« Combien Marie fut obéissante, nous l’avons déjà vu plus haut. Il ne nous reste donc plus qu’à l’imiter en  cette vertu d’obéissance, et cela de cinq manières.  L’Obéissance est tout d’abord simple. Elle consiste en ceci : faire simplement tout ce que commandent les supérieurs, sans se dire « il vaudrait mieux faire autrement » car cela ne serait pas « Marie ». Quelque instruit ou intelligent que soit un homme, c’est à cette simplicité qu’il doit s’appliquer avant tout. » (Bx P. Gabriel-Maria)

Poursuivons avec le Père Gabriel Maria, notre réflexion sur l’obéissance. Souvenons-nous de la lettre précédente : l’obéissance comme écoute, l’obéissance comme recherche du bien commun qui est la réalisation du bien particulier de chacun et non de quelques-uns au détriment des autres.  Donnons encore quelques pistes de réflexion :

Un souvenir me revient : quelques années avant mon entrée à l’Annonciade, il y a donc plus de vingt ans, une émission télévisée présentait des écoles désignées comme « particulières ». Entre autres étaient présents sur le plateau et dans les reportages, des élèves d’une école de danse et un champion  du monde de patinage artistique. Le journaliste interrogeait ce patineur sur les grandes exigences de ces écoles à l’égard de leurs élèves. Le patineur répondit que ces exigences étaient libératrices.

-« De quoi vous libèrent-elles ? » s’étonnait le journaliste.

-« De moi-même ! » s’exclama le patineur.

De nos jours le développement du  « coaching » témoigne de ce besoin d’un regard  extérieur  pour dépasser nos étroitesses et nos craintes, notre aveuglement sur nous-mêmes,  notre point de vue limité, nos peurs, nos doutes. Le coach entraîne celui qu’il a mission d’aider, vers le meilleur insoupçonné de lui-même.

Saint Paul nous ouvre une autre porte pour aller plus loin dans la compréhension de la vertu d’obéissance qui rejoint le point développé par le Bienheureux Père Gabriel Maria :  « Soyez soumis les uns aux autres » (Ep 5, 21)

« Ayez entre  vous les mêmes sentiments qui sont dans la Christ Jésus : Lui, de condition Divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu… Agissez en tout sans murmures ni contestations … » (Ph 2, 5-6. 14)

Il  ne s’agit pas de se soumettre à une autorité tyrannique – (il faudrait sur cette question,  renvoyer aux exemples et aux écrits de Gandhi et de Martin Luther King) –  mais de se soumettre les uns aux autres. Soyons lucides : le penchant naturel de l’humain est plutôt de chercher à dominer l’autre et à être le maître de l’autre. Là est une source essentielle de conflits, de souffrances dans les relations humaines, de troubles. L’invitation à se soumettre les uns aux autres est en revanche un chemin de paix. Non  pas la paix des cimetières, fruit de la destruction des uns par les autres, de l’étouffement des uns par les autres. Mais fruit de l’écoute réciproque et de l’accord profond qui en découle. De ce fait, il me semble que cette vertu d’obéissance est la vertu des doux « Heureux les doux, ils obtiendront la terre promise » (Mt 5, 4) : les doux sont les dociles. Non pas par défaut de caractère ou de volonté. Au contraire,  pour obéir vraiment il faut savoir choisir. Je choisis de remettre ma volonté dans les mains du Père comme Jésus Christ notre Seigneur doux et humble de cÅ“ur qui est le modèle de toute obéissance chrétienne. Mais aussi, vertu des pacifiques : « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9) puisque nous disions plus haut que la vertu d’obéissance est source de Paix.

À partir de ces divers chemins ouverts nous arrivons à cette simplicité de l’obéissance, par laquelle Gabriel Maria ouvre son enseignement sur cette vertu. L’obéissance simple ne signifie pas « simplette » ni « esclave » mais obéissance qui n’est ni double, ni compliquée. Obéissance de l’être humain comme un acte de grande liberté : je choisis de faire ce qui est demandé. Gabriel Maria mentionne un peu plus loin l’exemple de Saint François d’Assise :

« Lorsque saint François exhortait ses frères à obéir avec simplicité, il avait coutume de dire : «Le Seigneur m’a fait cette grâce que si le plus jeune d’entre les frères de tout l’ordre ou même un novice m’était donné comme gardien, je lui obéirais avec la même promptitude et la même simplicité qu’au plus digne de tous, car il représente auprès de moi mon Seigneur et mon Dieu ; et je sais bien que si je venais à le mépriser et à lui refuser obéissance, c’est à Dieu même qu’irait mon mépris et mon refus d’obéir 17. »(D’après Thomas de Celano, dans François d’Assise, Écrits, Vies, témoignages, Sources franciscaines, t. 1, Cerf. éf., 2010 p. 1645).

Partageons encore cet extrait de la Première Règle des frères Mineurs  qui rend exactement l’esprit et plus encore l’enracinement franciscain du Père Gabriel Maria au  sujet de la vertu d’obéissance : « Sur aucun homme, mais surtout sur aucun autre frère, nul frère ne se prévaudra jamais d’aucun pouvoir de domination. Comme dit le seigneur dans l’Evangile, les princes des nations leur commandent, et les grands des peuples exercent le pouvoir : qui voudra être le plus grand parmi eux sera leur ministre et serviteur, et le plus grand parmi eux sera comme le plus petit. Aucun frère ne doit dire ni faire aucun mal à un autre ; au contraire, par esprit d’amour qu’ils se rendent volontiers service et s’obéissent mutuellement : telle est la vraie et sainte obéissance de notre Seigneur Jésus-Christ. (Ecrits de saint François d’Assise, Première Règle 5)

La méditation de ce premier point tombe providentiellement au moment où nous nous préparons à célébrer la Nativité de notre Seigneur Jésus Christ : voilà sous nos yeux la simplicité de l’obéissance : le Fils qui est Dieu né de Dieu, lumière née de la Lumière soumis à Joseph et à Marie, soumis à la Loi de son peuple et aux lois des hommes de son temps, remis dans un total abandon à son Père qui est toute bonté et miséricorde.

J’ai conscience d’avoir fait beaucoup de détours dans ces quelques lignes sur l’obéissance mais les temps que nous vivons incitent à creuser profond pour comprendre la juste et véritable obéissance qui n’est jamais asservissante mais libérante.

Suite le mois prochain…. joyeux Noël et bonne année 2023 ! Avec toute notre prière

Sœur Marie de l’Annonciation OVM

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