Juridiction des Frères Mineurs
Notice      Â
En 1574 ou 1575, des religieuses du Tiers-Ordre de Saint-François, à savoir les Hospitalières de Sainte-Élisabeth, ou Sœurs Grises, demeurant à l’abbaye Sainte-Marguerite, près de Trye-Château, sont appelées pour gouverner l’hôpital de Gisors, par lettres patentes du Roi Henri III datées de décembre 1577. Plus tard, au siècle suivant, en 1617, ces Sœurs Grises sont déchargées de cet hôpital afin de mener une vie purement contemplative. En effet, le 30 juillet 1617, le provincial de la province de France parisienne des Franciscains, le Père Pierre Boiteux, prend acte des intentions des sœurs. Il demande alors à soeur Renée de Haqueville, professe du monastère des Annonciades de Saint-Eutrope, dans la commune de Saint-Germain-lès-Arpajon, d’aller réformer les Sœurs Grises de Gisors avec trois de ses compagnes : sœur Marguerite Benoist, sœur Elisabeth Benoist et sœur Marie Lesnel. L’acte officiel de l’obédience de sœur Louise Renée de Haqueville est daté du 30 juillet 1621.
Les Sœurs Grises entrent officiellement dans l’Ordre de la Vierge Marie en 1622. En 1623, Louis XIII autorise, par lettres patentes, « les mères, religieuses du couvent de Saint-François de la ville de Gisors » à transférer l’hôpital dont elles avaient la direction dans une maison acquise par elles, à condition « que ladite maison portera dorénavant le nom et titre d’Hôtel Dieu, afin que les pauvres y puissent être hébergés et accueillis ainsi qu’il est accoutumé ». Le Pape Urbain VIII, de son côté, par une Bulle du 8 novembre 1629, approuve l’érection canonique du nouveau monastère de l’Annonciade, à Gisors.
Le monastère va prospérer. Un Procès verbal de 1667, dressé par le lieutenant général civil du bailli de Gisors précise : « la dame supérieure nous dit avoir 40 religieuses professes, y compris les sœurs layes et trois novices ». Vocations nombreuses, donc, si bien que le couvent de Gisors peut fonder en 1639 celui de Montfort-sur-Risle. L’âge d’entrée des postulantes au monastère de Gisors est entre 17 à 41 ans. Au 18è siècle, toutefois, les entrées au monastère vont se ralentir. En 1729, Gisors compte 25 sœurs de chœur, 5 converses. À la fin de l’ancien régime, son effectif tombe à 16 religieuses.
De 1705 à 1789, les entrées se sont échelonnées cependant. Notons quelques noms que nous donne le registre du monastère : sÅ“ur Adélaïde de Ste-Bathilde Naviller de Verteville, sÅ“ur St-Hyacinthe du Buisson, sÅ“ur St-Victor de Corbigny, sÅ“ur Anne-Catherine Chouet etc… De même, l’obituaire fournit des noms tels que : sÅ“ur Marie-Anne Thomas de St-André, sÅ“ur Gabrielle-Françoise de Vion de Tessancourt, sÅ“ur Marie-Thérèse de la Motte du Fossé etc…
À partir de 1734, la communauté est dirigée par sœur Saint-Paul, dans le monde Marie-Anne Brohon, parente d’une pensionnaire, jacqueline-Aimée Brohon, véritable auteur spirituel. Jacqueline Aimée Brohon a publié les Amants philosophes, les Tablettes enchantées, des instructions édifiantes sur le jeûne de Jésus Christ au désert, un manuel des victimes de Jésus, les charmes de l’ingénuité etc. Sa dévotion fait l’admiration de la communauté.
Le monastère accueille donc des pensionnaires. Pour leur subsistance, les religieuses exploitent ou possèdent aussi des terres tout autour de Gisors, et aux alentours. L’administration du temporel des Annonciades varie avec le temps. Elle semble avoir pâti à la fin du 18e siècle d’une certaine négligence puisque, peu avant 1789, il est fait mention de leur « maison cy-devant ruinée par mauvaise économie », mais la situation va progressivement s’améliorer.
La béatification de sainte Jeanne de France en 1742, par Benoit XIV, donne un surcroît de ferveur à la communauté. Le cardinal de Tencin, dans la « positio super dubio » du Summarium cite deux fondations de messes à Gisors en l’honneur de la bienheureuse. En 1638, une première fondation de messes est faite en faveur d’un des habitants de la ville, décédé, Jeanne Grinet, en exécution de son testament : chaque 4 février, anniversaire de la mort de sainte Jeanne, il devra y avoir en la collégiale de Gisors un requiem solennel suivi des litanies de la Vierge et d’une procession à la tombe de la défunte, à savoir Jeanne Grinet. Étaient rétribués pour célébrer cet anniversaire, un vicaire, un chapelain, les assistants de l’autel, les autres clercs, le sacristain, les choristes, les chanteurs en solo, l’organiste, les sonneurs et l’allumeur de cierges.
L’autre fondation de messes est en date du 21 juin 1650. Elle est due à Jeanne Chopard qui, en l’honneur de sa patronne, Jeanne de France, érige à perpétuité dans la même église, chaque 4 février, un salut solennel avec bénédiction et procession du St-Sacrement pour le repos de l’âme de son mari défunt, d’elle-même et de tous ses parents. Un « honnête luminaire », l’orgue, un orchestre, des choristes, des clercs, leurs assistants et le clergé « en riches ornements » sont requis à cette fin.
Ces deux fondations datent de l’époque où  Robert Denyau est curé de Gisors. Ces deux fondations de messes donnent une idée de la piété du grand Siècle, de son goût pour les choses de Dieu, de tout ce qui peut élever l’âme vers Dieu grâce à la beauté liturgique, à un cérémonial beau et soigné.
Quelques dates :
–         Acte du 12 décembre 1726, établi pour satisfaire à l’arrêt du conseil de l’assemblée du clergé de France : 25 sÅ“urs de chÅ“ur – revenus : 3000 livres – charges : 1300 livres.
–         En date du 24 décembre 1729 : soeur Catherine de Gaillarbois de St-Denis est ancelle, Philippe Rossignol, dépositaire, Marie Ménardeau, vice gérante.
–         Formule de profession des sÅ“urs Grises faisant profession sous la Règle de l’Annonciade, le 9 mai 1622 : Nous, soussignées sÅ“urs et religieuses au monastère de Gisors confessons ingénument et avec une sainte intention, étant en l’âge requis, avoir fait profession de l’ordre de la sainte Vierge Mère de notre Seigneur, dite de l’Annonciade, promettant à Dieu, à la Vierge Marie, à notre Père saint François et au Révérend Père Jacques de la Froigne, définiteur général de l’Ordre et ministre provincial des frères mineurs de la province de France parisienne, de garder toute notre vie la Règle de la Vierge Marie, vivant en chasteté avec clôture perpétuelle, en obéissance et sainte pauvreté, en conformant nos mÅ“urs selon la Règle de nos supérieurs qui sont de l’Ordre de notre séraphique Père saint François, avec résolution de les reconnaître à jamais pour nos bons Pères et légitimes supérieurs, rendant toute obéissance au Saint Siège Apostolique. Pour assurance, nous avons signé cette promesse, le jour même de notre profession, savoir, le neuvième de Mai jour de St Gregoire de Naziance, 1622». Suivent les signatures :  Soeurs Marguerite de la Croix, Jeanne du St-Sacrement, Geneviève des Anges, Marie de Jésus, Anne de St-Joseph, Denise du St-Sauveur, Françoise du St-Esprit, Anne de St-Bernard, Anne de St-François, Élisabeth de St-Joseph, Marie de St-Gabriel, Gabrielle de la Passion et Renée de Hacqueville dite de la Visitation, ancelle.
–         Autre Formule de profession en date du 6 juillet 1632  : Je , soeur Marie Rohard, ditte de St-François, confesse avoir volontairement, en aage compétent, faict voeux de religion, d’observer la reigle de la Vierge Marie ditte de l’Annonciade, vivant en obédience, pauvreté, chasteté avec closture perpétuelle, et ce, entre les mains de notre révérend Père Provincial le R.P. Astolphe Bonaventure Fouquet, soubz l’heureuse conduitte de notre Reverende Mère ancelle Sr Renée de Hacqueville, ditte de la Visitation. Donc pour assurance de ce que dessus, jay signé la presente de mesme jour de ma profession, sixième juillet de mil six cent trente deux. Suivent les signatures.
La dernière profession a lieu le mardi 26 mai 1789, celle de soeur Marie-Thérèse Louise Ducastel de Ste-Victoire. On retrouvera cette soeur en 1816, grâce à une lettre écrite par elle au curé de Gisors au cours de cette année 1816. En 1789, le monastère est toujours gouverné par les franciscains, car, la soeur Ducastel fait profession entre les mains du « révérend Père Claude Vincent Galimard, religieux, prêtre, de l’Ordre de Frères Mineurs conventuels, gardien actuel du couvent de Magny etc…. ».  Pourquoi conventuel ? Il faut se rappeler qu’en 1773, en France, on assiste à une conventualisation des provinces observantes, c’est-à -dire, que les provinces dirigées par les Frères Mineurs observants passent aux mains des Pères Conventuels. Cette mesure institutionnelle a été prise par le Pape Clément XIV. Selon Lázaro Iriarte, l’Ordre franciscain devait traverser une période difficile mais, écrit-il dans son Histoire du franciscanisme, « Nous n’avons pas de données précises sur la situation interne de l’Ordre ni sur les critères de réforme qui furent mis en pratique pendant ces années critiques. » (p. 438).
Le 5 décembre 1789 la communauté se réunit en chapitre, au son de la cloche, « en sa manière accoutumée ». La Mère Ancelle fait lecture à ses sœurs de la lettre de Monsieur Gréssent, subsitut au parlement de Rouen, du 25 novembre 1789. Cette lettre donne le texte de la déclaration du Roi qui sanctionne le décret de l’assemblée nationale « portant suspension des vœux et de l’arrêt d’enregistrement de la chambre des vocations du dit parlement. » Par cet acte, est signifiée aux sœurs la fin de leur vie conventuelle. Cela est effectif en 1792.
Il  reste à Gisors une rue des Annonciades : devant le collège Jeanne d’Arc qui occupe partiellement l’emplacement de l’ancien couvent.
Sources manuscritesÂ
Archives de Paris, cote, 1 AZ 66 p. 71 ; Archives départementales de l’Eure, F 2208, H 1440, H 1442, H 1443 ; Archives départementales de Seine‑Maritime, série G, 827 à 840 inclus, G 5516, G 5530, G 828, G 5516 …
Sources imprimées
 « Annonciades en Normandie », dans Annonciade hier et aujourd’hui, Brucourt (F), 2003.
Besse Jean-Paul, Gisors dans l’histoire, Éd. L’Âge d’homme, 1998 p. 150‑155 : les annonciades.
Journal de Rouen, 18 décembre 1940 : Annonciades de Gisors.
Moracchini P., Matériaux pour servir à l’histoire des ministres provinciaux de France parisienne 1517-1771, extractum ex periodico archivium Franciscanum Historicum, An. 80 (1987) – 81 (1988), collegio S. Bonaventura, Grotaferrata, Roma, 1988, p. 365 sv.
RHF, tome 5, 1928, 140, 165Â ;Â FF, tome 4, 1921, p. 92.
Toussaint du Plessis Dom, Description géographique et historique de la Haute Normandie, 1740. L’auteur donne quelques éléments sur l’histoire des Annonciades de Gisors, de Montfort-sur-Risle.
 ****
La sépulture de la Soeur Jacqueline-Aimée Brohon est-elle toujours dans le couvent ? Est-il possible de lui rendre visite ?
Bonjour,
Les bâtiments de l’ancien monastère des Annonciades, à Gisors, n’existent plus, ayant été démolis. Que sont devenues les sépultures des religieuses ? Malheureusement, nous ne le savons pas. Sur l’emplacement des anciens bâtiments s’élève, aujourd’hui, le collège Jeanne d’Arc. Bien fraternellement,
sr Marie-Emmanuel, ovm