église paroissiale St-Jacques, près de la porte dite «des Jeunes Nobles » le feu prend dans une maison et gagne très vite en ampleur si bien que toute la ville s’embrase. Tous les couvents de la ville sont pris par les flammes. La chapelle des Annonciades n’y échappe pas. Les Clarisses, les Annonciades et les Pénitentes, les sœurs du Troisième Ordre de St-François – pour ne parler que des couvents franciscains – quittent leur couvent, par ordre du provincial, justement présent à Aix-la-Chapelle pour la visite canonique, et tentent de trouver refuge. Les Annonciades en trouvent un à Borschet, à l’abbaye Burtacheid, où une Annonciade d’Aix-la-Chapelle, Claire de Spies, a une sœur religieuse. Elles y restent pendant trois semaines.
Après quoi, le Provincial, voyant la ruine des bâtiments du monastère d’Aix-la-Chapelle et la pauvreté des Annonciades, va ordonner qu’une partie de la communauté retourne à Düren. L’assistante, Sybille Kemmerlings et trois sœurs de chœur, deux converses et deux novices sont donc renvoyées à Düren. Les autres sœurs, cinq ou six, restées à Aix-la-Chapelle, trouvent refuge chez la comtesse Hoen de Gleen. Elles vont faire tous leurs efforts pour avoir une nouvelle demeure. En premier, elles vendent une partie de leur terrain. Sur la partie restante, elles commencent alors à bâtir. En 1658, les travaux sont bien avancés, si bien que les sœurs renvoyées à Düren peuvent revenir. Le 27 octobre 1658, elles arrivent de nuit, à Aix-la-Chapelle. Devant la porte du couvent, se tient la mère assistante qui court, heureuse, au devant des arrivantes. Mais le couvent est loin d’être terminé et les sœurs sont habillées pauvrement : mouchoir plein de trous pour une et voile troué pour une autre….
Les années qui suivent sont donc consacrées à terminer les constructions. Celles-ci vont durer un certain temps car, lorsqu’il faut remédier à la pauvreté des sœurs, on délaisse un peu les constructions. C’est pendant cette période de travaux que va être fondée au couvent d’Aix-la-Chapelle la « Fraternité des Anges Gardiens ». Certaines sœurs de la communauté y sont affiliées.
Le 8 septembre 1669, cérémonie de la pose de la première pierre de la chapelle. L’église est dédiée aux Saints Anges Gardiens, le 17 juillet 1678. Sur la première pierre de fondation est gravée le nom des 10 vertus de la Vierge : chasteté, prudence, humilité, foi, grâce (ou gratitude), obéissance, pauvreté, patience, piété, persévérance. En 1678 également, le grand autel est consacré en l’honneur de l’Annonciation, un des autels latéraux en l’honneur des Saints Anges, l’autre en l’honneur de Saint Joseph, Saint Joachim et Sainte Anne. A la fin du 17ème siècle tous les bâtiments du couvent sont terminés.
En 1766, la Fraternité des Anges Gardiens fait faire une nouvelle chaire. En 1778, un nouveau tronc pour les pauvres est placé à la table de communion. En 1792, la Fraternité des Anges Gardiens fait une donation, à savoir, une « chapelle complète » , c’est-à-dire tout ce qui est nécessaire au culte (aubes, chape, étole etc.). La bénédiction de ce don a lieu le 19 avril1792 par le père gardien des Franciscains d’Aix-la-Chapelle, le père Paul Hensen. Puis cette « chapelle » est remise aux employés de la Fraternité. Cette « chapelle » ne doit servir que le dimanche in albis et qu’à la fête des Saints Anges. Qu’est devenu tout cela à la fermeture du couvent ? C’est la question que se pose Schollen.
Voici quelques fêtes solennelles célébrées dans la chapelle des Annonciades : 4 février, fête en l’honneur de la fondatrice de leur Ordre ; en juillet, fête de la dédicace de la chapelle des Dominicains ; en septembre, fête des Saints Anges Gardiens, en décembre, une « messe d’or ».
En avril 1709, l’archevêque Jean de Tarsus et Mantius – chargé alors du couvent de la Visitation de la ville – passe au monastère de l’Annonciade. À propos de cette visite, il écrit :
« Après un examen tant de la mère que des autres sœurs, nous pouvons dire que nous avons trouvé rien de répréhensible ; bien au contraire. Ce fut pour nous une source de satisfaction. Les sœurs sont instruites de la discipline régulière… Les membres de cette communauté s’évertuent à pratiquer entre elles la charité, à tel point que l’on peut vraiment dire de ces religieuses qu’elles marchent sur les chemins de la justice ».
Une fois par an, les sœurs instituent une « récréation » pour la Fraternité des Anges Gardiens. Dans tous les arrêtés municipaux les Annonciades sont considérées comme « des sœurs pauvres » – ce qui laisse supposer que les revenus de la communauté sont restreints ainsi que les dots des sœurs…
Schollen mentionne deux cas où les sœurs ont dû vendre des biens, après en avoir demandé l’autorisation par une pétition, cela, pour accueillir de nouvelles novices. Une première fois, le 19 juillet 1670, une seconde fois en 1680. Ces pétitions étaient certainement adressées à la ville. « A la suite de la requête que l’honorable Père et les Annonciades cloîtrées nous ont présentée, il a été pris un arrêté favorable pour que Catherine Ploum de Bossveiler, qui les a suppliés, puisse prendre l’habit religieux avant de faire profession et pour autoriser Pierrette Peters et Gillissen Husch à vendre et à transférer des biens meubles et immeubles ». Telle est la pétition de 1670.
Celle de 1680 concerne le même sujet : admission d’une sœur au monastère. Elle est signée par : Marie Gertrude Quirini, ancelle, Maria Theodora de Bautze, ancienne ancelle et fondatrice, Marie Catherine Muyters, assistante, Catherine de Treir, conseillère. Ces pétitions sont intéressantes car elles donnent un aperçu de la situation de l’Ordre par rapport aux pouvoirs publics. Car à l’époque, les Ordres religieux ont certains privilèges, tel le privilège « fori et immunitatis » c’est-à-dire qu’ils peuvent être compétents en matière judiciaire : les causes judiciaires ne sont pas jugées par les juges civils mais par le supérieur religieux. Autre privilège, celui du « privilegium immunitatis » : l’état religieux est exempté des charges publiques, impôts et taxes.
Mais pour empêcher les Annonciades d’avoir trop de « privilèges », le Conseil de la ville a exigé – cela a été vu au moment de la fondation – qu’elles s’engagent à ne pas désavantager ou à ne pas nuire à la ville. Dans le cas de la pétition de 1680, il semble que la ville ait demandé aux Annonciades 1000 livres tout en leur accordant ce qu’elles demandaient, cela, en vertu des conditions établies lors de la fondation du couvent. Cependant, le conseil est assez compréhensif. Parfois, il accède aux demandes des Annonciades : par exemple, sur une proposition de celles-ci, dans les années 1772 à 1782, il accorde une exemption de droits contre 18 à 20 fûts de bière…
On peut comprendre la position de la ville. Aix-la-Chapelle possède de nombreux couvents installés bien avant les Annonciades et pour lesquels on ne peut refuser les privilège religieux. De plus, la situation financière de la ville est mauvaise. Donc, les magistrats de la ville cherchent de nouvelles taxes… De même, en matière d’acquisition de terrain, les Annonciades ont eu quelques difficultés de la part de la ville. Cela s’explique : l’exemption d’impôts n’est pas pour une fois, mais pour toujours. Lorsqu’elles demandent d’acheter un terrain près de leur chapelle, il est posé comme condition : engagement pour l’avenir de ne pas acheter à nouveau de terrain à côté de cet accès. Cependant, cet engagement n’a pas été gardé rigoureusement, selon Schollen. En un mot, pour résumer les rapports des Annonciades avec la ville : rapports assez souples, bons en général, obéissant du côté des Annonciades, bienveillant du côté de la ville.
L’Ancelle, l’Assistante, la Maîtresse du Tour – sœur responsable des sœurs tourières – ont les principales fonctions. Ces trois religieuses répartissent les charges et représentent le monastère à l’extérieur, s’occupent de toutes les questions relatives au gouvernement du monastère.
Le monastère est supprimé lors de l’occupation française. Napoléon a fait cadeau à la ville du couvent en l’année 1804, pour servir de maison de correction et de refuge pour malades mentaux. En 1823, une dépendance de l’hôpital de la ville est installée dans la maison des Annonciades, et plus tard les « filles égarées » y sont installées. C’est pourquoi, la voix populaire dit que « depuis que les Annonciades sont parties, l’esprit s’est échappé !»…
L’historien Schollen termine son historique par trois annexes : liste des mères ancelles, listes des Annonciades membres de la Fraternité des Anges Gardiens ; relation de l’incendie de la ville d’Aix-la-Chapelle d’après la Chronique du monastère de Düren.
Sources manuscrites
Sources manuscrites : Archives Municipales d’Aix-la-Chapelle, recensement des communautés religieuses de la ville, n° 20 : au couvent des Annonciades. Archives franciscaines de la province de Westphalie.
Sources imprimées
Hengst Karl, Lexicon der vor 1815 errichteten stifte und klöster von ihrer gründung bis zur aufhebung, Quellen und forschungen zur kirchen – und religiosgeschte, band 2, Aschendorff – Munster, 1992, traduction française, 1994.
Schlager (Père Patricius), ofm, Histoire des couvents des Annonciades en Westphalie, Harreweld, sd. Traduction française, Thiais (F), 1974, 25 p.
Schneider Herbert, ofm, « Die Annunziaten in Heiligen Rômischen Reich, ihre geschichte und lebensweise », Rhenania Franciscana Antiqua, band 6, Herausgegeben von Otho Gimmnich, ofm, Düsseldorf, 2002 / et « Les Annonciades dans le Saint-Empire germanique », dans Jeanne de France et l’Annonciade, Cerf, Paris, 2004, p. 238sv.
Vandeloo Denise, “De non die zakenvrouw werd, in één op drie huisapotheken in Duitsland is ‘Klosterfrau Melissengeist’ thuis”, Zaterdag 28 en Zondag, 29 juli 2001.
Schollen François, « Histoire des Annonciades d’Aix la Chapelle », dans Communication de l’Union pour la connaissance du passé d’Aix la Chapelle, n° 4, Publiée par délégation de H. Schnock, Éd. de la librairie C. Cazin, Aix la Chapelle, 1894. L’auteur a aussi consulté le volume 2, p. 130 et sv., de « Contribution à l’histoire d’Aix-la-Chapelle et à ses environs », article de QUIX.
Note
Le Père Adam Bürvenich, définiteur de la province de Cologne a écrit une Chronique du monastère de Düren. Le texte commence le 17 août 1660. Cette Chronique donne quelques renseignements sur la fondation du monastère d’Aix-la-Chapelle. Les archives municipales de la ville d’Aix-la-Chapelle, ayant subi de graves dommages à la fin de la seconde guerre mondiale de 1940-1945, l’archiviste de ce fonds, qui a été consulté, pense que cette Chronique a été perdue à ce moment-là. Cependant, il faudrait voir du côté des archives franciscaines de la région.
Pour l’histoire des monastères d’Aix-la-Chapelle et de Düren, il faudrait aussi consulter, d’après F. Schollen, qui a eu en main la Chronique de Düren, l’ouvrage de Bonn, Rumpel et Fischbach, « Collection de documents sur l’histoire de Düren et de ses environs immédiats », p. 344 et sv.
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