Juridiction franciscaine jusqu’en 1638, puis l’Ordinaire du lieu.

 

Notice

Hôpital avant de devenir monastère Annonciade, l’hôtel-Dieu Saint-Nicolas est une fondation royale attestée par de nombreux documents telles des lettres de Charles VI, de Louis XII. L’auteur de cette fondation serait Louis IX, si l’on en croit un ouvrage de 1587, publié à Rome, sous le titre « De l’origine et des progrès de l’ordre séraphique  par François de Gonzague, Frère Mineur. Cependant, selon E. Aubergé dans sa notice consacrée à la ville de Melun, saint Louis n’aurait fait que restaurer cet établissement ; ce serait Philippe Auguste, alors abbé de Notre-Dame de Melun.

Situation de l’hospice Saint-Nicolas dans la ville de Melun : bord de la seine, au sud-est de la collégiale. L’hospice possède des bâtiments suffisants, des cours, jardins, des dépendances. Son origine royale lui vaut privilèges et concessions. En 1359, le dauphin, le futur Charles V, fait don d’un millier de harengs et de trois livres parisis aux frères et sœurs de la Maison-Dieu Saint-Nicolas ; en 1366, il leur accorde le droit de prendre chaque année 60 charretées de bois dans la forêt de Bierre (Fontainebleau) – droit déjà accordé par Philippe III, Philipe IV, renouvelé par Charles VI et Louis XII ; cet octroi est, sous François Ier converti en une rente de 28 livres. Il faut noter aussi une rente de 10 livres et de deux muids de blé octroyée par  Charles VI ; exemption par François Ier du logement des gens de guerre et de la participation aux dons dit gratuits levés sur le clergé ; concession annuelle par Louis XIII de trois minots de sel.

Dans les diverses chartes de l’établissement, il est question souvent de maîtres, frères, sœurs. Ce maître ou gouverneur est sous la dépendance du grand aumônier de France. Au XVe siècle, les ravages des guerres font déserter l’hôpital par ceux qui le desservaient. En 1504, à la suite des démarches et à l’instigation de Mallet de Graville, Comte de Melun et amiral de France, Pierre Drouin, prêtre, alors directeur de l’hôpital, s’en démet entre les mains du Grand Chancelier. Louis XII, par lettres patentes au Bailli de Melun, ordonne d’y mettre des Sœurs Grises hospitalières, déjà en possession de l’hôtel Dieu Saint-Jacques de Melun. Ces lettres royales sont suivies par l’approbation du Cardinal d’Amboise, légat du pape et de l’Archevêque de Sens, Mgr de Salazar.  Les Sœurs Grises s’installent à l’hôpital le 5 février 1505. Les sœurs vont s’y maintenir, mais non sans peine. Car leur venue équivaut à la suppression d’un bénéfice (commende). On tentera de restaurer ce bénéfice par surprise, comme en 1520, 1547. Prétexte pris : vacance du titre, c’est-à-dire, plus de titulaire du bénéfice. à chaque fois, les sœurs résistent, prétextant la régularité de l’élection de leur supérieure. Jusqu’en 1617, les Sœurs Grises vont donc diriger l’hôpital. à cette date, elles ne vont plus prononcer des vœux simples, mais des vœux solennels, ce qui signifie quelles vont aussi adopter la clôture et changer de Règle de vie.

En 1617, la communauté prononce pour la première fois les trois vœux avant d’adopter le 28 septembre 1624 la Règle de l’ordre de l’Annonciade. La majeure partie des Annonciades qui ont formé spirituellement la communauté de Melun sont issues du monastère de Chanteloup. Cependant, quand les religieuses adoptent la Règle de l’ordre de la vierge Marie, elles le font devant sœur charlotte de Saint-Bonaventure, mère Ancelle de la communauté de Pont-à-Mousson, nommée par le provincial franciscain, Jacques Lafroigne. Cette mise en clôture des Sœurs grises de Melun n’est pas un fait isolé mais s’insère dans tout un plan de réforme de la vie religieuse féminine émanant des directives du Concile de Trente et que les Frères Mineurs de l’époque ont suivi, sous l’impulsion de leur ministre général.

Le 1er juillet 1629, les Annonciades demandent au pape l’autorisation de se cloîtrer et de se conformer à la Règle de leur ordre – ce qui signifie qu’il a fallu environ cinq ans pour établir la vie régulière propre à l’Annonciade (entre 1624 et 1629). Afin de s’affermir dans leur nouvelle vocation, trois religieuses de Chanteloup viennent à nouveau les initier à la Règle de l’Annonciade. Quelques années plus tard, Melun va devenir fondateur du monastère de Saint-Mandé-Popincourt. La communauté de Popincourt en effet est fondée douze ans après celle de Melun par mère marguerite de Louvencourt, professe des Annonciades de Melun.

Sous la juridiction des Cordeliers de France Parisienne, les moniales de Melun le resteront jusqu’en 1638. Les Cordeliers exerçant sur la communauté une autorité abusive, les sœurs vont s’adresser au souverain Pontife et le prier de les mettre sous l’autorité de l’Ordinaire, c’est-à-dire, l’Archevêque de Sens. Le bref papal est daté du 23 août 1638.

La communauté connaît un grand développement jusqu’au début du 18e siècle. On y compte une soixantaine de moniales converses et choristes. La maison accueille aussi des pensionnaires, en plus des malades, des femmes seulement, tandis que l’hôpital Saint-Jacques, autre Hôtel-Dieu de la ville de Melun, accueille les hommes. La possibilité d’accueil de Saint-Nicolas est restreint : 8 lits mais, à l’époque, plusieurs malades peuvent partager le même lit, ce qui augmente la capacité d’accueil. Ainsi, du 20 juillet 1693 au 30 octobre 1694, 385 malades reçoivent des soins à Saint-Nicolas. Il n’en meurt que 38, proportion modérée pour l’époque.

Outre le soin des malades, les Annonciades rendent de grands services aux pauvres de la ville, aux étrangers, pour lesquels elles suppléent par leurs ressources personnelles, vu l’insuffisance des revenus de l’Hôtel Dieu. Alors qu’à Saint-Jacques, les administrateurs de l’hôpital sont des notables, à Saint-Nicolas se sont les sÅ“urs elles-mêmes, plus compétentes pour les Å“uvres de charité que pour la gestion ! De plus, par privilège de leur fondateur, Louis XII – privilège confirmé par arrêt de la Chambres de réformation des hôpitaux et maladreries de France du 23 septembre 1614 – elles ne sont pas tenues de rendre compte de leur administration même à l’Archevêque de Sens. Dès le début du 18e, donc, l’état financier de l’établissement est déplorable. Outre l’insuffisance de revenus, il y a les dettes.

En plus de cette situation matérielle catastrophique, s’en ajoute une autre due au jansénisme. Le jansénisme, condamné par la bulle Unigenitus de 1713 et par le Concile d’Embrun en 1727, conserve des adhérents parmi les familles parlementaires où se recrutent en partie les Annonciades de Melun. Plusieurs sœurs vont être des sympathisantes de cette doctrine. L’Archevêque de Sens, Languet de Sergy, prend alors des mesures disciplinaires. Par deux lettres de cachet, l’une du 17 mai 1732 qui informe les Annonciades de ne plus recevoir de novices, l’autre du 8 novembre 1710 qui demande aux Annonciades de remettre leurs pensionnaires à leurs parents. Bientôt la communauté se trouve réduite à un petit nombre de sœurs âgées.

Le 17 février 1758, l’Archevêque de Sens, le cardinal de Luynes, contre le jansénisme lui aussi, obtient du conseil d’état un arrêt ordonnant qu’il soit procédé à la suppression, si cela s’avère nécessaire après enquête, du monastère des Annonciades et de celui des Ursulines, lui aussi atteint par le jansénisme. Les biens de ces monastères devront aller à des monastères du même diocèse. Peu après, un économe-administrateur est nommé pour ces deux monastères en la personne de M. de Mauroy, chantre à Notre Dame de Melun.

L’enquête a donc lieu. Les habitants de Melun, le maire et les échevins se prononcent ouvertement pour le maintien des Annonciades et des Ursulines. Ils font donc opposition aux arrêts du conseil d’état faisant valoir les services que donnent à la ville ces deux communautés : le soin des malades et l’instruction gratuite des jeunes filles. Réunir leurs biens à un autre couvent – en l’occurrence à celui de la Visitation – serait une spoliation puisque ces biens ont été donnés aux Annonciades comme aux Ursulines en considération des services publics qu’elles rendent. Les Visitandines, elles, ne rendent pas de tels services. Mais le Parlement, en 1764, ne va pas tenir compte de cette opposition de la ville. Et le 20 juin 1771, le cardinal de Luynes prononce un arrêt qui supprime les deux monastères. La ville donne alors son consentement à une mesure qui est déjà un fait accompli. Quant aux biens de ces deux établissements, ils seront destinés non aux Visitandines comme prévu mais à l’Hôtel Dieu Saint-Nicolas. C’est peut-être pour cela d’ailleurs que la ville, en fin de compte, accepte la décision finale. Certes, on prendra sur ces  biens pour payer les dettes et donner aux sœurs restantes, qui se retireront dans d’autres couvents, une pension.

L’hôtel Dieu Saint-Nicolas est confié, après le départ des Annonciades, à six sœurs de la Congrégation des Sœurs de la Charité et de l’instruction chrétienne de Nevers ; il demeure affecté à la réception des femmes. Les conditions de l’installation des sœurs sont réglées par un acte du 9 août 1772 entre l’Archevêque de Sens et la supérieure. Avec le soin des malades, les sœurs ont aussi l’instruction gratuite des filles pauvres de la ville, un pensionnat pour jeunes filles et un pour dames ou demoiselles, moyennant pension de la part de celles-ci.

à la Révolution française, les deux Hôtels-Dieu de la ville de Melun sont réunis et transférés dans les bâtiments du couvent des Récollets (17 septembre 1793). En 1835, les bâtiments de Saint-Nicolas sont démolis.

Sources manuscrites

Archives Nationales, G9 145, 1 carton ; Archives départementales de la  Seine-et-Marne (Melun), 368 H 1., 369 H 1 à 8, H 781, H 2384, 714 H 3, H 780, H 780 n°9, H 781, H 782, H 783 (ou 369 H 8), 369 H 5, 369 H6 (H 910), 369 H4, H 910 ; Archives de Paris, D 1 AZ 66 p. 105 ; Archives départementales de la Meurthe-et-Moselle H 2384 ; AD Seine-Maritime, série H, inventaire du fonds « Annonciades de l’Hôtel Dieu Saint-Nicolas de Melun » ; Archives départementales des Yvelines, 60 H 5, lettre manuscrite de 1734 à propos de la béatification de Jeanne de France.

Sources imprimées

Auberge Ernest, Notice historique sur l’Hôtel Dieu de Melun, Melun, 1875.

Beaunier, La France monastique, p. 20 : Monastère de l’annonciade de Melun.

Bridoux Fernand, Melun, ville royale, Syndicat d’Initiative, Melun, 1957.

Clayette Jacqueline et Henry, Melun pas à pas, Éditions Horvath (F, Le Coteau 42120), sd

Le Théâtre du temps, Direction des archives et du patrimoine de Seine et Marne, Catalogue de l’exposition du 24 septembre 1991 : l’ouvrage donne des indications de sources concernant les annonciades de Melun.

Leroy G., Le Vieux Melun, Melun, 1904, p. 265.

Quesvers et Stein, Pouillé du diocèse de Melun, p. 228-229 et p. 229-230. Les ouvrages n° 366.25, n° 366.26, n° 366.2 se trouvent aux archives départementales de Seine et Marne.

RHF, tome 4, 1927, p. 290, tome 5, 1928, p. 140, p. 165 ; FF, tome 4, 1921, p.  92.

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