Juridiction des Frères Mineurs
Notice
Anne de Massiot, l’épouse d’un Conseiller du Roi – conseiller en son Conseil d’État et Privé – , second Président de la Cour de Parlement de Bordeaux, souhaite fonder un couvent de l’Ordre de l’Annonciade en la ville de Marmande. Un contrat de fondation est dressé le 11 octobre 1622. Le 13 novembre suivant, la Jurade de Marmande donne son accord à cette fondation. Par une Ordonnance datée à Bordeaux du 18 mars 1623, Claude de Gélas, évêque et comte d’Agen, consent à l’établissement du couvent, placé sous la direction spirituelle des Frères Mineurs de l’Observance qui ont déjà un monastère en cette ville. Le 15 mars 1625, le Cardinal de Sourdis, Archevêque de Bordeaux donne obédience à la Dame Dumantet, en religion Soeur Finette de l’Autel, des Annonciades de Bordeaux, accompagnée de trois religieuses de son monastère, de devenir la première Mère ancelle du nouveau monastère.
Les bâtiments, dont il subsiste encore aujourd’hui quelques vestiges, vont être construits au centre d’un quadrilatère constitué par les actuelles rue du Général Brun, rue Terrasse du Château, rue Laffiteau, rue des Religieuses. Les travaux se réalisent rapidement grâce notamment aux aumônes dotales des douze premières filles admises à la profession.
Au moment de sa fondation, c’est le seul couvent de femmes de Marmande, mis sous le vocable de l’Ave Maria. Il  y règne une vie spirituelle intense. Moins d’un demi-siècle après sa fondation, grâce à la visite de l’évêque du 17 février 1668 – visite ordonnée par ordonnance royale où il est demandé aux Supérieures de Couvents féminins  de dresser un état des biens et des charges de leur communauté – on peut se faire une idée de l’état du monastère.
Ainsi, en 1668, les revenus annuels proviennent tant des revenus de la terre que des dots des religieuses, d’une métairie, celle de Sainte‑Bazeille qui comprend des terres labourables, des prés, des vignes et des aubarèdes. Les charges comprennent le chauffage, l’entretien d’un confesseur et de son compagnon, les honoraires du médecin, l’entretien des malades, les frais de médicaments et de chirurgien, l’entretien et la nourriture de deux servantes chargées du tour et le paiement d’un Jardinier, l’entretien et les réparations des bâtiments, et bien sûr l’entretien et la subsistance des religieuses. Celles-ci sont au nombre de 24, 20 sÅ“urs de chÅ“ur et 4 sÅ“urs converses. De tout cela il résulte que la communauté ne peut subsister que par le secours charitable de plusieurs parents et amis de l’Ordre. L’évêque trouve le monastère en bon état. Il existe aussi un petit terrain sur lequel  sÅ“urs envisagent  de construire un quartier destiné à une infirmerie, et à un noviciat. À cette époque, la Mère ancelle est Anne Chiquet et la soeur Bernardine Renot est à la fois Assistante et Conseillère.
C’est aussi en 1668 que meurt  la fondatrice du monastère, Anne de Massiot. Sa fille Anne Dafis, épouse de Bertrand de Pichon, réclame pour elle-même les mêmes droits et privilèges dont sa mère avait joui de son vivant, et en particulier celui d’entrer dans le monastère aussi souvent qu’elle le désirera ; elle sollicite aussi les mêmes droits pour sa fille lorsqu’elle-même sera décédée. Les Annonciades ne sont pas du tout d’accord : elles affirment que l’acte de fondation ne donnait pas à la fondatrice le droit que sa fille prétend. C’est par pure condescendance de leur part qu’Anne de Massiot et sa fille avaient pu jusque là pénétrer dans leur maison.
Anne Dafis porte alors l’affaire devant le Tribunal du Saint Siège. Le Pape Clément IX, par un bref du 22 juin 1668, charge l’évêque d’Agen d’instruire l’affaire et de se prononcer, suivant le droit canon. C’est alors qu’Anne Dafis de Pichon envoie devant l’évêque d’Agen, Mgr Claude Gélas, le frère Gilles d’Humières, Frère Mineur de l’Observance et Syndic des Annonciades, afin d’obtenir pour elle l’autorisation d’entrer dans le Couvent. Les religieuses contre-attaquent en 1669 par une lettre du 5 janvier adressée à l’évêque, et dans laquelle elles redisent leur opposition. La démarche de Madame  de Pichon est grave de conséquences : si elle divise tant soit peu le couvent elle ne fait pourtant pas perdre aux religieuses ni le sens de leur devoir religieux (entre autres la garde de la clôture) ni celui de leur intérêt (si la Dame Pichon veut le titre de bienfaitrice, qu’elle matérialise sa volonté !).
L’évêque est bien ennuyé : en droit, les religieuses ont raison. Mais Madame de Pichon est l’épouse du Premier Président du Parlement de Bordeaux, donc une personnalité avec laquelle il faut compter. Aussi, le 25 Janvier 1669 écrit-il une ordonnance dans laquelle il autorise la Dame de Pichon à entrer dans le couvent pour y faire retraite spirituelle et vaquer avec plus de recueillement aux exercices de piété chrétienne, deux fois l’année seulement, l’espace de dix jours ; elle pourra être accompagnée d’une seule suivante et d’une seule domestique. Il  demande, en outre, à ce que la Dame de Pichon observe les Règles et Constitutions du monastère, ses us et coutumes, afin que la vie conventuelle des religieuses ne soit pas perturbée par sa présence. Il ordonne donc à l’Ancelle de permettre l’entrée de cette personne dans son monastère.  Jugement digne de Salomon, ce qui fait que tout rentre dans l’ordre.
En ce temps, la présence, dans un couvent, de reliques attire la foule, semble-t-il, et augmente les dons. Cela a conduit un certain nombre de religieuses de la ville de Marmande à accueillir favorablement la venue de la statue de la Vierge dite « miraculeuse », à la suite de l’incendie de l’église où elle était – incendie du à l’explosion de poudre que la ville avait entreposée dans le clocher et sur lequel était tombée la foudre. Cela se passait en 1648. Il se trouve que les annonciades ont dans leur couvent des reliques venant de Rome. Mais l’Ancelle, la Mère de Montauzy, a des doutes sur leur authenticité. En 1692, elle demande à l’évêque d’Agen de procéder à leur vérification : un ossement de la cuisse de Saint Crescent – collaborateur de Saint Paul qui le cite  dans sa seconde lettre à Timothée. Ce qui est fait. Mais, saint Crescent n’a point inspiré les foules du Marmandais !
Les ressources des Annonciades sont modestes par rapport aux charges qui pèsent sur leur monastère. Bien que toutes les charges soient payées, les sÅ“urs ne roulent pas sur l’or. Heureusement, elles ont toujours eu à leur tête d’excellentes gestionnaires. Tous les bâtiments sont payés et le patrimoine du couvent a même augmenté. Mais en 1707, la mère ancelle déclare avoir du mal à nourrir la communauté, à pourvoir à l’entretien des sÅ“urs qui doivent demander à leurs parents de leur fournir des habits. Il faut ajouter à cela : les inondations. Le monastère se trouve en effet près de la Garonne. Les sÅ“urs sont obligées de construire un mur afin de retenir les eaux et empêcher de voir leur couvent inondé. Le boucher restera parfois impayé durant 6 mois.
En 1731, le couvent compte 22 religieuses (dont 20 religieuses de chÅ“ur et 2 converses), une novice et 2 postulantes. L’ancelle, Anne Loupert, a 48 ans, l’assistante, Marie Boutet, 68 ans. La vie s’écoule tranquille dans le Couvent des Annonciades, marquée de temps à autre par des prises de voile, des professions, au rythme de la liturgie de l’Église. De plus, les sÅ“urs doivent se nourrir spirituellement des enseignements de la première Ancelle, Mère Finette de l’Autel, qui a laissé pour ses filles et celles à venir, quelques écrits spirituels.
Arrivent les événements révolutionnaires de 1789.  Le 21 novembre 1789, tous les biens du Clergé sont mis à la disposition de la Nation. Le couvent des Annonciades n’échappe pas à cette spoliation. Le couvent comprend alors deux cours, un corps de bâtiment, un portique, un cloître situé au côté Est  de l’église, un jardin situé au côté Sud.
En 1790 Il reste encore 17 religieuses. 1791 est une année d’élection pour la communauté.  Selon la Loi du 24 octobre 1790, ce ne sont plus les supérieurs religieux qui président les élections conventuelles mais les officiers municipaux. Donc, le 12 janvier 1791, le Maire et les Officiers municipaux sont alors reçus par les religieuses. Le Secrétaire greffier fait alors l’appel des religieuses afin de procéder, à  l’élection en qualité de Supérieure de celle qu’en leur âme et conscience elles auront choisie comme la plus digne de leur confiance. Il veille au maintien de l’ordre tant civil que monastique. Il y a douze votantes et au premier tour personne parmi les noms proposés n’obtient la majorité absolue. Il est alors procédé à un second tour de scrutin, lequel ne donne pas plus de résultat. Il faut donc recourir à un troisième tour pour lequel la majorité relative suffit : les sÅ“urs Massias et Larrivière obtiennent chacune cinq voix. C’est donc la plus âgée des deux, soeur  Larrivière qui est élue Supérieure. L’élection de l’économe : au troisième tour de scrutin les sÅ“urs Lalaurie et Gassies obtiennent chacune quatre voix, la soeur  Lalaurie, la plus âgée des deux, est élue économe.
L’élection de l’Ancelle a donc été assez difficile. Quel est alors le climat communautaire ?Les soeurs ont-elles été influencées par le climat ambiant ? On ne sait. Mais, ce qui est sûr, c’est que, à partir du 15 août 1791, plusieurs sÅ“urs vont profiter des lois en vigueur concernant les Ordres religieux et demander à quitter le monastère. Trois sÅ“urs, quant à elles, demanderont à rejoindre la communauté des Bénédictines de Marmande car, là , elles savent qu’elles pourront plus facilement avoir recours à des prêtres qui n’ont pas prêté le serment civique lorsque la Constitution civile du clergé a été proclamée en 1790.
Le monastère va servir  pendant quelque temps de prison sous la Terreur. Le Tribunal du District tiendra ses arrêts dans l’ancien chÅ“ur des religieuses, avant que la Société Populaire des Amis de la Constitution ne vienne y tenir ses séances.  Afin de favoriser l’instruction des enfants de la classe pauvre, cette Société offrira de céder la majeure partie de son acquisition à une Congrégation enseignante. Les SÅ“urs de la Miséricorde de Moissac vont accepter ce don ; elles s’y installent le 11 juin 1836. Elles vont procéder à une sérieuse remise en état des bâtiments. Actuellement, sur le site de l’ancien couvent des Annonciade, dont on peut encore voir quelques vestiges, se trouve l’école privée Sainte-Foy.
Les Marmandais connaissent « la Miséricorde », beaucoup connaissent la « Rue des Religieuses »  mais connaissent-ils l’histoire de cet ancien monastère annonciade dit de l’Ave Maria ?
Sources manuscrites
Archives des annonciades de Villeneuve-sur-Lot, Ms DRS 1 Livre de la soeur Finette du Mentet, Ms, « Les Douleurs de la Vierge », de la soeur de Loppes ; Archives Départementales du Lot-et -Garonne, série 6 liasse F 1 et F 3 ; Archives diocésaines (Agen) ; Archives Municipales (Marmande). Voir également : Drengues (Chanoine), Pouillé du diocèse d’Agen ; archives-thiais@annonciade.org
 « Discours moraux et affectifs de la sœur Anne de Loubains de Loppes, annonciade de Marmande (janvier 1710-4 mars 1710). Adresse au P. Albert Camac, ancien professeur de théologie et provincial de la province d’Aquitaine l’Ancienne », Ms 291, Archives franciscaines, Toulouse, Fonds Bonnefoy, Annonciade 4, monastère, Marmande.
 Sources imprimées
Aquitaine Séraphique, tome 4, 1905, p 116 ; France Franciscaine, tome 4, 1921, p. 92, tome 5, 1922, p. 132, 150 ; Revue d’Histoire Franciscaine,  tome 3, 1926, p. 536, 556, tome5, 1928, p. 131, 140, 165.
Condou Jean, Le monastère des annonciades de Marmande, AMJF, Thiais (France), 1997. L’auteur donne des indications de sources.
Condou Jean, Marmande la Sainte. La vie spirituelle à Marmande aux XVIIe et XVIIIe siècles, Marmande, 1990.
Tamizey de Larroque, Notice sur la ville de Marmande, Villeneuve-sur-Lot, 1872.