Cette fête nous rappelle que toute personne humaine, tout homme, toute femme, a été créée non seulement pour la vie, et la vie heureuse qui ne finit pas, mais aussi pour donner la vie, la faire grandir chez d’autres. Certes, Dieu seul donne la vie, il en est l’auteur, il est même la Vie. Il ne la reçoit de personne. Il est Amour et Amour créateur, c’est à dire, Vie qui se diffuse en lui-même et hors de lui-même, dans toutes ses créatures, dans toute personne créée à son image et à sa ressemblance (Gn 1, 26). Alors, un des signes de cette ressemblance de la personne humaine avec son Créateur, n’est-ce pas cette capacité d’aimer, de donner et de se donner ? Et le don fait par amour est toujours créateur de vie.

     « Marie représente l’amour qui donne la vie », la vie qu’est le Christ. C’est autour de cette idée que va s’articuler cette petite méditation sur la fête de Marie, Mère de Dieu.

     Marie est Modèle pour l’Église, pour tout croyant. Si Marie a donné le Christ au monde, de même, l’Église, par les sacrements Le donne à tout croyant et tout croyant, à son tour et à sa mesure, est appelé, comme la Vierge, à Le donner au monde. C’est le but de toute vie chrétienne, de toute vie spirituelle.

     Par Jésus nous savons ce que c’est que d’être « Mère du Christ ». Être mère du Christ, c’est faire la Volonté du Père : « Quiconque fait la volonté de Dieu, voilà mon frère, ma sœur, ma mère » (Mc. 3, 35). Marie, mère de Dieu peut nous aider à faire Sa volonté, à Lui plaire, et par là, à Le manifester, à Le donner au monde. Mais comment devenir « Mère » du Christ ? On le devient certainement en entrant petit à petit dans les sentiments mêmes de la Vierge, jusqu’à même « devenir spirituellement Marie », comme le disent les auteurs de l’ouvrage, d’être conforme à Marie, en son âme, en son être intérieur. Quels actes concrets cela suppose-t-il?

     À l’exemple de Marie qui méditait dans son cœur tous les événements concernant son Fils. Saint Luc nous dit en effet que la Vierge «conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur»; en encore, elle « gardait fidèlement toutes ces choses en son cœur. » (Lc 2, 19 et 51). Méditer, ainsi, comme Marie, tout ce qui concerne le Christ, se mettre à son école qui est celle de l’Évangile. Alors, cette méditation de la Parole, si elle est vraie, ne restera pas sans effet, elle prendra forme, pour ainsi dire, en nous et hors de nous, elle nous travaillera de l’intérieur, en renouvelant notre manière de penser et de réagir face à tel ou tel événement, face au monde et aux idées ambiantes, renouvelant aussi notre manière de vivre et d’agir, d’être avec les autres. En un mot, on vivra, aujourd’hui, ce que conseillait saint Paul aux premières communautés chrétiennes : « ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait, (Rm 12, 2).

     La méditation de la Parole, nous aide à discerner ce qui plaît à Dieu, ce qui est conforme à ses vues sur l’homme, nous aide à suivre les traces de Jésus Christ, nous aide donc à le manifester et à le donner aux autres par notre vie. La méditation de la Parole nous aide à voir où est le bien, selon le Dieu de Jésus Christ. La Parole de Dieu nous aide à aimer selon le cœur de Dieu, et cet amour devrait informer nos pensées, nos paroles et nos actions. Ainsi, petit à petit notre vie s’ouvre au Christ et le manifeste, le donne en le laissant voir, pour ainsi dire, par notre comportement. Saint François d’Assise, en quelques mots, a bien résumé ce qu’est la maternité spirituelle de tout chrétien. Nous devenons les « mères » de Jésus-Christ, dit-il, « lorsque nous le portons dans notre cœur et notre corps par l’amour, par la loyauté et la pureté de notre conscience, et que nous l’enfantons par nos bonnes actions qui doivent être pour autrui une lumière et un exemple. (saint François d’Assise, Documents, Paris, 1968, p. 106 : Lettre à tous les fidèles).

     Pour François, la vie chrétienne a comme vocation celle de porter et d’enfanter le Christ. Le fondement de ceci est la vie de foi, nourrie dans la prière et la méditation de la Parole, l’écoute du Magistère. En nous conviant à mener à bien de bonnes actions, François fait appel à notre capacité à faire de nos existences une incessante maternité spirituelle. Comme Marie qui a porté et enfanté le Christ, notre vocation est de nous consacrer à porter et enfanter Jésus. Cette vocation est la vocation de tout baptisé. En moi doit naître le Christ qui est Amour. Nous sommes donc appelés à manifester l’Amour du Seigneur à la mesure de la Grâce divine qui nous est confiée, et à le manifester à travers des actes concrets que saint François nomment de « bonnes actions », c’est à dire, des actes bons, des gestes, des attitudes d’amour.

     Si Marie a porté ainsi Jésus, le Verbe de Dieu, c’est parce qu’elle a cru. Alors, c’est donc par la foi que, nous aussi, nous l’enfantons. Saint Augustin, dans son commentaire de la Lettre de saint Paul aux Galates, écrit que le Christ est formé par la foi chez le croyant, chez l’homme intérieur, appelé à la liberté de la grâce, l’homme doux et humble de cœur qui ne se vante ni de ses mérites ni de ses actions. Et cela s’opère par une humble vie de prière, et de prière assidue.

     La Vierge Marie, encore une fois, est modèle pour l’Église. Cela veut dire que l’Église doit toujours enfanter le Christ comme Marie l’a enfanté. Mais, tout enfantement est long, douloureux. Il faut ruminer la Parole, la laisser longuement grandir en nous pour qu’elle porte du fruit à son heure. Il faut consentir à ouvrir notre vie quotidienne à Dieu en grandissant dans la foi, la confiance, la prière ; en grandissant aussi dans l’amour du prochain, en donnant le goût du beau et du bien, autour de nous, en faisant découvrir aux autres la joie de vivre et la joie de croire, en rayonnant autour de nous le message d’amour, de liberté et de paix du Christ : voilà quelques moyens de Le donner au monde.

     En portant nos regards sur la Vierge, et la Vierge Mère, nous découvrons un des aspects de notre vie, celui de donner la vie, de donner à d’autres le goût du Christ et de son Évangile, pour les aider à grandir dans le bien, pour leur faire découvrir quel est le meilleur en eux et les encourager à le donner autour d’eux. Il est bon de contempler la Vierge et de comprendre toujours mieux que Marie est un modèle de « sollicitude pour la Vie. » De même, la vie de l’Église, par son magistère, par ses sacrements, par l’annonce de la Parole, n’est-elle pas, elle aussi, un modèle d’accueil de la vie, de « sollicitude pour la vie » ? Comme le dit Jean-Paul II : « en contemplant la maternité de Marie, l’Église découvre le sens de sa propre maternité et la manière dont elle est appelée à l’exprimer. En même temps, l’expérience maternelle de l’Église ouvre la perspective la plus profonde pour comprendre l’expérience de Marie, comme modèle incomparable d’accueil de la vie et de sollicitude pour la vie. » (Évangile de la Vie, n° 102) Dans un monde qui bafoue la vie, qui bafoue le début comme le terme de la vie, comme il est important de vivre cet Évangile de la vie, car l’homme est fait pour la vie et la vie heureuse dont la source se trouve dans le cÅ“ur de Dieu, le Père, Source éternelle, jaillissante de Vie.

     Méditation à partir Des repères pour vivre les fêtes mariales d’Anselm Grün, osb / Petra Reitz, Médiaspaul, 2001, p. 34-43.

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