Juridiction franciscaine puis sous l’Ordinaire lieu à partir de 1646.
Notice
Chanteloup est un ancien domaine royal situé sur la route de Paris à Orléans, à Saint-Germain-Les-Arpajon. C’est là qu’en 1297, la reine Jeanne de Navarre, femme de Philippe IV le Bel, ordonne la construction, dans le parc de son manoir, d’un hôpital pour hydropiques placé sous le patronage de saint Eutrope. Les malades viennent y faire une neuvaine pendant laquelle ils sont nourris et soignés. En cas de décès, ils sont inhumés dans le cimetière attenant. La reine donne à l’hôpital terres, prés et bois. Placé sous la responsabilité d’un administrateur, l’hôpital traverse ainsi deux siècles. La guerre de Cent ans et les épidémies ont certainement amené à Chanteloup de nombreux malades. En 1504, l’amiral de Graville, un proche de la Cour, y introduit des Sœurs Grises hospitalières, vivant sous la Règle du Tiers-Ordre de Saint-François. En 1529, elles adoptent la Règle de vie de l’Annonciade, sous l’influence certainement du cofondateur de l’Annonciade, le père Gabriel-Maria qui, en ces années 1526-1529, se trouve en Région Parisienne, étant commissaire du grand couvent des Cordeliers de Paris. En 1530, Nicolas de Neufville, sur les terres duquel se trouve le couvent, fait d’abord confirmer, par lettres patentes du roi François 1er, l’acte de fondation de Jeanne de Navarre. Puis il dote l’établissement de biens immobiliers, de bois et de terres, et de quelques rentes, imposant entre autres que trois religieux franciscains soient hébergés au monastère pour assurer les services du culte. Surtout , il exige que soit gardée et observée l’hospitalité. À cet effet, deux femmes non‑cloitrées sont nommées pour le soin des malades. Elles suivent une règle particulière dite “Règle Sainte-Marthe” qui a été écrite par le père Gabriel-Maria.
Le monastère n’a jamais connu l’éclat ou l’importance des monastères tels que ceux de Bourges, de Villeneuve‑sur‑Lot ou de Meulan … Il ne compte la plupart du temps qu’un petit nombre de religieuses ; elles sont 12 au moment de la fondation. Pourtant à l’heure de la Contre‑Réforme, il connaît un rayonnement certain. Dès 1621, des sœurs partent de Saint‑Eutrope et vont réformer des couvents de franciscaines non cloîtrées, fonder d’autres monastères d’Annonciades, comme ceux de Gisors, Roye, Melun…
En 1646, le monastère quitte la direction franciscaine, pour celle de l’archevêque de Paris qui nomme un supérieur spécial pour la conduite de la communauté.
La guerre civile qui a lieu pendant la minorité de Louis XIV oblige les religieuses à se réfugier à Paris. Leur présence au couvent de la Visitation Sainte-Marie, rue Saint‑Jacques est attestée en juillet 1652. La tempête passée, elles sont de retour à Chanteloup. Le nombre des religieuses va en grandissant. De 1650 à 1730, il oscille entre 28 et 38. Des prédicateurs renommés franchissent alors le seuil du monastère tels M. Le Vachet (1601-1681), fondateur des religieuses de l’Union Chrétienne, et le dominicain Alexandre Piny (1640-1708) qui entretient avec les sœurs une intéressante correspondance spirituelle qui a été d’ailleurs publiée.
Les religieuses sont pratiquement toutes originaires de Paris et de l’Île‑de-France. On relève cependant à la fin du 18e siècle une Suisse et deux Irlandaises. Quant à leur origine sociale : au 16e siècle, les sœurs viennent de la noblesse locale, tandis qu’au 17e siècle, elles sont issues de la noblesse de robe ou de familles d’administrateurs du royaume. Au 18e siècle, il s’agit le plus souvent de filles de bourgeois et d’artisans parisiens, ou bien de la noblesse locale. L’âge d’entrée au monastère de Saint‑Eutrope évolue au fil des siècles : 16 ans au 16e siècle, 16 – 18 ans au 17e siècle et 24 ans au 18e siècle.
Dans ce monastère modeste, régulier et de bonne réputation, les jeunes filles entrent, parrainées par un haut personnage ou par un religieux, et munies d’une dot ou d’une pension viagère. Les religieuses prononcent quatre vœux : pauvreté, chasteté, obéissance et clôture. Élue pour trois ans, le mandat de la mère Ancelle peut être renouvelé. Lors des cérémonies d’élection, est également désignées une procuratrice, chargée des intérêts temporels de la communauté, et une dépositaire qui a fonction d’économe. La plus âgée de la communauté est appelée « mère antique ».
Il n’est pas rare que soient présentes au monastère deux ou trois religieuses portant le même nom de famille : elles peuvent être sœurs, cousines, tantes ou nièces. Des sœurs converses, d’une origine modeste, sans dot, remplissent les gros travaux (cuisine, jardin…). Les religieuses vivent dans la clôture. Mais Saint‑Eutrope comporte des bâtiments séculiers abritant d’autres personnes. D’abord trois religieux franciscains puis, après le rattachement de la communauté à l’archevêché de Paris, seul un confesseur réside au couvent. Le plus remarquable est Alexandre Mac Donnel, un Irlandais, présent 37 ans au monastère et tellement apprécié des religieuses qu’elles décident de lui octroyer une rente lorsque pour raison de santé, il doit les quitter. À partir de 1630, la présence d’un homme d’affaires est effective au monastère. Il y a aussi des domestiques : un jardinier, deux servantes ainsi qu’un vigneron. D’autres personnes sont attachées au service du monastère sans pour cela y demeurer : le berger et le garde‑bois, mais aussi un médecin et un chirurgien.
Le monastère doit à tout moment être prêt à accueillir des malades hydropiques. Deux tourières en ont la charge. Ceux‑ci viennent surtout des paroisses voisines, mais aussi de Corbeil, de Paris. Ils sont munis d’un certificat du curé de leur paroisse. À intervalles réguliers, les habitants et les curés de Saint‑Germain-les-Arpajon, de Châtres, ainsi que le supérieur du monastère doivent certifier que l’hospitalité est bien pratiquée et que les revenus du monastère sont bien destinés au soin des malades. Après 1730, les entrées au monastère diminuent. De plus, les religieuses connaissent des difficultés financières qu’elles essaient d’endiguer par de nombreux emprunts. Mais l’accueil de pensionnaires leur permet cependant de faire face.
Quand la Révolution arrive, elles sont dix-sept religieuses de chœur et cinq converses. En novembre 1789, les biens du monastère deviennent nationaux, leur vente commence dès février 1791. L’été 1792 sonne la fin du couvent. Le 6 septembre, les religieuses se dispersent. Deux sont déjà parties vers d’autres couvents, à Paris et Gisors. Certaines rentrent dans leur famille, d’autres sont hébergées chez des particuliers à Arpajon, Montlhéry. Treize sœurs, dont l’Ancelle la Mère Thaïs partent, quant à elles, à Leuville et s’y regroupent, formant communauté jusque dans les premières années du 19è siècle. Les bâtiments sont achetés en 1793 par le propriétaire du château de Chanteloup, dans le but d’agrandir son domaine. Le monastère est démoli, les matériaux vendus. Plus rien ne subsiste de ce monastère annonciade qui a marqué de son empreinte le village de Saint‑Gennain‑lès‑Arpajon pendant plus de trois siècles, sauf le colombier en mauvais état et le portail du couvent – devenu le portail d’une propriété privée.
Sources manuscrites
Archives Départementales de l’Essonne ; Archives départementales de Seine Maritime, série H, fonds des cordeliers de Rouen – AN D XIX 7, n° 99, 100.
Sources imprimées
« Le colombier de St-Eutrope, dernier vestige du monastère des annonciades », .Art et histoire du pays de Châtres, bulletin de liaison n° 15, 1990, p. 23.
Boussoulade J., Moniales et hospitalières dans la tourmente révolutionnaire, Le Touzey, Paris 1962, p. 19 : les Annonciades de Saint-Eutrope.
Lebeuf abbé, Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris, t, IV, Paris, 1883, p. 151 à 155 : Saint-Eutrope.
O’Callaghan John Cornelius, History of the Irish Brigades in the service of France from the revolution in Great Britain and Ireland under James II to the revolution in France under Louis XVI, 1885 : l’Annonciade de Saint-Eutrope.
Pluquet M. et Lalucq A., « Saint‑Eutrope‑lès‑Chanteloup, monastère et hôpital de fondation royale, 1297‑1792 », Paris et Ile‑de‑France, mémoires, publiés par la Fédération des Sociétés historiques et archéologiques de Paris‑Ile‑de‑France, Tome 48, 1997.
Pluquet M. – Lalucq A., Les Dames de Saint‑Eutrope, Histoire du Monastère de l’Annonciade de Saint‑Germain‑lès‑Arpajon, Publication chez l’auteur, [A. Lalucq], Bouray-sur-Juine, 2001.
RHF, tome 5, 1928, p. 140, 165 ; FF, tome 4, 1921, p. 195, 355.
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