C’est vrai, il y a longtemps que le Costa Rica n’a pas donné de nouvelles… le temps passerait-il plus vite sous les tropiques ?
Donc, il faut revenir en janvier, où nous avons attendu, préparé, jouit, de la rencontre annuelle des ancelles et responsables de l’Ordre. C’était la première fois que venait notre tour. Merci à celles qui ont fait le voyage, un peu lourd sans aucun doute, pour nos communautés, mais combien enrichissant pour celles qui reçoivent.
Séjour un peu trop court pour le travail qui nous attendait, et le partage avec nos six sœurs pour qui c’était le premier contact avec notre communauté « outremer » depuis 13 ans ! Ce sont elles qui devraient conter ! ou les quelques amis qui les accompagnaient… Mais vous aurez dans ce numéro une petite partie des impressions de Véronique.
Pour nous, joie de leur partager notre lieu de vie, notre quotidien. Au retour, elles auront pu partager avec chacune de leurs communautés, et c’est sans doute bon pour toutes, car recevoir un courrier ou entendre raconter et voir des photos… il y a une différence !
Cette réunion annuelle qu’ont voulue nos devancières, qui se renouvelle fidèlement chaque année depuis 50 ans dans l’un ou l’autre de nos monastères à tour de rôle, est vraiment une grâce de l’Ordre. Le Covid nous permettra-t-il de la tenir cette année encore, ou nous faudra-t-il nous rencontrer… devant un écran ?
Covid versus Costa Rica
Ce virus a-t-il fait parler de lui, cette année ! Quand la France, et particulièrement nos sÅ“urs de Thiais, luttaient pied à pied – grâce à Dieu et à la généreuse entraide fraternelle des bien-portantes, les voici sorties d’affaire -, nous autres, de l’autre côté de l’océan, nous avons été confinées dès le début mars. Un médecin de l’hôpital d’Alajuela l’ayant ramené d’un aller-retour au Panama.. et contaminé 14 personnes dans son service.. Il est d’ailleurs décédé 6 semaines plus tard, à 54 ans.
Mais les mesures très sévères prises dès le début ont donné de bons résultats ; fin mai, nous arrivions à 800 cas au total, et 10 décès. Honnêtement, nous étions assez fiers.
Et puis, au moment où l’on nous annonçait que l’on allait pouvoir rouvrir en partie les églises, il a fallu revenir à la case départ. Juin-juillet, des saisonniers étrangers sont arrivés pour travailler dans les plantations comme chaque année – la plupart arrivent par la forêt et la rivière, sans papiers ni passage à la douane-. Comme notre voisin du nord ignore totalement le Covid, personne n’a de raison de l’avoir. (Il est vrai que beaucoup meurent discrètement de pneumonie atypique, mais il n’y a pas lieu de changer quoi que ce soit à son mode de vie.. )
Bref, tout à coup, dans les fincas d’abord –où les saisonniers s’entassent dans des hangars de fortune pour dormir- puis dans les quartiers pauvres de la capitale, le virus s’est répandu à toute vitesse. Et les 800 cas pour lesquels il nous avait fallu 3 mois pour y parvenir, est devenu la moyenne quotidienne, et les 10 décès de ce même trimestre, le lot de chaque jour.
Pour l’instant au monastère, nous avons été épargnées. Très peu de visites – toujours masquées et presque toujours pour nous apporter quelque chose : pain, viande, lait, fromage, produits d’entretien… déposés sur les fauteuils de l’entrée, et parfois sans même descendre de voiture. Délicatesse. Au téléphone, tant d’appels pour nous demander de quoi nous avions besoin.. Nous étions tellement touchées que nous avons fini par le noter et les compter : plus de 25 personnes, amis proches ou plus lointains, jeunes, adultes, même notre curé !
Nos frères franciscains conventuels, nos voisins, logés à la même enseigne (sans pouvoir de recevoir de public), ont décidé de venir célébrer une unique messe, chez nous. Tous les matins, ils traversent leur terrain, 300 mètres de prairies, et nous n’avons jamais manqué de l’Eucharistie. Grâce que beaucoup pourraient nous envier : nous avons su que les clarisses de Cartago (une communauté de 28 sœurs) ont été sans une seule messe pendant 4 mois !
Elle devait avoir lieu au début du carême, mais le confinement est arrivé et il a fallu sursoir. Elle a pu avoir lieu en juin, et nous avons beaucoup apprécié le Père Gérardo, franciscain observant irlandais qui est arrivé en Amérique Centrale sitôt son ordination, en 1984. Une belle retraite tout évangélique.  Gracias, Padre !
Un voisin fidèle, astucieux et persévérant.
Le mur de clôture ‘Est’ de la propriété, d’environ 200 mètres, donne sur un terrain inutilisé, puis la rivière, au milieu des arbres et des taillis. Pas une construction à la ronde.
Mais cela n’empêche pas d’avoir des voisins. De ceux-là qui n’ont pas de toit, qui se construisent une cabane de plastique de quelques jours, ou même seulement viennent chercher un coin tranquille où dormir.. après avoir ingéré sa dose de crack..
Donc, nous avons au moins un voisin fidèle, qui connaît bien les lieux, un habitué. Il ne vient que lorsque nous sommes à la chapelle ou au réfectoire. Son intérêt ? sans doute la dose de crack de ce soir. Le moyen de se la procurer ? trouver quelque chose à vendre ou à échanger… Un régime de bananes, des citrons, ananas, font très bien l’affaire, et justement dans le jardin des sÅ“urs, il y en a toujours… Jusqu’à ce que cela manque, et alors, tuyaux d’arrosage, outils rangés sous la maison, chaises de jardin… mais cela se rapproche, et l’on ne peut savoir où cela s’arrêtera.
Le mur, depuis le début, est surmonté de « navaja », rouleaux de fils de fer barbelé spécial. Cela coupe comme une lame de rasoir. Mais un drogué s’en arrange… en jetant une toile dessus, et en faisant bien attention… Bref, insuffisant.
Puisqu’il passait presque tous les jours : une trace ici ou là , sans compter ce qui a disparu… il a fallu se rendre au conseil des amis : il faut électrifier. Très commun ici, car le problème de sécurité est général et chronique, surtout depuis une vingtaine d’années. 700 mètres de fils sur 5 rangs. Enfin, nous allons respirer !
Oui-da, un mois ? et puis… Qu’est-ce que c’est que ces traces sur le mur ? SÅ“ur Marie Blandine fait le tour – elle en fait des kilomètres pour surveiller ! – ah ! Ça y est ! Incroyable ! Vous n’avez pas deviné ? Si on ne peut plus passer par-dessus le mur, on pourrait essayer par-dessous ! un gros trou sous le mur… vite, on le comble de grosses pierres et de troncs de bananiers ; 2 jours plus tard, un autre, un peu plus loin.. on rebouche… 7 ou 8 fois en moins de 15 jours. Il est si tranquille de l’autre côté où personne ne peut le voir ni l’entendre, et il a tout son temps !
Il a fallu se rendre à l’évidence… le mur commence à se déstabiliser du côté de la rivière, déjà l’une des plaques s’est affaissée.. Avec l’avis des gardes et amis, on a donc planté tout le long des tiges de d’acier qui servent dans le ciment armé, 60 cm de haut tous les 25 cm… soit plus de 100 tringles de 6m de long, soudées entre elles… Mais en creusant bien de l’autre côté, on arrive à les atteindre, à en tordre et dessouder l’une ou l’autre… bref, il a fallu cimenter tout le long…  240 sacs de ciment y sont passés !
Tranquilles ? Deux semaines. Et, en sortant après la pluie, à 3h de l’après-midi, sÅ“ur Marie Blandine aperçoit une masse noire dans un citronnier. Un animal ? Les zorros (renard marsupial, coyotte) et les mapaches (ratons laveurs)  sont courants) Mais non, c’est notre gars ! « Vous voulez que je vous aide ? » Voilà qu’il descend tranquillement et s’enfuit… vers le mur opposé, celui des frères. Et il a passé sous les fils électriques… en s’aplatissant bien là où le terrain est un peu en pente.. Il faudra ajouter un fil !