Homélie de la solennité de Sainte Jeanne de France
Par le Père Signargout.
Brucourt, le 9 février 2014
La Parole de Dieu que nous venons d’entendre nous invite vraiment à l’action de grâce envers le Seigneur. Pourquoi ?
Parce qu’il est notre Sauveur, parce qu’au-delà de nos limites et de nos faiblesses quotidiennes, il nous ouvre un chemin de bonheur, il nous apprend avec les Béatitudes, la joie du pardon, la grâce de la fidélité, le respect de la dignité de chacun, le goût de la justice et l’amour de la pureté du cœur…
Il se trouve que nous célébrons aujourd’hui la fête de Sainte Jeanne de France, dont nous fêterons le 23 avril prochain le 550ème anniversaire de la naissance. Je ne connais pas bien la vie de votre fondatrice, mes Sœurs, mais quand on parcourt très rapidement son itinéraire, grâce aux historiens, on est vite frappé par la fidélité et la détermination de cette femme. Elle a entendu très tôt, dès l’enfance, l’appel à fonder un ordre religieux et elle n’a accompli ce désir que sur la fin de sa vie. Même si sa vie prend dès le départ une toute autre orientation que la vie religieuse puisque, fille de roi, elle va devoir se marier et s’engager dans la vie politique du Royaume, Jeanne reste mystérieusement fidèle à son projet et elle apprend à mettre en œuvre dans ses choix quotidiens les vertus qu’elle a discernées chez la Vierge Marie, le modèle qu’elle proposera ensuite à l’Annonciade. Jeanne reste fidèle aussi à la Couronne de France et à son frère Charles VIII alors que son mari, Louis d’Orléans, s’était opposé au roi. Et pourtant, étonnamment, elle sera également fidèle à son mari, et se dépensera sans compter pour améliorer son sort quand il était en prison. Jusqu’au bout, elle est restée fidèle à son mariage alors que son époux, lui, l’avait trahie depuis longtemps. Quand Charles VIII meurt accidentellement en 1498, c’est son mari Louis qui devient roi de France sous le nom de Louis XII et Jeanne devient reine de France pour apprendre aussitôt que son mari lui intente un procès pour obtenir la reconnaissance de nullité du mariage. Jeanne la boiteuse, souffrante, brisée par la maladie, et humiliée devant tous, se révèle pourtant comme une femme droite et déterminée qui va pouvoir consacrer les cinq dernières années de sa vie à son projet : fonder l’ordre de l’Annonciade.
Où a-t-elle puisé cette énergie et ce courage, cette force et cette grandeur d’âme qui la caractérisent, sinon dans la grâce du Seigneur, sinon dans cette ouverture du cœur au Seigneur…
En fêtant Sainte Jeanne de France, nous fêtons aussi la Vierge Marie et les merveilles de la grâce de Dieu qui se révèlent en elle, ces vertus que Jeanne de France et le Père Gabriel Maria ont discernées à travers les attitudes et les paroles de Marie dans les Evangiles, ces vertus qui orientent votre vie quotidienne : la pureté, la prudence, l’humilité, la foi, la louange, l’obéissance, la pauvreté, la patience, la charité et la compassion…J’ai envie de souligner deux choses que je remarque : le mot « plaisirs » choisi par Jeanne de France pour désigner ces dix vertus mariales…J’y vois non pas une spiritualité aride ou doloriste, mais au contraire une spiritualité qui veut exprimer la joie de vivre devant Dieu et pour lui, et de lui plaire en chantant sa louange. On retrouve bien la spiritualité du Magnificat de la Vierge Marie, la spiritualité même de l’Annonciation qui est au cœur de la vie de votre Ordre. Si vous avez le désir de suivre Marie en toute chose et dans tous les moments, je veux dire dans toutes les attitudes de sa vie, c’est le commencement que vous avez choisi pour votre nom : l’Annonciade, qui nous renvoie évidemment à l’Annonciation, la première mention de Marie au début de l’Evangile dans sa rencontre avec le Messager de Dieu, l’Archange Gabriel. Et la joie du salut qui s’exprime alors par la bouche de la Vierge : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur. »
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Puissions-nous être nous aussi aujourd’hui des témoins de cette joie du salut, de cette joie de l’Evangile, comme nous y invite le Pape François !..Pour inviter nos contemporains à croire en Dieu, il est nécessaire que nous élargissions l’espace de notre tente, que nous sortions de notre quiétude pour aller au-dehors, pour être avec eux dans les combats et les difficultés de cette vie, proches d’eux, mais comme des témoins de l’espérance, de la fidélité de Dieu, de sa miséricorde et de son amour inépuisables. L’exemple de Jeanne peut nous y aider. Amen.