I –  Janvier 2013

La Foi ou la maison bâtie sur le roc 

Fonder une famille, ou bien construire sa propre maison, ou bien encore créer une Å“uvre, ce sont des désirs forts inscrits dans le cÅ“ur humain. Et si ces désirs viennent à se réaliser, l’existence de celui qui les voit se réaliser va se trouver changée ; dans la mesure des bons moyens qu’il prend, il va y trouver sa fierté, sa sécurité. Mais s’il construit sur du sable, c’est à dire sans réflexion au préalable, sans mesurer ce à quoi il s’engage, son projet risque de ne pas tenir à long terme. Certes il va bien commencer à construire, mais ce sera d’une manière trop précipitée. Il manque de réalisme, de sagesse. Au contraire, s’il bâtit sur le roc, il prend beaucoup de soin à poser les fondements de son projet. Peut-être dans l’avenir la tempête soufflera dessus mais les bases seront assez solides pour qu’il puisse tenir.

Ainsi en va-t-il de la vie de foi. Si le fondement de la foi soutient nos existences, ou plutôt, si nos existences reposent sur le fondement de la foi, celles-ci sont en sécurité, quelques soient les vents contraires qui peuvent parfois les balayer. Ainsi, on dit que le bienheureux Gabriel-Maria était un « père établi sur la ferme pierre de Jésus-Christ et de la foi catholique, ne s’égarant pas. » Grâce à cela, il a pu traverser les tempêtes qui n’ont pas manqué de souffler sur la fragile barque de sa vie de frère mineur. Et lui-même a été impressionné par la foi d’une Jeanne de France qu’il considérait comme « la plus croyante et la plus catholique qu’on eût pu trouver de son temps ». Pourtant, les vents contraires ont soufflé sur sa vie, particulièrement au moment du procès en nullité de son mariage. Elle est restée debout dans la foi. Elle a gardé sa lampe allumée, comme les vierges sages de l’Évangile, sans cela, elle n’aurait pu saisir le passage de Dieu en sa vie, à travers cet événement. Elle en a fait d’ailleurs la confidence au père Gabriel-Maria. Elle lui dit en effet que « Dieu lui avait fait la grâce que, soudain, quand elle entendit cette nouvelle, il lui était venu et entré dans son cœur la pensée que Dieu le permettait afin qu’elle fît beaucoup de bien… »

Par l’Esprit Saint reçu au baptême, la foi nous est donnée et par la foi, le Christ habite en nous, en nos propres cœurs. Aussi longtemps que dure notre pèlerinage terrestre, la foi « est elle-même le fondement stable, la lumière directrice et la porte d’entrée dans toutes les illuminations surnaturelles », c’est à dire, elle nous dispose à entrer dans la véritable connaissance des mystères de Dieu cachés dans la Sainte Écriture. Cette connaissance est un don à demander « au Père des Lumières, en fléchissant les genoux de notre cœur, afin que par son Fils dans son Saint Esprit, il nous donne la vraie connaissance de Jésus-Christ et, avec sa connaissance, son amour » (St Bonaventure). Cela conduit au bien, pousse à être meilleur.

Si notre existence s’appuie sur le Christ et sur sa Parole, si nous sommes ainsi « consolidés dans la foi et enracinés dans la charité », nous grandirons en effet dans le véritable amour de Dieu et de notre prochain, « là se trouvent l’aboutissement et l’achèvement de tout vrai et de tout bien » (St Bonaventure).

Construire son existence sur de telles fondations, moyennant la grâce de l’Esprit Saint et nos humbles efforts, ouvre à une réelle amitié avec le Christ, à une réelle connivence avec sa Parole qui est la Sagesse même de Dieu, notre Père. Car le Christ, en sa personne même, est la Sagesse véritable du Père. Sa Parole est celle de la Sagesse qui aide à comprendre ce qu’est Dieu, qui aide à vivre selon Son Cœur. Cela, l’Esprit Saint peut le faire en nous, il peut devenir en nous la source vivante d’où jaillissent nos pensées et nos sentiments, nos paroles et nos actions.

En ces temps où les valeurs les plus fondamentales de la vie sont remises en question, il est important que l’existence quotidienne d’hommes et de femmes puisse donner ou redonner le goût des valeurs qui ne passent pas, d’hommes et de femmes « enracinés et édifiés en Christ, appuyés sur la foi » telle que l’enseigne l’Église et toute la Tradition, et débordants « d’action de grâces » (Eph 4, 7).

Car la vie de foi n’est pas sans joie ni sans enthousiasme, bien au contraire, puisque vivre de la foi au Christ met le croyant à l’écoute de l’Esprit Saint qui est un Esprit de joie, de paix, de charité. Avant sa Passion, le Christ parle bien de joie à ses apôtres, il les invite à faire des demandes au Père, en son nom, et à croire qu’ils seront exaucés alors, ils goûteront la vraie joie : « En vérité, en vérité, je vous le dis, ce que vous demanderez au Père, il vous le donnera en mon nom. Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom ; demandez et vous recevrez, pour que votre joie soit complète » (Jn 16, 23-24).
S’il les invite à croire à la joie, il les invite aussi à croire à la paix. C’est d’ailleurs le don qu’il leur fait avant de souffrir sa Passion, le don qu’il renouvelle avant son retour au Père: « Je vous laisse la paix, c’est ma paix que je vous donne ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre cÅ“ur ne se trouble ni ne s’effraie… » (Jn 14, 27) Ces paroles du Christ sont aussi pour nous aujourd’hui, mais y croyons-nous vraiment ?

Bien sûr, vivre appuyé sur la foi au Christ, ce n’est pas une chose facile. On n’en goûte pas forcément tout de suite les fruits. Cela demande du temps et de la patience. Cependant, en Lui, l’édifice de notre vie ne peut s’écrouler. Le visage du monde, lui, peut changer en effet, mais les ouvriers de l’Évangile que nous désirons devenir, dont l’édifice spirituel s’appuie sur la pierre angulaire qu’est le Christ, ne peuvent pas quant à eux changer de cap, mais persévèrent sur les chemins de la véritable fraternité que Jésus nous demande d’édifier. Car elle serait bâtie sur le sable, notre vie évangélique et fraternelle, si nous en restions à un niveau superficiel dans nos relations avec les autres ou bien à un simple désir de nous réaliser personnellement. On serait alors loin des Béatitudes.

Certes, beaucoup bâtissent leur existence, apparemment d’une manière heureuse, sans la fonder sur la foi au Christ des Évangiles, au Christ des Béatitudes, sans rechercher à entrer dans les sentiments du Christ, mais leur existence demeure fragile, c’est à dire, exposée, comme l’écrit saint Paul, « à tout vent » (Eph 4, 14), tributaire des idées ambiantes les plus contradictoires, dépendante du « faire comme tout le monde » ou du « tout le monde le fait ».

Mais il est vrai aussi, et c’est heureux, que beaucoup se lèvent et se mettent « en route, pour conduire les hommes hors du désert, vers le lieu de la vie, vers l’amitié avec le Fils de Dieu, vers Celui qui nous donne la vie, la vie en plénitude » car ils savent qu’« il n’y a rien de plus beau que de Le connaître et de communiquer aux autres l’amitié avec Lui » parce qu’ils sont, ce qu’ils vivent. Ils ont fait l’expérience que « dans cette amitié seulement s’ouvrent tout grand les portes de la vie », que « dans cette amitié seulement se dévoilent réellement les grandes potentialités de la condition humaine », que « dans cette amitié seulement nous faisons l’expérience de ce qui est beau et de ce qui libère » (Benoît XVI).

Ainsi donc, si, comme tous ces amis de Dieu, le Christ est vraiment au centre de notre existence, si nous entretenons avec Lui une réelle amitié, alors la maison de notre vie est faite pour durer, moyennant, comme le dit le bienheureux Gabriel-Maria, « les fondations de la foi et le toit de la persévérance ! »

*****

II –  avril 2013

La Foi ou un plaisir offert à Dieu

Nous sommes faits pour Dieu notre Père. Et cela n’est pas pour demain, c’est pour aujourd’hui, dans l’état de vie qui est le nôtre, dans la mesure de notre docilité à l’Esprit Saint et de notre décision personnelle. Et cela se fait au jour le jour, grâce aux moyens qui sont à notre disposition : la Parole de Dieu méditée, les sacrements de l’Église, les Å“uvres bonnes ; petit à petit, nous sommes conduits à vivre selon ce qui plaît à Dieu. Mais, avant tout, il faut y croire ! C’est ce que nous dit le bienheureux Gabriel-Maria quand il écrit : « on ne peut atteindre la perfection – c’est à dire, cette vie pour Dieu – là où la vraie foi n’est pas posée pour fondement, selon le témoignage de l’apôtre : ‘sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu’».

La foi implique la confiance ; elle implique l’amour, un amour de charité. Et l’amour, le véritable amour, cause de la joie et du plaisir à celui qui est aimé comme à celui qui aime; et l’amour, le véritable amour, crée la communion.

Certes, un seul a vraiment fait le plaisir de Dieu, c’est le Christ dont la seule nourriture a été de plaire au Père, de faire la volonté du Père : « ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé… » (Jn 4, 34) ; alors, Lui-même et le Père sont entrés en une étroite communion : « celui qui m’a envoyé est avec moi ; il ne m’a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui plaît » (Jn 8, 29). En Lui, le Père a mis tout son plaisir et sa joie, le considérant comme son Fils, son Bien-Aimé, comme celui en qui il se reconnaît et se complaît : « Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur » (Mc 1, 9).

La vie du Christ nous dévoile ce qu’est plaire à Dieu. Mais pour que cette vie se dévoile à nous, pour que se dévoile à nous comment le Christ a plu à son Père, la foi est en effet nécessaire. La foi nous ouvre le chemin de ce qui plaît réellement à Dieu, le chemin de la connaissance et de la communion avec Dieu par le Christ ; elle nous ouvre à une rencontre non pas avec une idée mais avec une Personne qui veut notre bien et notre bonheur, qui nous révèle qui nous sommes – des fils et des filles de Dieu. Et cela est capable de changer non seulement notre manière de voir et de penser, mais aussi notre manière de vivre avec les autres. Croire au Christ, c’est un vivre-autrement car cela opère inévitablement un changement de toute notre personne (sentiment, cœur, intelligence, volonté etc.), c’est aussi un voir-autrement, car avec la foi se révèlent notre véritable destin, le sens profond de toute vie, de tout ce qui existe.

La foi en Dieu qui est Amour nous transforme doucement dans la mesure où elle devient l’âme de notre existence. Alors, petit à petit, nous réalisons ce qu’un bienheureux Gabriel-Maria désirait pour lui-même et pour les autres : que notre vie ne soit qu’amour et charité, qu’elle devienne un plaisir et un service pour Dieu. Ainsi, son premier biographie, qui l’a bien connu, écrit : « Tout ce qu’il savait et pensait être le plus agréable à Dieu et à la Vierge Marie, il s’y exerçait parfaitement et de tout son pouvoir. Il s’efforçait d’y amener tous ceux et celles dont il avait la charge. Car, il ne lui suffisait pas d’aimer et de plaire à Dieu et à la Vierge Marie tout seul, mais il voulait que tout le monde les aime et leur fasse plaisir et service. »

Gabriel-Maria ne fait, en cela, que reprendre l’enseignement de saint Paul. En effet, le grand apôtre enseignait et s’appliquait « à discerner ce qui plaît au Seigneur, à marcher d’une manière digne de lui en vue de lui plaire en tout… Nous avons à cÅ“ur de lui plaire, disait-il, cherchant à lui plaire, à lui et non aux hommes (1 Th 2, 4). C’était là l’objet de sa prédication. « Notre enseignement porte sur la manière de vivre qui plaît à Dieu. Vous avez appris de nous, écrivait-il aux chrétiens de Thessalonique, comment vous devez vous conduire pour plaire à Dieu (1 Th 4, 1). Rendons à Dieu, proposait-il ailleurs, un culte qui lui soit agréable. C’est à de tels sacrifices que Dieu prend Plaisir (Rm 12, 1).

La foi en Dieu qui est Amour indique donc que ce n’est qu’en aimant, en désirant sans arrière-pensée le bonheur et le bien de l’autre, que nous pouvons trouver à la fois le chemin du Plaisir de Dieu et celui de notre propre bonheur. Ce n’est qu’en aimant vraiment que le monde devient, plus heureux, donc plus humain. En effet, là où il y a domination, égoïsmes, exploitation, la vie s’appauvrit et se défigure ; tandis que là où se multiplient les gestes de compassion, d’entraide désintéressée, là où l’amour de Dieu et du prochain est vécu en vérité, la vie s’humanise, se transfigure car elle prend alors les traits de Celui en qui l’on croit, en qui l’on a mis sa foi et sa confiance. Il se noue véritablement une histoire d’amitié entre le croyant et Celui en qui il croit. Et cette histoire d’amitié a des répercussions heureuses et inespérées sur les autres, comme sur notre propre vie.

D’autre part, il y a un lien étroit – du moins cela devrait en être ainsi – entre les vérités que nous professons dans le Credo de l’Église et notre vie concrète de tous les jours. Les vérités en lesquelles nous croyons, en effet, doivent devenir « une lumière pour les pas de notre vie, une eau qui irrigue les passages arides de notre chemin, une vie qui vainc certains déserts de la vie contemporaine. Dans le Credo se greffe la vie morale du chrétien, qui trouve en lui son fondement et sa justification » (Benoît XVI).

Aujourd’hui, surtout dans nos sociétés occidentales où l’existence de tant d’hommes et de femmes est vécue sans objectifs solides et nets, sans espérance profonde, où les relations interpersonnelles, familiales, connaissent le provisoire, le manque de références sûres, les croyants, dans un tel contexte, ne sont pas à l’abri d’une rupture entre vie et foi. D’où la nécessité pour eux de toujours mieux connaître les contenus de la foi car ces contenus sont reliés directement au réel de leur vie, entraînant et requérant « une conversion de l’existence qui donne vie à une nouvelle manière de croire en Dieu […]. Connaître Dieu, le rencontrer, approfondir les traits de son visage met notre vie en jeu » car Dieu lui-même « entre dans les dynamismes profonds de l’être humain » (Benoît XVI), dans la mesure où nous Le laissons faire, où nous cherchons dans la confiance la route qui lui plaît, celle qui nous ouvre au véritable amour. Sur ce chemin de foi et de ce qui plaît à Dieu, la Vierge Marie est première. Pourquoi ne pas la suivre ?

« Marie, Mère du « oui », tu as écouté Jésus,
Et tu connais le timbre de sa voix et le battement de son cœur.
Etoile du matin, parle-nous de Lui
Et raconte-nous ton chemin pour Le suivre dans le chemin de la foi.
Marie, toi qui à Nazareth as habité avec Jésus,
Imprime tes sentiments dans notre vie,
Ta docilité, ton silence qui écoute
Et fait fleurir la Parole en choix de vraie liberté.
Marie, parle-nous de Jésus, pour que la fraîcheur de notre foi
Brille dans nos yeux et réchauffe le cœur de ceux qui nous rencontrent,
Comme tu l’as fait en rendant visite à Elisabeth
Qui dans sa vieillesse s’est réjouie avec toi du don de la vie.
Marie, Vierge du « Magnificat »,
Aide-nous à apporter au monde la joie et, comme à Cana,
Incite [chacun], engagé dans le service de ses frères,
À faire seulement ce que Jésus dira. »
(Benoît XVI)

*****

III –  juillet 2013

La Foi, des actes qui parlent de Dieu

La vie chrétienne est une libre réponse à un Dieu qui nous aime. Et le premier aspect de cette réponse est la foi en ses promesses de vie, en sa Parole. Le « oui » de la foi est le début d’une amitié entre Dieu et nous-mêmes. Par ce « oui », nous nous laissons attirer par Dieu, nous entrons dans sa familiarité, nous nous ouvrons à son Amour, et cela transforme  notre existence car cela nous conduit à aimer vraiment, à sa manière à Lui, avec Lui et en Lui. Notre foi, alors, devient vivante. Si par la foi on noue une amitié avec Dieu, par la charité on la cultive afin qu’elle grandisse et s’approfondisse toujours plus.

L’apôtre saint Jacques a bien vu le rapport qu’il y a entre foi et charité : « Si un frère ou une sÅ“ur sont nus, s’ils manquent de leur nourriture quotidienne, et que l’un d’entre vous leur dise : « Allez en paix, chauffez-vous, rassasiez-vous », sans leur donner ce qui est nécessaire à leur corps, à quoi cela sert-il ? Ainsi en est-il de la foi : si elle n’a pas les Å“uvres, elle est tout à fait morte. Au contraire, on dira : « Toi, tu as la foi, et moi, j’ai les Å“uvres ? Montre-moi ta foi sans les Å“uvres ; moi, c’est par les Å“uvres que je te montrerai ma foi. » (Jc 2, 15-18)

Il y a donc un lien étroit entre ce que  nous croyons et ce que nous vivons concrètement. Ignorer ce lien risquerait de limiter notre vie spirituelle, notre vie d’amitié avec Dieu, soit en donnant la priorité à la foi au point de minimiser les œuvres de charité en les réduisant à de purs actes humanitaires – ce qu’ils sont bien sûr mais pas que cela – soit en donnant la priorité à la charité au point de penser que les œuvres peuvent se passer de la foi. Les deux dimensions sont nécessaires à une vie spirituelle équilibrée.

La vie avec le Christ est à la fois un élan du cÅ“ur vers Lui, vers son Père dans l’Esprit Saint, mais aussi un élan de nous-mêmes, de toute notre volonté, vers notre prochain. La relation avec notre prochain est comme le révélateur de notre relation avec Dieu. Comme le dit saint Jean : « Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu » et qu’il déteste son frère, c’est un menteur : celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne saurait aimer le Dieu qu’il ne voit pas » (1 Jn 4, 20).

La véritable charité n’est pas qu’une simple solidarité avec le prochain, une simple aide humanitaire, elle est beaucoup plus que cela ; la charité chrétienne est de partager le pain de la foi, le pain de l’espérance et le pain du désintéressement. Ce pain là est propice à transformer par le dedans le monde dans lequel nous vivons, propice à lui insuffler des valeurs qui ne passent pas.  Ce pain là est salutaire. C’est un don de Dieu.

Comme le dit saint Paul : « Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas de vos œuvres, il n’y a pas à en tirer orgueil. C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés en Jésus-Christ, pour que nos œuvres soient vraiment bonnes, conformes à la voie que Dieu a tracée pour nous et que nous devons suivre » (Éph 2, 8-10).

Le don de Dieu, accueilli dans la foi, ne met pas de barrage à notre propre liberté, mais l’oriente vers le bien véritable. Car nos œuvres bonnes viennent certes de nos humbles efforts mais surtout et plus profondément elles tirent leur origine d’une foi vivante au Dieu de Jésus Christ, elles sont le fruit de la Grâce que Dieu donne en abondance.

Comme le dit Benoît XVI, dans son introduction au carême 2013, à propos de la foi et de la charité : « Une foi sans œuvres est comme un arbre sans fruits : ces deux vertus s’impliquent réciproquement. ». La vie de foi des saints nous offre de beaux arbres aux multiples fruits de charité, aux multiples fruits de vraie humanité.

Ainsi sainte Jeanne de France. Son confesseur, le bienheureux père Gabriel-Maria, en relisant sa vie nous dit que « c’était la plus croyante et la plus catholique qu’on eût pu trouver de son temps », que « plusieurs recouraient à elle comme à leur refuge et à leur défenseur. » De son côté, un frère franciscain qui l’a bien connue témoigne, quant à lui, qu’ « Elle était la mère des orphelins, des désolés et des malades » et qu’ « Il était tout à fait notoire qu’elle s’appliquait et s’efforçait de servir Dieu dans ses membres. »

La foi a fait agir Jeanne d’une certaine manière. Par son existence, elle a écrit une page d’évangile dont les paragraphes sont traversés par un souffle de grande humanité.  Par exemple, elle a porté la douleur de son prochain en secourant tous ceux qu’elle a pu, dans la discrétion ; elle a consolé les désolés en accueillant dans son palais ducal, à Bourges, des femmes qui, comme elle, ont connu des épreuves conjugales ;  elle a rendu le bien pour le mal en prenant dans son conseil privé des personnes qui, lors du procès en nullité de son mariage, ne lui avaient pas été favorables ; elle a été généreuse envers les pauvres, les malades ; elle s’est préoccupée non seulement de la santé physique et matérielle de ses berruyers mais aussi de leur vie morale en permettant à des jeunes filles tombées dans la prostitution de retrouver une vie honnête, de leur vie intellectuelle, en instituant par exemple une bourse en faveur d’écoliers pauvres afin qu’ils puissent étudier.

Par la foi, Jeanne a connu le Christ dans sa vérité qui est Amour. Par la foi, elle a compris de plus en plus combien cet Amour est la seule réalité qui puisse sauver de tout mal et de toute mort, et cela d’une manière définitive. Par la charité, elle s’est ouverte à l’Amour du Christ qui est Amour désintéressé, en y participant par sa manière de vivre, toute docile à l’influence de l’Esprit Saint, et bien en consonance avec les réalités sociales qui l’entouraient alors.  Elle a su discerner où étaient les vrais besoins de ses contemporains.

Selon Benoît XVI : « Tout part de l’humble accueil de la foi (se savoir aimé de Dieu), mais doit arriver à la vérité de la charité (savoir aimer Dieu et son prochain), qui demeure pour toujours, comme accomplissement de toutes les vertus. » Par conséquent, si la foi précède la charité, si la foi est le fondement de notre existence chrétienne, la charité, quant à elle, en est comme le déploiement nécessaire, une charité se manifestant dans des actes qui parlent de Dieu. Notre existence, appuyée sur la foi, s’expatrie d’elle-même pour aller au devant du véritable amour. Alors….

Seigneur ….

Quand je suis blessé,
donne-moi quelqu’un à consoler.
Quand ma croix devient lourde,
donne-moi la croix d’un autre à partager.
Quand je suis pauvre,
conduis-moi à quelqu’un dans le besoin.
Quand je n’ai pas de temps,
donne-moi quelqu’un que je puisse aider un instant.
Quand je suis humilié,
donne-moi quelqu’un dont j’aurai à faire l’éloge.
Quand je suis découragé,
envoie-moi quelqu’un à encourager.
Quand j’ai besoin de la compréhension des autres,
donne-moi quelqu’un qui ait besoin de la mienne.
Quand j’ai besoin qu’on prenne soin de moi,
envoie-moi quelqu’un dont j’aurai à prendre soin.
Quand je ne pense qu’à moi,
tourne mes pensées vers autrui.
 

(Bse Mère Térésa)

***

IV –  octobre 2013

La Foi, une vie qui transfigure la vie 

Avec le bien et le meilleur se mêle aussi le moins bon. On a parfois l’impression, en ouvrant la télévision, en lisant les journaux ou en naviguant sur Internet que le monde ne s’oriente pas vers plus de fraternité ni de paix, ne s’oriente pas vers ce qui peut plaire à Dieu.  Les progrès en tous domaines laissent voir leurs limites. L’homme ne paraît pas plus heureux ni plus libre, malgré sciences et techniques de pointe. Demeurent des formes d’exploitation et de violence, bafouant l’humain.  On promeut une culture du faire, du « croire uniquement à ce que l’on voit et ce que l’on touche de ses propres mains » (Benoît XVI).

Cependant, beaucoup ne se retrouvent pas en cette vision horizontale de la vie. Des questions de fond remontent à la surface : quel sens donner à sa propre existence ? L’humanité a-t-elle un avenir ? Après la vie d’ici-bas, y-a-t-il quelque chose ?

À ces questions, le progrès, l’économie, la science – si importants pour le vivre-ensemble – ne peuvent à eux seuls apporter des réponses. Certes, nous avons besoin de « pain matériel », de bien-être, nous avons aussi besoin d’un autre pain celui du véritable amour, nous avons besoin « de sens et d’espérance, d’un fondement certain, d’un terrain solide qui nous aide à vivre avec un sens authentique  même dans la crise, dans les ombres, dans les difficultés et dans les problèmes quotidiens » (Benoît XVI).

La foi, c’est cela, c’est ce « terrain solide ». La foi c’est une manière de vivre dans la confiance donnée à quelqu’un, donnée à Dieu qui, par sa Parole révélée, nous donne une certitude différente de celle qui nous vient de la science. La foi n’est pas un simple accord de l’intelligence avec des vérités sur Dieu, c’est un acte de toute notre personne par lequel on consent à entrer en relation avec Dieu qui est Notre Père et qui nous aime, c’est dire « oui » à quelqu’un, à une Personne qui nous ouvre à la confiance, à l’espérance. Certes, ce consentement à Dieu n’est pas sans contenu, sans vérités à croire ni à comprendre. En consentant à Dieu, nous prenons conscience petit à petit des mystères de la foi, nous découvrons leur lien vital avec notre existence : par en Jésus-Christ, Dieu même, par pur amour, « descend au fond de notre humanité pour la ramener à Lui » (Benoît XVI), la transfigurer en Lui.

La foi, c’est croire à cet Amour plus fort que tout mal et que toute mort, c’est croire à cet Amour qui sauve, qui mène à son véritable accomplissement tout ce qui existe, donc ma propre personne ; c’est s’en remettre à Lui, avec la confiance de l’enfant, avec la certitude qu’un tel Amour nous soutient sans cesse et soutient le monde. Croire cela libère et rassure au milieu des bouleversements de l’existence. Mais comment faire pour que cette Bonne Nouvelle puisse atteindre chacun, surtout ceux qui cherchent dans la nuit le sens de leur vie ?

Il nous faut compter sur l’Esprit Saint, en ayant véritablement confiance en son action efficace. Appuyés sur un tel appui, nous devrions ne pas avoir peur d’aller de l’avant, ne pas craindre de faire voir par notre manière de vivre Celui en qui nous avons mis notre espérance, avec qui nous avons engagé toute votre vie.

Il y a un risque à cela, c’est de ne pas être compris. Mais cela ne doit pas nous arrêter. Car chaque croyant, du fait de sa foi en Dieu, Père de Jésus-Christ, montre que sa vie peut devenir cette bonne terre dont parle l’Évangile, en laquelle la Parole de Dieu a été semée, cette bonne terre capable de produire « des fruits abondants de justice, de paix, d’amour, de nouvelle humanité, de salut » (Benoît XVI). Chaque croyant, du fait de sa foi, montre que son cœur et son esprit se sont ouverts à Dieu, rendu visible en son Verbe fait Chair, en Jésus, mort et ressuscité, se sont ouverts à son Évangile qui est devenu la norme de son existence, la forme de sa vie.

Cela est une grâce offerte, accueillie. Car si notre vie peut écrire une page d’évangile, c’est que Dieu nous a tendu la main par son Esprit de sainteté ; cette main de Dieu a touché notre cœur, ouvert les yeux de notre esprit ; elle nous a donné la force de consentir et de croire en Jésus Christ. Car « on ne croit pas par soi-même, sans la venue préalable de la grâce de l’Esprit » (Benoît XVI) ; on ne croit pas non plus tout seul, mais avec d’autres, ensemble. Nous sommes appelés en effet à vivre notre Credo, en Église.

Si, encore une fois, croire est un don de Dieu, c’est aussi un acte « authentiquement humain » qui « n’est contraire ni à la liberté ni à l’intelligence de l’homme » (CEC n. 154), un acte qui plaît à Dieu, qui fait sa joie. Cet acte nous tire hors de nous-mêmes, de  nos certitudes, il nous conduit à nous confier en Dieu « qui nous indique sa voie pour obtenir la véritable liberté, notre identité humaine, la véritable joie du cœur, la paix avec tous » (Benoît XVI).

Croire c’est donc dire, notre « oui » à Dieu, comme le fit la Vierge au jour de l’Annonciation. Ce « oui » donné à Dieu transforme par le dedans la vie ; il l’ouvre sur de nouvelles perspectives qui sont des perspectives d’espérance, de paix, de vrai amour et de véritable bonheur. La familiarité avec la Parole de Dieu, la fréquentation des Sacrements de l’Église, sont des aides efficaces pour relancer  notre « oui », pour permettre à notre existence de devenir « comme un livre ouvert qui raconte l’expérience de la vie nouvelle dans l’Esprit, la présence de ce Dieu qui nous soutient sur le chemin et qui nous ouvre à la vie qui n’aura jamais de fin » (Benoît XVI), et  cela, malgré nos limites et nos incapacités, malgré notre pauvreté, plus exactement, au cœur même de notre pauvreté, de nos incapacités et de nos limites.  Car rien n’est impossible à Dieu.

La foi  transfigure la vie. Les saints nous le disent. Ainsi, sainte Jeanne de France. Toute enfant, un jour où elle prie dans l’église de Lignières, elle comprend  qu’elle deviendra la fondatrice d’un ordre religieux. Entre cette promesse venue d’en-haut et sa réalisation, il se passe plus de trente ans. Durant toutes ces années, Jeanne a dû garder sa lampe allumée, comme les vierges sages de l’Évangile, la lampe de la foi, car sans cela, soit qu’elle se serait découragée de voir ainsi défiler les années, soit qu’elle n’aurait pu discerner le bon moment pour la réalisation de cette promesse. Elle a veillé, debout, guettant l’heure propice.

Un second exemple est celui de son confesseur, le  bienheureux père Gabriel-Maria. L’appel à tout quitter pour suivre le Christ se fait entendre. Il a pourtant un projet de vie, celui de se marier avec une jeune fille de son voisinage,  connue de ses parents qui ne sont pas contre, quoique le trouvant encore bien jeune, du moins sa mère. En effet, il doit avoir 16 ou 17 ans. Mais l’appel de Dieu est là, plus fort que ses sentiments. Il part, comme Abraham, quittant son pays et sa parenté, afin d’y répondre. Il se met en route, frappant à la porte de plusieurs couvents de franciscains sans succès. Il aurait pu lui aussi se décourager et rebrousser chemin. Non. Il persévère et obtient enfin ce qu’il est parti chercher. La foi en cet appel l’a lancé en avant sur la route de l’Évangile, à l’école de saint François d’Assise. Il ne s’arrêtera pas.

D’un côté, la lampe allumée qui ne s’éteint pas, de l’autre la marche en avant dans le grand vent de la persévérance, deux images capables de raviver, s’il en est besoin,  notre vie de foi.

FIN.

 

 

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