En cette année 2025-2026, la Fraternité annonciade, associée au monastère de Thiais, va réfléchir sur la manière évangélique de lire et comprendre l’événement qui peut survenir dans notre quotidien. L’exemple de sainte Jeanne nous accompagnera tout au long de l’année.
- L’événement : un signe à déchiffrer
- Comprendre ce qui arrive
- « Comment cela se fera-t-il ? »
- « Marie retenait toutes ces choses les méditant dans son coeur »
- « Bienheureuse toi qui as cru »
- « Pourquoi nous as-tu fait cela ? »
- Se laisser conduire
L’événement, un signe à déchiffrer
Mt 16, 1-4 – Les pharisiens et les sadducéens s’approchèrent pour mettre Jésus à l’épreuve ; ils lui demandèrent de leur montrer un signe venant du ciel. Il leur répondit : « Quand vient le soir, vous dites : “Voici le beau temps, car le ciel est rouge.” Et le matin, vous dites : “Aujourd’hui, il fera mauvais, car le ciel est d’un rouge menaçant.” Ainsi l’aspect du ciel, vous savez en juger ; mais pour les signes des temps, vous n’en êtes pas capables. Cette génération mauvaise et adultère réclame un signe, mais, en fait de signe, il ne lui sera donné que le signe de Jonas. » Alors il les abandonna et partit.
Accueillir l’événement, heureux ou malheureux, l’accueillir en restant ancré dans ce qui fait notre vie, à partir du quotidien, du réel. Le voir comme un signe au creux de nos jours. Si le quotidien est parfois synonyme de routine, de tâches insignifiantes à accomplir, voire de désagrément, ou de la lassitude, il est surtout, plein d’intérêt : c’est là en effet que se révèlent nos forces et nos faiblesses, il contient notre passé, notre présent et prépare notre avenir. Et puis, si nous le regardons ou le pensons à la lumière de l’Évangile, ce quotidien peut même devenir le terrain de nos audaces, de nos espérances. Car c’est au cœur même de ce quotidien que l’Esprit de Dieu peut donner à nos existences leur dimension spirituelle, les ouvrir sur des horizons insoupçonnés. Alors l’événement, quel qu’il soit, deviendra parole.
Mais il faut du courage pour accueillir ce quotidien, bien souvent sans fioritures, pour se laisser visiter par ce qui advient chaque jour, pour entrer dans l’écoute de notre vie, il faut du courage pour avoir cette attitude d’éveil face à ce qui arrive, du courage pour tourner le dos à la routine, du courage pour passer du devoir au désir de bien faire, au désir de vivre vraiment, en un mot, du courage pour choisir tout simplement la vie. Dieu nous désire vivants !
C’est là, au cœur de nos journées les plus simples que peut s’accomplir toute conversion, tout changement d’esprit et de mentalité car c’est là que l’Esprit saint travaille en vue de donner à nos vies toute leur plénitude, dans la mesure, certes, de notre « oui », de notre disponibilité, de notre désir de vivre vraiment.
La vie de sainte Jeanne de France (1464-0505) est parlante à ce sujet. Elle nous enseigne que son chemin de sainteté s’est accompli au cœur même de son quotidien, au cœur même d’événements heureux et moins heureux de la vie. Elle a donné à l’ordinaire de sa vie une orientation réfléchie, celle d’accueillir l’évènement et d’y voir, en cet événement, une occasion de plaire à Dieu en ses pensées, en ses paroles et en ses actions. Cette orientation, elle l’a suivie au jour le jour, dans les circonstances où la vie la mettait. Elle n’a pas déserté son présent, si douloureux soit-il, elle ne s’est pas réfugiée dans le rêve. Elle ne s’est pas dérobée au réel ; elle a dit oui à Dieu, non pas en s’évadant de son quotidien mais en disant son oui dans les limites même de ce quotidien. Et ce oui à Dieu, au jour le jour, a donné à sa vie toute sa cohérence et tout son sens. Elle a su discerner, sous l’épaisseur de son quotidien, au cœur même des contraintes que ce quotidien lui imposait le bon plaisir de Dieu.
- L’événement : un signe à déchiffrer
- Comprendre ce qui arrive
- « Comment cela se fera-t-il ? »
- « Marie retenait toutes ces choses les méditant dans son coeur »
- « Bienheureuse toi qui as cru »
- « Pourquoi nous as-tu fait cela ? »
- Se laisser conduire
Comprendre ce qui arrive
Mt 11, 16-19 – À qui vais-je comparer cette génération ? Elle ressemble à des gamins assis sur les places, qui en interpellent d’autres en disant : “Nous vous avons joué de la flûte, et vous n’avez pas dansé. Nous avons chanté des lamentations, et vous ne vous êtes pas frappé la poitrine.” Jean Baptiste est venu, en effet ; il ne mange pas, il ne boit pas, et l’on dit : “C’est un possédé !” Le Fils de l’homme est venu ; il mange et il boit, et l’on dit : “Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs.” Mais la sagesse de Dieu a été reconnue juste à travers ce qu’elle fait.
Comment discerner dans l’événement qui se présente, une parole à comprendre? Comment la discerner à travers l’épaisseur du quotidien? Le passage d’évangile montre bien comment on peut passer à côté d’un signe venant de Dieu. Indifférence. Tiédeur. Critique. Etc. Mais, est-il dit, « la sagesse de Dieu a été reconnu juste… ». Car il y aura toujours, heureusement, des croyants qui feront bon accueil à l’évangile, qui reconnaitront les signes de Dieu, qui seront ouverts à la nouveauté. Les saints en sont un exemple.
Ainsi, Jeanne a été attentive aux événements car ils sont porteurs de sens. Pour comprendre le signe de Dieu à travers tel ou tel événement, elle a su s’appuyer sur des médiations. La première, c’est la connaissance de soi. Elle s’est accueillie elle-même avec humilité et vérité : la connaissance de soi libère et rend disponible. Puis, la prière et la Parole de Dieu ont été pour elle des guides lui montrant la direction que son existence devait prendre. Les autres : eux aussi ont pu dans certaines circonstances lui indiquer la route à suivre. Elle a été également attentive à ce que lui disait l’Église. Tout cela a été des médiations pour elle capables de lui faire discerner le signe de Dieu au cœur de l’événement vécu.
En effet, ces médiations appellent à sortir de soi, à ouvrir notre cœur et notre volonté à plus grand que soi. Elles aident également à ne pas craindre de se confronter au réel de l’existence, à être attentif aux relations interpersonnelles car les autres souvent nous révèlent à nous-mêmes. En un mot : ces médiations aident à vivre notre vie de foi. Elles nous appellent à une vraie pauvreté intérieure, en vue d’une surabondance de vie. Sous l’écorce de son quotidien, au cœur même de son être profond, une lumière pour Jeanne a toujours été là, secrète et vitale, une lumière qui l’a poussée à désirer toujours plus ce qui est bien et bon, ce qui est vrai et beau de désirer, en un mot, ce qui plaît à Dieu. Et cette lumière, Jeanne ne l’a pas laissée dans l’ombre.
Au fur et à mesure que se déroulait le fil de sa vie, Jeanne est entrée dans la compréhension du désir de Dieu sur elle. Ce désir divin n’a pas bousculé le cours des choses, mais le cours des choses de sa vie s’est trouvé enrichi de sens. Quand on relit la vie de Jeanne, quand on réfléchit sur les événements qu’elle a vécus, quand on essaie de comprendre ses attitudes face à ce qu’elle vivait, on peut certainement dire qu’il y avait dans son existence de la cohérence et du sens, par le fait qu’elle a su voir un signe de Dieu dans l’événement vécu. Cela a unifié son passé en lui ouvrant un avenir.
Mais la réponse qu’elle a donnée n’était ni facile ni évidente. Elle a dû parfois se poser la question : comment cela se fera-t-il ? On le verra la prochaine fois !
A suivre