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Juridiction franciscaine
Notice
À  l’époque de la fondation du monastère de Popincourt, deux couvents d’Annonciades existent déjà à Paris. Situés rue de Sèvres et rue du Bac (Petit Vaugirard), ils n’ont duré que peu de temps. Dès les années 1655, ils ont dû fermer leurs portes pour manque de ressources. Le monastère de Popincourt, quant à lui, est une fondation du monastère de Melun. Après deux échecs successifs d’installation, à Corbeil puis à Saint‑Mandé, les sÅ“urs s’installent à Popincourt, petit village près de Paris. Elles achetèrent, en 1636, à Euverte Augran, conseiller du roi, une propriété contenant des terres cultivables, divers bâtiments et une chapelle qui est sous le vocable de Sainte-Marthe ou du Saint-Esprit, ce qui leur a valu l’appellation d’Annonciades du Saint Esprit. Les sÅ“urs sont voisines des Hospitalières de la Roquette. La Fondatrice de ce monastère parisien est Barbe Jacquet, religieuse du monastère de Melun, et première Ancelle de celui de Popincourt. Un an après sa fondation, le monastère de Popincourt participe à la réforme des SÅ“urs Grises de l’Hôpital Sainte-Catherine de Boulogne-sur-Mer.
Le 13 décembre 1642, Marguerite de Louvencourt, en religion Mère de la Transfiguration, succède en tant que mère Ancelle à Barbe Jacquet dont elle est la petite nièce. Véritable femme de caractère, Marguerite de Louvencourt a transformé, pendant les trente et un ans continuels où elle a assuré la charge d’ancelle, la petite maison séculière, premier monastère, en un véritable édifice religieux avec église, cloître et lieux réguliers et même un captage d’eau. L’église est bénie le 7 août 1657, trois ans après le début des travaux. Mais avant cette date, les religieuses ont dû fuir leur monastère pendant les premiers mois de 1649 pour échapper aux échauffourées dues à la Fronde.
Le monastère a eu des contacts avec celui de Bourges. Par exemple, les Annonciades de Popincourt en appellent directement à l’Ancelle de Bourges, sur les conseils d’ailleurs de celle de Melun, monastère qui les a fondées, pour avoir des précisions sur les pratiques du culte de sainte Jeanne. Par ailleurs, le confesseur de la communauté de Popincourt se rendra à bourges pour y copier des documents concernant le culte de la sainte et les offices liturgiques.
Le monastère de Popincourt entretient aussi des relations avec d’autres couvents, relations d’ordre matériel : aumônes aux Sœurs Grises de Montbrison, aux religieuses Clarisses d’Alençon, de Metz, aux Annonciades de Béthune, aux pères Carmes de Charenton…  En règle générale les dons envoyés sont destinés aux couvents d’obédience franciscaine et bien sûr à d’autres couvents d’Annonciades. De plus les Annonciades prient les unes pour les autres. Popincourt fait dire des messes pour les Annonciades de Lorraine ; elles transmettent aux autres couvents le décès de leurs ancelles.
La vision de la vie quotidienne des Annonciades est possible grâce à un livre de comptes qui retracent les dépenses du monastère de 1654 à 1685, puis de 1740 à 1782, date de la fermeture du couvent. Les livres de recettes couvrent, lui,  la période allant de 1686 à 1763.
La rigueur avec laquelle ont été tenus les registres, permet d’entrevoir les grands axes de la vie des Annonciades. Leur quotidien est divers. Elles se nourrissent, s’habillent, se logent, se soignent, mais elles produisent aussi, accueillent des pensionnaires, et surtout elles prient.
Ainsi, la vie quotidienne des Annonciades s’organisent autour de trois pôles : vie quotidienne, vie financière, vie religieuse. Ce document permet de se rendre compte au plus près de l’alimentation, de l’habitat, de l’hygiène des Annonciades, comprendre les mécanismes de leurs ressources et constater l’influence de la religion dans leur quotidien. Les dépenses en poisson sont plus importantes en carême ! Les Annonciades de Popincourt ont une vie simple. Elles se font aider dans la gestion de leur monastère par des séculiers afin de mieux réaliser leur principale vocation, celle de l’imitation de la Vierge, pour plaire uniquement à Dieu.
Les relations avec les Frères Mineurs sont extrêmement fraternelles. Les Annonciades assurent l’entretien de leur confesseur et de son compagnon mais aussi l’entretien du provincial lors de ses passages annuels, lui remboursant ses frais de déplacement ou lui payant la location d’une diligence  pour ses déplacements ; elles lui donnent aussi une petite somme d’argent destinée à le rétribuer pour le travail qu’il accomplit durant ses séjours. Elles versent aussi une somme d’argent à son secrétaire présent et au garçon qui les accompagne. Les visites du provincial répondent à un rituel précis : sonner la cloche à son arrivée, exhortation du Provincial à la grille du chœur suivi de l’exposition du Saint Sacrement. Puis, il fait la visite du couvent (cellules, réfectoire, dortoir, cloître etc.). Lors des chapitres d’élection, c’est à lui qu’incombe le choix final de la mère ancelle. Il est à la fois conseiller spirituel et régulateur attentif du monastère. Les prédicateurs et confesseurs ne sont pas moins bien accueillis. Pour eux, les sœurs n’hésitent pas à acheter biscuits, brioches, chocolat, sucre, café. Ces achats peuvent être considérés comme une forme de rétribution faite aux Pères pour leurs visites. Elles leur rendent parfois de menus services : réparations de leurs souliers, confection d’un habit. Leur séjour au couvent sont brefs, un jour ou deux. Elles payent parfois leurs déplacements. Ces religieux sont Frères Mineurs observants (du couvent de Ligny, de Pontoise…), mais peuvent être aussi Capucins. Elles versent aussi des sommes d’argent à ces religieux qui se chargent de dire pour elles des messes qui sont généralement des messes de fondation. Le monastère de Popincourt appartient à un réseau franciscain influent dans lequel elles distribuent des aumônes, des honoraires de messes. Elles contribuent aussi financièrement aux chapitres de la Province comme ceux tenus à Malesherbes, à Pontoise. De plus, les Annonciades hébergent en permanence quelques pères, au service de l’aumônerie du monastère : c’est le chapelain ou  l’aumônier avec un ou deux compagnons. Ils sont totalement à la charge de la communauté.
Quelques faits concernant la vie spirituelle des Annonciades de Popincourt :
Grand respect pour la clôture. Les registres de comptes mentionnent nombre de dépenses destinées à entretenir les murs de clôture du couvent, extérieurs et aussi à l’intérieur du couvent afin de bien délimiter la partie conventuelle du reste du monastère. Mais la communauté conserve une ouverture sur le monde grâce à leur pensionnait malgré leur volonté de respecter leur vie de retrait du monde.
Chaque année elles achètent au moins un livre pour la bibliothèque du couvent. Mais à partir de 1742, cette dépense ne figure plus – en raison certainement de leurs difficultés financières. Une exception : en 1741, elles achètent plusieurs exemplaires de la biographie de Sainte Jeanne écrite par le Père Mareuil, jésuite. Cela se comprend, vu le contexte : la béatification de Jeanne est toute proche.
Elles se nourrissent de la Règle de leur Ordre, des statuts locaux établis par les provinciaux lors de leurs visites canoniques. Leur bibliothèque possède des catéchismes, des livres d’exercices spirituels, de méditation etc. Ces ouvrages sont destinés à faciliter la vie spirituelle et l’observance de la Règle. Elles se nourrissent de la Liturgie. Témoins :  les achats de recueils de « leçons » pour l’office des matines.
La communauté trouve une source de revenus par l’accueil de pensionnaires qui apprennent à lire, écrire, broder, reçoivent une éducation conforme aux exigences du temps, et du rang qu’elles occuperont dans la société. Les Annonciades entretiennent bien sûr de nombreuses relations avec l’univers religieux dans lequel elles évoluent : relations avec l’Église (évêques, papauté) et le monde franciscain. L’archevêque de Paris et le curé tenteront même de s’immiscer dans le gouvernement du monastère. L’archevêque se pose comme garant de l’ordre du couvent. Ainsi, s’il constatait quelques problèmes dans la régularité, il laisserait dans un premier temps aux supérieurs réguliers Franciscains le soin d’y remédier. Toutefois, si le problème persistait, dans les deux mois il viendrait lui-même y mettre fin. Il n’aura pas à prendre une telle mesure car le monastère est fervent et régulier. Le curé, lui, veut garder tous les droits sur les personnes séculières employées par le monastère : par exemple, ces personnes doivent se confesser à un prêtre de la paroisse et non à l’aumônier du monastère.  Les Annonciades doivent aussi lui verser un écu d’or tous les ans, à la Toussaint, du fait de leur localisation sur sa paroisse. Cet écu ne semble pas avoir été payé, ou avoir été payé irrégulièrement, car cette somme ne se retrouve pas dans les comptes. Le curé exige plus que son dû – demandant en fait 30 livres par an – mais les Annonciades refusent de payer : une lettre à leur avocat gardées aux archives de la ville de Paris en témoigne.
Mais, négligeant le renouvellement de leurs amitiés séculières, les sœurs vont perdre petit à petit leurs pensionnaires issues de la noblesse et, par ce biais, les indispensables dons qui en découlent. Il faut ajouter à cela, la crise des vocations, associée à de mauvais placements. Elles ne peuvent rétablir leur équilibre budgétaire. Elles vendent dans un premier temps leurs terres, avant de quitter définitivement le couvent en 1782. Que sont-elles devenues ? Les sources sont muettes à ce sujet.
Le monastère est restée sous la juridiction des Frères Mineurs de la Province de France parisienne jusqu’à sa fermeture.
Les bâtiments du monastère n’existent plus. Sur leur emplacement s’élève actuellement l’église Saint-Ambroise, dans le 11è arrondissement.
Sources manuscrites
Archives de Paris (entre autres série verte de la ville de Paris) ; Archives de la Seine (fonds important, entre autres 1 AZ 66, 4 AZ 73) ; Bibliothèque Historique de la Ville de Paris (fonds important entre autres le livre des dépenses et des recettes ), Minutier central de Paris, Archives Nationales. Pour un inventaire détaillé : voir auprès des Archives des Annonciades de Thiais (AAT), archives-thiais@annonciade.org
Sources imprimées
« Couvent des annonciades de Popincourt », Épitaphier du vieux Paris, 1890, p. 103‑104.
 « Dédicace de l’église des annonciades de Popincourt », Gazette de France, 9 décembre 1659, p. 1214.
 « Histoire de l’église Saint-Ambroise, ancienne église des Annonciades », Bulletin Paroissial de Saint-Ambroise (Paris), 1919, 6 févr.
De Seynes V., « Le couvent des annonciades de Popincourt » CataÂlogue de l’exposition du faubourg du Temple au faubourg St-Antoine, Paris, 1985.
Dulaure J.-A., L’histoire physique, civile et morale de Paris, Paris, 1839.
Duplessy E., Paris‑religieux, guide dans les églises de Paris, Paris, 1900, p. 141 : Les annonciades de Popincourt.
Galano Pernette, Les annonciades de Popincourt (1654-1781), aspects de vie quotidienne, mémoire de maîtrise réalisé sous la direction de Nicole Lemaître, Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne, septembre 2001.
Garin J., « Les Annonciades de Popincourt », Revue de l’Hist. de l’Église de France, t. 1, 1910, p. 533-554, 666-681 ; t. 2, 1911, p. 11-23.
Marcel A. et Garin J. Histoire de la paroisse Saint-Ambroise de Popincourt,  (Au-dessous, médaillon donnant une vue de l’église Saint-Ambroise inaugurée le 11 nov. 1869), Impr. Victor Lecoffre, Paris, 1909. In-12°, VI-592 pp. – L’histoire du couvent des Annonciades de Popincourt est racontée p. 12-48.
Moracchini P., « Au cœur d’une province franciscaine, Les cordeliers, Clarisses, Sœurs Grises et Annonciades de France Parisienne au XVIIe siècle », Revue Mabillon, Nouvelle série, 12 (t. 73), 2002, p. 205-242.
Moracchini P., « Les Annonciades de Popincourt, monastère agrégé à l’ordre franciscain », dans Les ordres mendiants à Paris, Paris-Musées, 1992, p. 95,127, 220-221.
RHF, tome 3, 1926, p. 402Â ; tome 5, 1928, p. 118, 120, 124, 125, 140, 142, 165Â ; tome 8, 1931, p. 204Â ; FF, tome 4, 1921, p. 92Â ; tome 12, 1939, p. 84.
Tauzé, Monseigneur, « Les annonciades de Popincourt », Semaine religieuse de Paris, 1943, p. 275.
Thiou É., État des sources sur les religieuses annonciades de Paris aux archives départementales de Paris et aux archives nationales. Document consultable au monastère de l’Annonciade, Thiais, (Val de Marne) archives-thiais@annonciade.org
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