Abbé Pierrre-Jacques De Clerck

 

Sources de l’article : L. Van Brusselen, L’abbé De Clerck et les écoles de miséricorde, Exfontibus nostris II, Heverlee-Louvain, 1979

 

La jeunesse de l’Abbé De Clerck

Pierre Jacques De Clerck est né le 28 juin 1742 à Reninge dans le diocèse d’Ypres. Ses parents sont assez aisés et de bonne souche chrétienne, voire vertueux ; son père est bourgmestre de Reninge ; sa mère, Anna Maria Vermeesch, est originaire de Noordschote. Pierre Jacques a un demi-frère qui s’appelle Jean-Benoît ; celui-ci est né le 21 octobre 1753 de la seconde union de son père avec Dorothea Francisca Ryckewaert. Lui aussi deviendra un prêtre

La famille De Clerck habite Reninge, au lieu dit « Fort Knokke ».Il reste fort peu de données au sujet de son enfance et de sa jeunesse : les archives com­munales de Reninge ayant été détruites en 1914, lors de la bataille de l’Yser. La Chronique des archives des soeur Annonciades de Berchem signale que Pierre Jacques « reçut une éducation très chrétienne, spécialement dans les vertus de la très sainte Vierge Marie».

En 1761, au moment d’achever à Menin ses études secondaires, il sent que  sa vocation est de devenir prêtre.  Le jeune Pierre-Jacques part donc pour Louvain. Au titre de boursier, il habite au collège Driutius où il suit les cours de logique et de philo­sophie. Après deux ans, il se classe huitième de sa promotion. Il achève ses études de théologie au collège Driutius le 16 juin 1767 avec le titre de « diplômé » de la « Facultas sacra » de Louvain.Après son ordination sacerdotale, le 24 septembre 1768 dans la cathédrale d’Ypres, il séjourne encore quelque temps dans ce même collège. Du 8 avril au 11 juin 1770, il y remplit les fonctions de « lector ». Le 9 février 1770 il est nommé curé à Veltem.

Curé et fondateur de l’École de la miséricorde à Veltem

Ecriture de l'Abbé De Clercq, Fondateur des Annonciades apostoliquesLe 24 juin 1770, fête de saint Jean-Baptiste, Pierre-Jacques De Clerck prend son service de curé, dans sa paroisse. Il doit très vite faire face à des frais importants pour l’église et pour la cure : deux nouveaux calices et d’autres choses nécessaires pour le culte, cloche à remplacer, celle en vigueur étant fêlée. Le révérend Marcus, doyen de l’église Saint-Pierre à Louvain fait alors refondre la cloche par le fondeur Vandergheyn de Louvain. En 1780, elle est bénite par le curé.

En 1785, il achète les orgues de l’église des Annonciades de Bruxelles, l’une des communautés religieuses contemplatives supprimées par Joseph II, empereur d’Autriche. En 1786, la construction de la cure est achevée.

En 1781, il devient cofondateur et membre de la « Conférence du clergé ». Pénétré de l’amour de Dieu, plein de zèle missionnaire et infatigable dans sa fonction pastorale, il travaille sans relâche au bien du troupeau qui lui était confié.Les dimanches et les jours de fête, il prêche à ses paroissiens. A l’école dominicale, il enseigne la doctrine chrétienne aux enfants. Sa sollicitude pastorale le porte surtout vers les enfants pauvres et ignorants, vers les malades nécessiteux de sa paroisse. Les archives des sÅ“urs Annonciades de Veltem gardent le souvenir écrit qu’il lui aurait été révélé de façon particulière, pendant la messe du dimanche de la Sainte Trinité, qu’il fonderait trois couvents.Ce projet va mûrir et petit à petit prendre forme.

Le 27 mai 1785, il achète une vieille maison à Veltem : première fondation consacrée à Dieu le Père et portant le nom de « Ecole de Miséricorde ». Le 5 octobre 1786, Maria Josépha Gardet, 23 ans,  arrive à Veltem venant de Courtrai. Il est alors décidé l’ouverture de l’école pour le 21 octobre 1786, sous le patronage de sainte Ursule et de ses Compagnes. Le 8 janvier 1787, après la Messe chantée par le Fondateur en l’honneur du Saint Esprit, les leçons commencent sous la conduite de Maria Josépha Gardet et des deux compagnes venues la rejoindre,  Thérésia Windelinckx et Elisabeth Torfs. Peu d’élèves au début mais le nombre va grandir. Pendant les mois d’été, l’école était fermée car les travaux des champs exigeaient l’aide des enfants ; mais en hiver, le nombre des présences peut atteindre la trentaine. L’hiver suivant l’ouverture de l’école, il y en eut quarante ; aussi la cousine de Monsieur le Curé elle-même, Joanna Francisca Borry, va s’empresser d’aller aider à l’école selon ses possibilités.

Au cours de l’été 1789, les premières compagnes s’en vont dans les Flandres pour visiter les écoles de Courtrai, d’Ingelmunster, de Rumbeke, de Moorslede et d’Ypres afin de se renseigner au sujet des règlements de ces Instituts.Le 30 novembre 1789, en la fête de saint André, les sÅ“urs reprennent les cours à Veltem, dans un bâtiment nouvellement construit. Mais, les temps sont incertains : le 1er décembre 1790, les soldats autrichiens envahissent la cure de Veltem et l’école, brisent les rouets et les tricots.

Le 7 janvier 1791, Joanna Francisca Borry, Maria Josépha Gardet et Anna Gertrudis De Mulder viennent habiter à l’école de Veltem. Le 20 janvier, Joanna Den Dauw les rejoint, de telle sorte que la communauté est composée de quatre membres. Le jour de la Chandeleur 1791, elles commencent à proprement parler leur no­viciat, prononcent leurs vÅ“ux et font une retraite spirituelle de huit jours. Joanna Francisca Borry est nommée supérieure. A cette occasion, les sÅ“urs reçoivent « la Règle » écrite de la main propre du Fondateur, toujours conservée dans les archives du couvent de Veltem.

Les événements révolutionnaires

Par son édit du 17 mars 1783, Joseph Il a supprimé les Ordres contemplatifs dans les Pays-Bas autrichiens. Dans un premier temps, la fondation de l’Abbé De Clerck n’est pas en danger. L’Ecole de Miséricorde en effet n’est pas un ordre religieux à vÅ“ux solennels et soumis à la clôture mais une Congrégation religieuse, une association dont les membres ne prononcent que des vÅ“ux simples, renouvelables tous les six mois, menant une vie communautaire sous une discipline conven­tuelle.

En 1791, l’Abbé fait alors les démarches nécessaires auprès du magistrat de Louvain en vue de la reconnaissance par les autorités civiles de son école. Le magistrat de Louvain donne son accord avec bienveillance et la demande est transmise à Bruxelles.Christ Veltem Abbé De Clerck119

Le 2 février 1792, la première soeur, Joanna Francisca Borry, est admise à la profession. Tous les six mois, elle doit renouveler ses vœux et les signer chaque fois de sa propre main.

En mai 1792,Sa Majesté Léopold Il approuve la fondation de l’Ecole de Miséricorde. La communauté peut donc sub­sister légalement et détenir légalement des biens.

A peine est-il en possession du document officiel, certain de l’avenir de sa fondation, que les sans-culottes envahissent le pays. Il doit alors veiller sur la sécurité des sÅ“urs de l’école, veiller sur sa paroisse et pas seulement pour la sienne propre mais sur les paroisses environnantes dont les curés avaient pour ainsi dire tous pris la fuite.

Malgré difficultés et inquiétudes dues aux événements, le curé ne néglige pas sa petite école, améliorant sa fondation par l’ad­jonction de nouveaux locaux. Mais, les épreuves de ses filles vont l’atteindre :  le jour de l’Assomption 1796 meurt  Mademoiselle Borry la première supérieure, à peine âgée de 41 ans. De plus, en septembre 1797, survient la « petite Terreur ». Le serment de fidélité à la République et à la Constitution de l’an III est exigé de tout fonctionnaire, par conséquent de tout ecclésiastique chargé d’une fonction paroissiale et, bientôt après, de tout prêtre. Les prêtres sont menacés, le Cardinal von Franckenberg, en tout premier : refusant de prêter serment, il est banni ; 85 0/o du clergé suit son exemple. Alors, les prêtres insermentés reçoivent l’ordre de ne plus exercer leur ministère en public. Ils fuient ou se cachent. Ceux qui sont arrêtés gagnent les prisons françaises et sont déportés en Guyane ou vers l’île d’Oléron.

En 1798, l’Évêché nomme l’abbé De Clerck archiprêtre pour la partie septentrionale du doyenné de Louvain. Les temps sont de plus en plus difficiles. L’Abbé De Clerck n’exerce plus son ministère que dans la soirée et dans la nuit. Il n’a ni cachette ni demeure fixes. Pendant la période du temps pascal de l’année 1799, bien qu’aucune heure du jour ne le préserve d’être arrêté, il entend la con­fession de plus de sept cents fidèles venant de vingt et une paroisses différentes et il continua son ministère en secret.

Mais le 15 août, six gendarmes font irruption dans l’école de Veltem accompagnés du commissaire et d’un greffier. L’Abbé De Clerck est arrêté ; il est blessé grièvement au bras. Il sera gardé prisonnier à Cambrai jusqu’au 15 mars 1800. Contre toute attente, il est libéré en ce jour alors qu’il avait été condamné à l’exil, sur l’île d’Oléron. Personne ne sait à qui ou à quoi attribuer ce retour des choses, pas plus d’ailleurs qu’on ne sut jamais les motifs de sa condamnation.

La période impériale – seconde École de la Miséricorde

Le 15 août 1801, Sa Sainteté le Pape Pie VII signe le Concordat avec la France. Tout s’apaise petit à petit.

Le décret du 22 juin 1804 précise qu’aucune association ne peut être constituée sans l’autorisation impériale. Plusieurs congrégations cependant reçoivent, en fonction de ce décret, une autorisation provisoire. Le décret du 18 février 1809 rend la situation provisoire dé­finitive mais uniquement pour les congrégations hospitalières. Les congrégations enseignantes sont momentanément to­lérées. Très peu d’entre elles seulement avaient obtenu une autorisation provisoire.

Par ailleurs, l’Abbé De Clerck ne cesse de prodiguer tous ses soins à son « Ecole ». De nouvelles candidates se présentent. La communauté s’agrandit. Le fondateur songe alors à réaliser un projet auquel il pense depuis longtemps :  fonder une seconde « Ecole de Miséricorde » à Reninge, son village natal. Cette fondation a lieu le 21 octobre 1816. L’école est dédié à Dieu, le Fils, Verbe éternel du Père.  Les sÅ“urs Maria Elisabeth Gooskens et Maria Josépha Gardet, Anna Catharina Calewaerts et soeur Maria Anna Costermans, alors supérieure de l’Ecole de Veltem, y sont envoyées.

Démarches en vue d’une existence légale de la fondation et troisième École de la Miséricorde

En vue d’assurer à ses Ecoles une existence légale, l’Abbé De Clerck va alors multiplier les démarches auprès des gouvernements successifs. Le 15 avril 1817, l’école de Reninge comme celle de Veltem, sont reconnues comme institution de bienfaisance, mais non comme institution d’enseignement.

En 1824, l’Abbé De Clerck entreprend une troisième fondation à Buken et la voue au Saint-Esprit. Toujours en cette année 1824, le fondateur adresse une nouvelle requête au roi Guillaume ler où il demande la reconnaissance des écoles de Veltem, Reninge et Buken. En juin 1824, l’évêque dont dépend l’abbé De Clerck adresse au roi une lettre de recommandation : l’Abbé De Clerck méritant d’être exaucé en vertu de ses qualités pastorales. Mais la requête du fondateur et l’appui de l’évêque sont rejetés.

1830, la liberté de l’enseignement, et la mort du fondateur

Si le fondateur ne reçoit aucune permission émanant des autorités gouvernementales, les sÅ“urs, quant à elles, continuent leur apostolat. Celles-ci cependant voient leur père et fondateur avancer en âge. Avant de mourir, il voit la Révolution de 1830 établir la liberté d’enseignement. Il meurt à Veltem, le 24 janvier 1831, en emportant l’espérance de la reconnaissance officielle de ses trois écoles. Il a 89 ans.

Ainsi, meurt la plus grande figure peut-être de Veltem, à cette époque. Pendant soixante ans, il est resté sur la brèche, partageant les joies et les souffrances de ses paroissiens, connaissant d’énormes difficultés et des épreu­ves sans nombre, mais il n’en a pas moins mis debout une oeuvre qui perpétue son nom.

La Règle de l’Annonciade

Les événements de 1830 rendent à l’Église catholique une entière liberté de mouvement. La vie contemplative est restaurée et même donnée en modèle aux nouvelles fondations religieuses, notamment les congrégations apostoliques. Certaines congrégations s’inspirent explicitement de ce modèle. L’épiscopat joue un rôle important dans cette évolution.

La politique du cardinal Engelbertus Sterckx, qui devient archevêque de Malines en 1832, est de placer sous son autorité toutes les congrégations « locales ». Au cours des quarante années suivantes, environ cent vingt-cinq maisons sont érigées canoniquement sous ses auspices, dont la plupart, en vue de l’enseignement.

C’est dans ce contexte que l’abbé François Thijs, (1789-1862), alors âgé de trente-trois ans, reçoit en 1831, en tant que nouveau curé de Veltem, la tutelle des fondations de l’abbé Pierre-Jacques De Clerck. Considérant qu’il a pour mission de poursuivre l’œuvre de son prédécesseur, il met tout en œuvre pour donner à cette fondation un statut ecclésiastique et une solide spiritualité. Le 23 mars 1833, il présente à l’archevêque, au nom des sœurs, la requête officielle demandant la reconnaissance de la fondation de l’abbé De Clerck en vraie congrégation religieuse. En réponse, le 24 août 1833, le cardinal Engelbertus Sterckx approuve par décret les « Statuts actuels » des « Filles » et leur recommande la Règle de l’Ordre des Annonciades comme inspiration de vie. En outre, il les autorise, comme elles le souhaitent, à porter l’habit des Annonciades, avec cependant les modifications qui s’imposent. Ainsi donc, par ce décret, la branche apostolique des annonciades est instaurée en Belgique. On l’appellera la « Congrégation des sœurs annonciades ».La Règle des Religieuses de l'Ordre de la Bse Vierge Marie, Paris, 1681

Pourquoi ce choix ? 

L’Ordre n’est pas inconnu dans la région puisqu’il comptait avant les événements révolutionnaires plusieurs monastères. En 1830, un monastère existe encore, celui de Tirlemont, bien connu du cardinal Engelbertus Sterckx – celui-ci estimant particulièrement les Annonciades de Tirlemont et la Règle de leur Ordre.

Or, les archives des sœurs Annonciades apostoliques de Berchem nous apprennent que, peu après son arrivée à Malines en 1832, le cardinal Sterckx est consulté par l’abbé Thijs au nom des sœurs de Veltem. Le cardinal lui fait alors part de son admiration pour la Règle de l’Ordre des Annonciades et il la lui recommande comme « Règle spirituelle générale » pour les sœurs de l’école de Miséricorde de Veltem et de ses filiales.

Le jeune curé Thijs ne la connaît pas. Il demande un temps de réflexion. Rentré chez lui, il découvre la « Règle et Institution des Annonciades » parmi les livres et les archives de son prédécesseur, l’abbé De Clerck. Après l’avoir étudiée, il a la conviction que, bien qu’aucun écrit du fondateur n’y fasse directement allusion, le choix de la spiritualité annonciade est en conformité avec les intentions de celui-ci. Plus tard, il l’affirmera par deux fois dans un texte autographe conservé dans les archives de la commune de Veltem-Hérent.

Dès la promulgation du décret du 24 août 1833, les sœurs de Veltem font preuve d’un grand désir de devenir de « vraies annonciades ».  A la maison mère, la Règle des Annonciades, et les Statuts du fondateur sont observés avec enthousiasme.

Aujourd’hui, des liens fraternels unissent les moniales Annonciades et les Annonciades apostoliques, présentent en Belgique, en Afrique et en Amérique latine.

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