2015 est une année que le Pape François  a mise sous l’éclairage de la vie consacrée, invitant ainsi religieux et religieuses à relire leur charisme.  Alors, pourquoi ne pas relire notre charisme, en Fraternité Annonciade Chemin de Paix, à la lumière de ces quelques mots qui vont soutenir notre méditation tout au long de cette année 2015, nous faire réfléchir sur quatre réalités de la vie spirituelle, à l’école des fondateurs de l’Annonciade : le désir le « plaire à Dieu »,  l’imitation et la Vierge, la vie mariale, à paraître au cours du dernier trimestre 2015. 

 

 

 Le désir

« Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube : mon âme a soif de toi… Après Toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau…. » (Ps 62)

Ce psaume est un psaume de désir. Le psalmiste désire Dieu, c’est-à-dire, le bien total, la source même du bonheur. Le psalmiste est traversé par une immense aspiration ; sa prière se fait désir. Il a soif et sa soif est grande. Cette soif exprime le désir de quelque chose, de quelque chose d’intense qui fasse exister en plénitude, qui fasse que dans l’inachevé de la vie il puisse déjà goûter ce qui ne passe pas, y communier de tout son être. Dans une longue méditation sur la vie du Christ, saint Bonaventure, théologien franciscain du treizième siècle,  termine en nous disant que « la fin de tous nos désirs est la béatitude, état de la réunion de tous les biens. » Pour Bonaventure, c’est le CÅ“ur du Père qui est l’accomplissement de tout désir, de tous nos désirs, les plus grands comme les plus petits.

Du côté de l’Annonciade

Il est dit que le père Gabriel-Maria, cofondateur de l’Annonciade, connaissait « tous les désirs » de Jeanne. Et un de ses désirs était « de servir, d’honorer et de faire plaisir à la Vierge ». Un autre désir l’habitait, et cela depuis son enfance : « fonder un nouvel ordre religieux voué à Marie ». Son désir était aussi de « faire le bien ». Pour cela, elle désire que le père Gabriel-Maria la dirige « en toute dévotion ».

Aujourd’hui

Tous, qui que nous soyons, nous sommes traversé par un désir profond, celui du bonheur. Nous voulons tous être heureux. Le bonheur est donc le but de toute existence. Mais, où est la route qui mène au bonheur ? « Voilà ce que les hommes ignorent. Ils errent. Errer et déjà une recherche.   Mais le Christ nous a remis sur la bonne route… » (St Augustin). Malgré cela, nous demeurons insatisfaits ; nos désirs ne sont jamais comblés. Recherche sans fin. Ceci est le signe qu’en profondeur, c’est Dieu même que nous cherchons.

Le temps de nos jours est une longue attente. Dans cette attente, le désir se creuse, s’étend, grandit en profondeur. Pour faire comprendre cela, saint Augustin prend une comparaison. « Supposons que tu veuilles remplir quelque objet en forme de poche et que tu saches la surabondance de ce que tu as à recevoir ; tu étends cette poche, sac, outre, ou tout autre objet de ce genre ; tu sais combien grand est ce que tu as à y mettre, et tu vois que la poche est étroite : en l’étendant, tu en augmentes la capacité. De même, Dieu, en faisant attendre, étend le désir ; en faisant désirer, il étend l’âme ; en étendant l’âme, il la rend capable de recevoir. »

Mais qu’est-ce qui éveille en nous le désir ? C’est le poids d’un amour qui fait désirer et fuir tout ce qui pourrait menacer ou altérer cet amour, c’est l’espérance d’un bien que l’on recherche avec patience. Le désir met donc en route ; c’est le mouvement de la vie.  Le désir nous fait rechercher le bien désiré, et ce bien, on le cherche pour le trouver mais, insatisfaits, nous le cherchons encore une fois trouvé ce qui veut dire que ce que nous recherchons profondément est sans mesure. Ce qui faisait dire à saint Augustin « cherchons toujours et que le fruit de la découverte ne soit pas la afin de la recherche…. »

Et le désir transfigurera notre vie en une prière continuelle. Car désir et prière vont ensemble. C’est tout au moins l’idée de saint Augustin. En effet, dit-il, « ton désir est ta prière ; si le désir est continuel, la prière est continuelle ». Et,  « s’il y a désir, il y a gémissement ; il ne parvient pas toujours aux oreilles des hommes, mais il ne cesse jamais de frapper les oreilles de Dieu. » Ce gémissement de tout notre être est cette aspiration au véritable bonheur inscrite en nous d’une manière indélébile, une aspiration qui vient de Dieu même. Est-ce étonnant ? « Nous devons comprendre, explique saint Augustin, que Dieu notre Seigneur ne veut pas être informé de notre désir, qu’il ne peut ignorer. Mais il veut que notre désir s’excite par la prière afin que nous soyons capables d’accueillir ce qu’il s’apprête à nous donner. » Toutefois, pour recevoir de don, il faut y croire, l’espérer et le désirer. Ainsi, « nous serons d’autant plus capables de le recevoir que nous y croyons avec plus de foi, nous l’espérons avec plus d’assurance, nous le désirons avec plus d’ardeur. » (St Augustin)

Mais si nous désirons, nous sommes aussi désirés, attendus, attirés par la  grâce de Dieu, ainsi nommée car elle est un don gratuit. La Grâce de Dieu, qui est l’influence de l’Esprit Saint en nous, fait désirer librement le bien, désirer ce qui est le meilleur. Ainsi,  « les hommes sont agis par l’Esprit de Dieu afin d’agir comme ils doivent agir et lorsqu’ils ont agi, qu’ils rendent grâce à Celui par qui ils sont agis. Ils sont agis pour qu’ils agissent… » (St Augustin) Ne peut comprendre cela que celui qui aime et qui désire. « Donne-moi quelqu’un qui aime et il sentira la vérité de ce qui je dis. » (St Augustin).

Le désir, c’est donc ce qui nous pousse à chercher la source de tout bien. Certes, on peut se tromper de chemin dans cette recherche, prendre des chemins de traverse. C’est le péché. Mais Celui qui, par sa Grace, guérit notre cœur, nous remet dans la bonne direction, celle de la vie, dans la mesure de notre consentement.

Car Dieu veille sur nous ; il aiguise notre désir d’aller plus loin dans notre recherche du vrai bien. Si le désir nous habite, notre quotidien sera vécu autrement. Nous passerons du devoir à faire au désir de donner gratuitement, généreusement, de se donner. Mais, cela demande d’écouter Celui qui veille sur nous afin d’agir selon ce qui lui fait plaisir, selon ce qui lui est agréable. Mais en avons-nous réellement le désir ? Avons-nous le désir de Lui plaire, de plaire à Dieu seul ?

 

Plaire à Dieu

Je vous exhorte donc, frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu : c’est là le culte spirituel que vous avez à rendre. Et ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait (Rm 12, 1-2)

« Plaire en toutes choses ». Plaire à Dieu, cela se réalise non pas dans le monde des idées, mais au cœur même du réel de la vie de tous les jours. Alors, comment reconnaître ce qui plaît à Dieu ? Comment le discerner à travers l’épaisseur du quotidien, à travers quelles médiations ?

Se connaître soi-même
On raconte que, jeune novice, le bienheureux Père Gabriel-Maria, directeur spirituel de sainte Jeanne de France, était tout empli de ferveur, multipliant les exercices de dévotion et de pénitence, à la limite de ses forces, désirant arriver rapidement à la perfection ! Son maître des novices, une personne d’expérience, le modéra lui disant que la multiplication des « exercices » dépassant ses forces risquerait bien à la longue de l’empêcher de servir Dieu ! Il ne faisait que lui rappeler les conseils de saint François : « Chacun doit tenir compte de ses forces, dans le service de Dieu… » Simple sagesse ! Le premier lieu de discernement du « Plaisir de Dieu » est donc soi-même, avec ses qualités et ses richesses mais aussi avec ses faiblesses et ses limites : s’accepter simplement, changer son cœur s’il le faut, mais avec douceur.

La prière à l’Esprit Saint
Un second point : la prière où je peux percevoir les appels murmurés de l’Esprit. Toute la vie de sainte Jeanne de France est une longue écoute. Si l’Esprit la surprend dans la nouveauté de son enfance, lui montrant au firmament de sa conscience qu’elle deviendra un jour fondatrice d’un ordre religieux, nouveau dans l’église, elle sera toute sa vie à l’écoute de ce même Esprit. Jeanne est une femme de prière. Dans les moments difficiles, elle goûte la « consolation » de l’Esprit Saint, c’est-à-dire, sa douceur. Ce qu’elle désire par-dessus tout, c’est d’avoir en elle l’esprit du Christ et elle incitera ses filles spirituelles à avoir ce même désir : « Mes filles, désirez par-dessus tout avoir l’Esprit du Christ ». Il est le Maître intérieur qui leur enseignera la vraie louange, la vraie prière.

La Parole de Dieu à l’école de la Vierge
L’Écriture, et particulièrement l’Évangile : troisième lieu où l’on peut reconnaître ce qui plaît à Dieu. Pour Jeanne, l’Évangile est véritablement un chemin de vraie connaissance du « Plaisir » de Dieu. Plus particulièrement, elle prend Marie comme guide afin de l’aider à découvrir ce Plaisir, à travers les Évangiles. C’est de la Vierge, découverte à travers les pages évangéliques, qu’elle apprend ce qui plaît à Dieu. Marie est pour Jeanne un vrai guide, un vrai maître de vie spirituelle qui va l’enfanter au Bon Plaisir de Dieu. Le regard de la foi posé sur Marie transforme doucement, et de l’intérieur, l’être humain. Nous entrons, autant qu’il est possible, dans les « sentiments de la Vierge » découverts à partir de la lecture des Évangiles. Petit à petit, nous comprenons, à la fois par l’intelligence et par le cœur, qu’elles ont été ses attitudes profondes et nous essayons, à notre humble mesure, d’y conformer notre existence. La volonté, souvent refermée sur elle-même, doucement peut alors s’ouvrir à ce que propose la vie de la Vierge toute orientée vers le Plaisir du Père, y consentir.

La vie de relation
Sainte Jeanne et le bienheureux père Gabriel Maria savent combien la voix de l’Esprit Saint peut être mise en échec par un « moi » trop envahissant ou par les idées et les modes ambiantes. C’est pourquoi, ils donnent beaucoup d’importance à la vie relationnelle qui, en effet, peut être un vrai lieu de discernement du bien commun. Certes, l’opinion personnelle, les sentiments ou impressions ont bien leur valeur et leur place dans une communauté, quelque qu’elle soit, familiale ou non, mais la communauté permet de se les faire vérifier, confirmer, rectifier car on peut se tromper ; les sentiments et les émotions peuvent parfois masquer le vrai sens des choses. De plus, la confrontation des idées est toujours un enrichissement. Jeanne considère les rapports interpersonnels sous l’angle du modèle trinitaire, d’un lien à trois pôles, c’est-à-dire, l’amour de l’ancelle pour ses sœurs, l’amour des sœurs pour leur ancelle et l’amour des sœurs entre elles ; ce lien, elle le nomme « son statut d’amour et charité » et disait que c’était la chose qu’elle désirait le plus en son ordre. Car c’est ensemble que l’on essaie de plaire à Dieu. Dieu n’est-il pas relation ?

L’Église
L’église : autre lieu de discernement de ce qui plaît à Dieu. On connaît grâce au père Gabriel-Maria l’attachement de Jeanne à l’Église. « Elle suivait les commandements de Dieu et de l’église au plus près qu’il lui était possible » dit Gabriel-Maria. Dans la Règle de vie des Annonciades qu’il a écrite en 1517, Gabriel-Maria souligne que les sœurs doivent croire « ce que croit notre Mère la Sainte Église ». Les enseignements ecclésiaux aident à voir ce qui peut plaire à Dieu ou non. Un autre aspect de cet attachement à l’Église, chez Jeanne, c’est de « faire quelque chose » pour l’église locale. En son temps, cela pouvait être de prendre soin des linges d’autel, de veiller à la propreté des lieux, parmi les « œuvres » que Jeanne a pu faire, peut-être y-a-t-il eu la confection de custodes qui servaient aux prêtres portant la communion aux malades ? L’église, que l’on ne peut séparer du Christ parce qu’elle est son Corps, grâce à ses enseignements et à ses orientations pastorales est bien un lieu de lumière pour notre vie.

Les événements de la vie
Enfin, un dernier lieu de discernement du « plaire à Dieu » : la trame de nos existences constituée par tant et tant d’événements, plus ou moins marquants mais toujours porteurs de sens. Jeanne vit l’événement comme un messager venant lui dire une parole de la part de Dieu. En l’événement, elle voit l’action de Dieu qui ne cesse de l’appeler, d’agir au cœur de sa vie. En tout événement, elle discerne un signe. Certes, tout signe peut être interprété de multiples manières. Mais celui qui vit de foi, de prière et d’Évangile, peut y voir un signe de ce qui peut plaire à Dieu.
La manière dont Jeanne a lu la sentence du Procès en nullité de son mariage en donne un exemple. L’immédiateté de l’événement qui la brise dans sa vie de femme et d’épouse, elle porte son regard plus loin, discernant le bien que désormais elle va pouvoir accomplir. Ainsi elle confie à Gabriel-Maria : Notre Seigneur, à cette heure, me fit la grâce que soudain quand j’entendis ces nouvelles, m’entra dans le cœur que Dieu le permettait ainsi afin que je fasse beaucoup de bien selon que je l’avais tant désiré… ». Et le « bien » qu’elle a tant désiré, est la réalisation de la promesse reçue en son enfance, celle de fonder un ordre religieux. En l’événement de son procès, elle discerne l’heure de Dieu : sa mission de fondatrice va pouvoir s’accomplir.

Ainsi, ces diverses médiations – la connaissance de soi-même, la prière, la Parole de Dieu, le prochain, l’église ou l’événement – peuvent être des moyens capables de nous aider à discerner dans nos vies le Plaisir de Dieu parce qu’elles ouvrent le cÅ“ur et la volonté, souvent fermés sur eux-mêmes, les confrontent au réel de l’existence, aux autres ; elles nous poussent au dépassement de soi, nous aident à rebondir dans la foi. Chemin de vraie pauvreté intérieure, elles sont là à notre portée pour une surabondance de vie. Car sous l’écorce du quotidien, au cÅ“ur même de notre être profond, une lumière est toujours là, secrète et vitale, qui nous pousse à désirer toujours plus ce qui est bien et bon, ce qui est vrai et beau de désirer … C’est cela le Plaisir de Dieu !

 

 

Imiter I

Une parole de lumière…

« Ton bonheur est Dieu même car tu es capable de Dieu (saint Augustin)

Que pouvons-nous ? Quelles sont nos possibilités, celles de notre être profond ? Quel est le bonheur auquel on peut aspirer? Un saint Augustin répond : ton bonheur est Dieu même car tu es « capable de Dieu ». On est donc voué à vivre l’impossible divin, à vivre un impossible devenu possible par grâce divine. On est donc capable de plus que soi-même, avec la grâce divine et nos pauvres efforts. L‘imitation, dans cette perspective, est donc un moyen de se rendre capable de Dieu. D’ailleurs, le Christ, dans l’évangile nous propose cet horizon de vie : « soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48).

….Pour aujourd’hui

La Vierge est celle qui a suivi ce conseil d’une manière exemplaire, et elle a plu au très-Haut. La suivre, l’imiter, c’est donc à notre tour marcher sur le chemin de la véritable ressemblance divine, d’aller au devant de ce que nous sommes réellement : voués à la vision béatifique.
Imiter la Vierge afin de plaire au Christ. Il nous faut donc reproduire, s’approprier dans notre propre vie ce qu’a été la Vierge Marie, non pas à la manière d’un certain Frère Jacques qui s’appliquait à reproduire tous les gestes de saint François d’Assise, mais en entrant dans les sentiments dont était animée la Vierge, afin de plaire parfaitement au Christ Jésus. Et cela plaît à Dieu. En un mot : prendre la Vierge comme « forme de vie », pour reprendre une expression du bienheureux père Gabriel-Maria.
Les dix vertus de la Vierge que les Fondateurs ont découvertes en relisant les passages évangéliques où il est question d’Elle sont par conséquent la règle de vie de ceux et celles qui s’engagent sur ce chemin de vie chrétienne. En essayant de comprendre le véritable sens de la vertu qu’ont voulu sainte Jeanne de France et le bienheureux Gabriel-Maria, on réalisera ce à quoi nous sommes tous destinés, devenir un fils, une fille de Dieu de toute éternité aimé(e) par Dieu, notre Père à tous : « tu es mon fils en qui j’ai mis toutes mes complaisances. »
La Règle de vie de l’Annonciade donne l’orientation de la vie que l’on doit mener, indique la direction à prendre. Elle commence par ces mots : « Premièrement et avant toutes choses, ayez continuellement la Vierge devant les yeux, jetant vos pensées et vos regards sur elle comme les Mages sur l’étoile. » La Vierge est présentée comme un guide. Elle conduit à, dirige vers. Elle guide la marche de notre vie. Elle fait avancer jusqu’au moment où elle indiquera le lieu où demeure le Christ. Elle conduit toujours au Christ. La prendre donc pour modèle, pour exemple de vie, c’est prendre le chemin le plus court pour qui veut connaître le Christ.
Le terme de « modèle » traduit le latin « exemplar ». Certes, le seul « modèle » est bien le Verbe créateur qui est en même temps l’exemplaire de la création, c’est-à-dire qu’en toute chose, nous pouvons découvrir la marque de Dieu, pour qui sait voir. Nous sommes à l’image et à la ressemblance de Dieu. Et nous le constatons par le fait que nous pensons, que nous raisonnons, que nous voulons. Nous avons tous été créés sur le modèle de ce Verbe, y compris la Vierge.
Mais celle-ci a été pensée par Dieu et prédestinée, c’est-à-dire, exempte de la faute des origines. Ce qui fait qu’en elle se fait voir notre véritable destin, ce à quoi nous sommes tous appelés par grâce gratuite. Elle est la beauté de la création. L’imiter, la suivre, alors, notre vie, donnera à voir comme un reflet de sa beauté à Elle. Nous n’aurons jamais fini de l’imiter, d’agir en conformité avec le modèle que nous trouvons en elle. Il nous faut comprendre la Vierge avec les yeux de notre âme, la comprendre de l’intérieur. En Marie nous devons trouver la source de nos pensées, de nos paroles et de nos actions. Lui demander dans telle ou telle difficulté : « que ferais-tu ? » Et faire de même ! Cela demande de la fréquenter souvent, de vivre comme si elle était à nos côtés. Pour cela, il faut ouvrir souvent l’évangile et lire et relire tout ce qui la concerne. « Mais parce que la manière d’imiter la Vierge et de plaire à Dieu à son exemple, qui est mise en votre Règle, est toute prise de l’Évangile, vous avez besoin de savoir ce que l’Évangile dit de la Vierge. »
Ouvrir l’Évangile et regarder comment la Vierge a vécu. Et le regard perçoit à travers les mots et les récits évangéliques qui se rapportent à la Vierge certaines dispositions de l’être de Marie : ce sont les vertus, ces dix attitudes de Marie que la Règle de l’Annonciade met en lumière : Marie pure, Marie prudente et humble, Marie fidèle et priante, Marie obéissante, Marie pauvre et patiente, Marie charitable et compatissante. On découvre ses vertus en méditant les passages évangéliques où il est question d’Elle ; on les pense en cultivant des pensées de paix et de bienveillance, on les dit par des paroles qui construisent et non qui détruisent, on les agit en faisant le bien. Ainsi, petit à petit, on entre dans les sentiments de la Vierge, dans son âme c’est-à-dire dans ses dispositions surnaturelles qui nous portent à donner le meilleur de nous-mêmes, à avancer sur la route du bien.

 

 

 Imiter II

Une parole de lumière

« …. il vous faut abandonner votre premier genre de vie et dépouiller le vieil homme, qui va se corrompant au fil des convoitises décevantes, pour vous renouveler par une transformation spirituelle de votre jugement et revêtir l’Homme nouveau, qui a été créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité » (Eph 4, 22-24).

Pour aujourd’hui

Pour les Fondateurs de l’Annonciade, la quête de Dieu se résume en ceci: celui de plaire à Dieu, au Christ. « N’ayez nulle autre étude que de plaire à votre Époux (le Christ) … », et ils en donnent le moyen : « par la Vierge », c’est-à-dire, en suivant la Vierge à travers les pages évangéliques. Cette suite de Marie à travers les passages évangéliques qui parlent d’elle est propre à nous faire découvrir quelles sont les vertus qu’elle a mises en œuvre dans sa vie. Les mettre en œuvre à notre tour ans notre vie est un moyen d’entrer dans la familiarité de Dieu, de goûter l’amitié divine, de « revêtir l’Homme nouveau » dont parle saint Paul.

Ces vertus ne sont donc pas une fin en soi ; elles sont un chemin, celui du désir de se rendre agréable à Dieu dans le concret de l’existence. Il s’agit certes de pratiquer des vertus mais de les pratiquer en vue de plaire à quelqu’un, à Dieu même. Le moyen ? La Vierge, en cherchant, à travers les pages évangéliques, ce qu’Elle veut nous enseigner, en scrutant les divers enseignements spirituels dont les événements de sa vie sont porteurs, par-delà l’historicité des faits des scènes évangéliques. Découvrir cela ne demande pas une démarche intellectuelle, mais plutôt contemplative, priante, conduisant à une connaissance « savoureuse » de Marie. C’est du domaine de l’expérience. Regarder Marie, c’est entrer dans le dynamisme de ses vertus. Le « livre de ma vie » autant qu’il est possible, avec ses faiblesses, ses qualités et ses défauts, doit donner à voir, à goûter, la Vierge ; « que ceux qui voient les sœurs, voient Marie vivant encore en ce monde » ose demander sainte Jeanne dans ses Statuts à ses Annonciades dont la vie doit laisser pressentir ce qui devait animer l’être profond de Marie. Ainsi, Marie, pris comme modèle de vie chrétienne, devient au fur et à mesure qu’on la fréquente un véritable guide spirituel.

Des vertus qui dessinent un itinéraire spirituel

À y regarder de plus près on s’aperçoit que le bienheureux père Gabriel-Maria, le rédacteur de la Règle de vie des Annonciades où il décline dix vertus de la Vierge, sans le dire explicitement, reprend les trois voies de la vie spirituelle telle que les ont dessinées les pères de l’église, et plus près de lui, un saint Bonaventure, en proposant la mise en œuvre dans notre vie de ces vertus.

Si les anciens parlaient de commençants, progressants et parfaits, Bonaventure, lui, parle de voie purgative, d’illuminative et unitive. Si l’on veut progresser dans la vie spirituelle, dont le but est l’union à Dieu, on doit d’abord déblayer le terrain de son cœur, si l’on peut dire, on doit s’éloigner du mal et du péché. On y est aidé par les vertus de pureté, de prudence et d’humilité. La vertu de pureté conduit à se mettre devant Dieu, à lui exposer sa vie comme la Vierge l’a fait. Cette disposition de soi éloigne de tout  ce qui est moins bon ; la prudence aide à le discerner, et  l’humilité conduit à la mise en œuvre du meilleur, et cela conduit à la paix du cœur. Alors, on est préparé à entrer  dans la vie de foi et de prière, une vie propre à éclairer la conscience, à illuminer le cœur et cela conduit à imiter Celui qui est l’objet de notre foi, qui est le « Tu » de notre prière. On l’imite par une vie d’obéissance, de pauvreté et de patience, une vie qui s’épanouit dans la  charité et la compassion, dans le véritable amour.

Certes, il ne faut pas comprendre ces trois voies comme trois étapes successives. C’est une seule et même voie qui prend, selon les circonstances de la vie, la couleur de la purification, celle de l’imitation et de la vie de foi, celle du véritable amour. Sur cet itinéraire d’union à Dieu, la Vierge est comme l’étoile à regarder, le modèle à suivre. Petit à petit, l’être profond se transforme, se recueille, c’est-à-dire est moins dispersé ; on ne vit plus de la même façon qu’avant. La vie prend une autre couleur, un je-ne-sais-quoi. Tout devient plus simple. Comme la Vierge, on vit en Lui, pour Lui et pour les autres, sans nul pourquoi. Désirer cela, c’est déjà le vivre, un désir à désirer chaque jour !

 

 

 Vie mariale ou prendre chez soi Marie

La vie de la Vierge Marie nous parle de notre propre vie, de notre propre destinée, de ce à quoi nous sommes appelés à devenir, à être. Méditer sur sa vie, sur son vécu, la suivre en ses propres vertus ouvrent en notre être profond et à notre esprit de nouveaux horizons. On voit les choses de la vie autrement qu’avant, quand la Vierge n’était pas encore entrée chez nous. Il est bon de nourrir notre foi avec Elle, à sa manière à Elle, de nourrir aussi notre réflexion avec Elle, en La regardant, méditer avec Elle les événements qui nous concernent et, ainsi, mieux comprendre où vont nos existences personnelles…..

la vie de la Vierge est

comme le miroir de notre propre destinée 

Les événements de la vie de la Vierge Marie manifestent des aspects de l’existence humaine facilement oubliés. Par exemple : la valeur du silence, du contact personnel et familier avec Dieu, des gestes simples comme aller aider une femme sur le point de mettre au monde son enfant, de l’attention aux besoins des autres, les plus concrets comme un manque de vin à des noces…. Découvrir ces aspects de l’existence humaine si facilement oubliés, et cela grâce à la Vierge, c’est en même temps découvrir ou redécouvrir notre propre destin. Marie, Celle qui a porté en elle la Sagesse éternelle, le Christ, est bien celle qui peut, plus que tout autre, nous dire quelque chose sur le sens de la vie. En effet, la vie de Marie donne à penser, à réfléchir. Sa vie annonce un monde nouveau, ce monde nouveau qu’apporte la Bonne Nouvelle de l’Évangile, ce monde nouveau qui fait vivre autrement, dès maintenant, si nous le voulons bien, notre existence, non pas en la bouleversant, mais en la transformant secrètement, de l’intérieur.

Car Marie, portant en Elle la Sagesse éternelle, reste une femme quelconque, une femme juive quelconque, fidèle à la Loi de ses pères et obéissante à ses préceptes. Elle est « celle dont on n’a rien dit », pour reprendre les paroles d’un chant liturgique. Car, d’elle, on ne sait presque rien. Si les évangélistes font les éloges de ses parents, sur elle, ils restent sobres. Pas d’éloges flatteurs. Seulement, la discrétion. Et c’est peut-être cela qui la rend proche de chacun de nous, qui la fait ressembler à n’importe qui, à tout le monde. Cela fait penser à saint Paul, quand il dit : « Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort ; ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l’on méprise, voilà ce que Dieu a choisi ; ce qui n’est pas, pour réduire à rien ce qui est » (1 Co 1, 28). Ces paroles pourraient s’appliquer à la Vierge. Marie ? La Vierge est « quelqu’un qui, comme servante, n’a, au sens où le monde entend ces mots, ni naissance, ni maison, ni nom » (France Quéré, Marie, DDB, 1996, p. 28).

La Vierge Marie, c’est le trésor caché dans l’insignifiance non seulement d’une vie humaine, mais aussi d’un pays – à Nazareth ? Qu’est-ce qui peut sortir de bon de Nazareth ? C’est la question que pose Philippe à Nathanaël, à propos du Messie : « Philippe rencontre Nathanaël et lui dit : Celui dont Moïse a écrit dans la Loi, ainsi que les prophètes, nous l’avons trouvé : Jésus, le fils de Joseph, de Nazareth. Nathanaël lui dit : De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ? Philippe lui dit : Viens et vois » (Jn 1, 45). Marie est véritablement la Femme pauvre, pauvre de cÅ“ur, pauvre d’elle-même, ignorante d’elle-même. « Personne n’a vécu, n’a souffert, n’est mort aussi simplement et dans une ignorance aussi profonde de sa propre dignité …. » (Georges Bernanos, Journal du curé de campagne, dans P. Régamey, Les plus beaux textes sur la Vierge Marie, p. 376).

Marie est prête à accueillir le don de Dieu parce qu’elle est pauvre. « Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des Cieux est à eux » (Mt 5,3). Elle est toute prête à accueillir le monde nouveau qu’apporte le Christ, ce monde nouveau, qui nous invite à être autrement, à vivre autrement, qui va, si nous l’accueillons bien sûr, nous conduire de nous retourner en nous-même, c’est à dire, à nous convertir, à changer la manière de voir les êtres et les choses, à en découvrir le vrai sens. Tout cela, le Christ, va nous l’apprendre par son Évangile et par sa vie donnée, sa vie livrée sur la Croix. Avec Marie et en elle, ce monde nouveau, que le Christ inaugure, affleure déjà. Et qu’est-ce qui affleure déjà ? L’espérance et le don qui vont prendre le pas sur l’égoïsme, sur l’orgueil, sur toutes ces forces qui détruisent et défigurent les hommes, qui les détournent de leur vraie destinée. Ce qui affleure, c’est que plus l’humanité s’approche de la divine Charité, plus elle devient humaine, et plus elle s’en éloigne, plus elle se détruit. Chaque fête mariale fait mémoire de tel ou tel aspect de la vie de Marie, de tel ou tel événement de son existence, en nous faisant certes dépasser l’historicité des faits pour nous ouvrir sur le sens caché dont ces événements sont porteurs. Si chaque fête mariale relance notre espérance, elle nous fait approfondir ce à quoi nous sommes appelés à être, plus exactement, ce que nous sommes : des enfants de Dieu, créés à son Image.

Benoît XVI, dans son encyclique Sauvés dans l’Espérance, termine sa réflexion sur cette vertu théologale d’espérance en orientant nos regards et notre pensée sur « Marie, étoile de l’espérance. » Il médite sur la vie de la Vierge en montrant comment cette vie peut être, pour nos propres vies individuelle, personnelles, une véritable lumière. En la suivant, on ne se trompe pas de chemin. La vie humaine, dit-il, est une route, un chemin, elle est un pèlerinage. Vers quel but cela nous conduit-il ? Et comment en trouver l’entrée ? « La vie, écrit le Pape, est comme un voyage, sur la mer de l’histoire, souvent obscur et dans l’orage, un voyage dans lequel nous scrutons les astres qui nous indiquent la route. Les vraies étoiles de notre vie sont les personnes qui ont su vivre dans la droiture. » C’est toujours une grâce de Dieu, en effet, de rencontrer sur notre route des êtres qui nous parle de l’essentiel. Pour nous, chrétiens, le Christ, est cette Lumière par excellence, cette Lumière d’espérance qui nous révèle où vont les « nuits humaines. » Certainement, Jésus Christ est la vraie lumière de l’existence humaine, « le soleil qui se lève sur toutes les ténèbres de l’histoire. » Toutefois, pour arriver à une vraie relation avec le Christ, nous avons besoin d’intermédiaires, « de lumières proches », c’est à dire, « de personnes qui donnent une lumière en la tirant de Sa Lumière » à Lui, le Christ, et qui peuvent ainsi nous indiquer le véritable sens de notre pèlerinage terrestre.

« Quelle personne pourrait plus que Marie être pour nous l’étoile de l’espérance » ? La Vierge a été totalement prise sous l’ombre de l’Esprit-Saint et elle est devenue comme un miroir où se reflète le visage de notre vraie humanité, faite à la ressemblance et à l’image de Dieu, parce qu’elle a porté en elle le Nouvel Adam, le Christ, Premier né du monde nouveau annoncé par les Prophètes de l’ancienne alliance, inauguré par la venue du Christ en ce monde. Par son « oui », la Vierge Marie «ouvrit à Dieu lui-même la porte de notre monde » (Benoît XVI, Sauvés dans l’Espérance n° 49, 50) et cette entrée de Dieu dans l’histoire est véritablement une Bonne Nouvelle.

FIN

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