Pour écrire cette nouvelle lettre, je n’ai pu m’empêcher d’écouter  les quatre saisons de Vivaldi à cause de l’automne. Oui, l’arrière-saison est là. Sous nos pas, les feuilles mortes exhalent leurs effluves typées. Les averses révèlent  l’odeur épaisse de l’humus. A la maison, les châtaignes grillées, le raisin, les pommes, les noix emplissent notre espace de vie de savoureuses senteurs. Combien de parfums se gravent dans notre mémoire tel le bol de chocolat chaud de notre enfance,  l’odeur de telle ou telle personne de notre entourage, celle du tabac que fumait mon père, d’un champ d’orangers ou de lavande. Justement, le Père Gabriel Maria, dans  son sermon sur la vertu de pureté nous amène aujourd’hui à considérer le nez… Après les oreilles et  les yeux nous parvenons à cet autre organe sensoriel.

« 15. Ensuite, nous arrivons au nez. Celui-ci a deux narines, l’une pour découvrir le bien, l’autre pour découvrir le mal. Celle de Jésus nous servira à découvrir le mal qu’on Lui a fait durant toute sa vie, surtout au Calvaire. C’est à quoi l’Apôtre nous exhorte : « Sentez en vous ce qui était dans le Christ Jésus » Ces paroles doivent être comprises et expliquées à partir de la méditation de ce que Jésus a souffert pour nous, pour nous délivrer de tous péchés et de tous maux. Celle de Marie nous servira à percevoir sa bonne odeur, celle de ses belles vertus, afin de les imiter dans la mesure de notre pouvoir. Avec l’âme fidèle nous pourrons dire : «Ô Vierge bénie, nous avons couru à l’odeur de vos parfums  », c’est-à-dire de vos vertus, et nous continuerons à courir pour toujours la percevoir et y avoir part. Faisons attention au parfum de ce beau lis de pureté, à celui de la violette, la petite fleur de l’humilité etc. Courons après elle, le mieux que nous pouvons. »  (Père Gabriel Maria–Les Sources page 1003) 

Il y aurait tant à dire sur ce passage ! A chaque fois, il me faut faire des choix alors allons à l’essentiel. Le Pape François invite souvent les prêtres à « sentir l’odeur du troupeau » On peut comprendre qu’il s’agit de s’approcher pour connaître cette odeur mais plus encore les pasteurs sont incités à demeurer dans une si grande proximité avec les brebis que l’odeur de ces dernières les imprègnent et devienne la leur. C’est un peu  à une  expérience similaire que le Père Gabriel Marie nous convie : (la narine) de Jésus nous servira à découvrir le mal qu’on Lui a fait durant toute sa vie, surtout au Calvaire. D’un côté, nous approcher du Christ en sa Passion, Le contempler, c’est-à-dire poser un regard prolongé  sur le Seigneur en Croix  ou méditer les récits de la Passion jusqu’à en être imprégnés. Dans un même mouvement, nous avançant  ainsi de cette source jaillissante et infinie de la tendresse de Jésus pour nous, nous découvrons en un douloureux contraste l’immensité de notre misère, les flots continus de nos infidélités, de nos défaillances, de nos médiocrités, de nos misères. Cette expérience amène notre cœur au brisement mais du coup à un renouveau profond-renouveau qui ne vient  pas de nous mais de Dieu. Et alors nous passons à la narine suivante : celle de la Vierge Marie,  toute entière façonnée par l’Esprit Saint,  sans résistance. Marie est la première née à la Croix. Respirer l’odeur de ses vertus nous emporte malgré nous à courir dans le sens de la recréation profonde de notre être selon l’Evangile. D’une narine à l’autre c’est tout un itinéraire pascal qui se dessine et surtout qui se vit, le chemin d’une conversion profonde.

Les oreilles, les yeux, aujourd’hui, les narines. Puis viendront la bouche, les mains… Le Père Gabriel Maria, nous le voyons bien, fait le tour des sens, ces fenêtres qui nous connectent à la réalité environnante. Quand vous roulez  au bord de la mer, je pense que vous ouvrez largement les vitres de la voiture pour respirer le bon air du large. Pareillement, quand vous circulez dans une forêt odoriférante. En revanche, sur le périphérique autour de Paris, surtout aux heures de pointe, il est souhaitable de fermer toutes les ouvertures pour protéger nos poumons de toutes ces fumées polluantes.  Ainsi, depuis toujours,  les grands maîtres de vie spirituelle attirent notre attention sur tout ce qui,  passant par les lucarnes des sens, entrave notre suite du Christ ou au contraire nous porte à mettre de plus près nos pas dans ses pas. Le Père Gabriel Maria est aussi  profondément fidèle à son fondateur, Saint François d’Assise qui engageait tout son être dans son amour de Dieu, toutes les fibres de sa sensibilité, de son humanité, se  laissant tout entier saisir par le très Haut Seigneur Jésus.

….Aimons tous, de tout notre cÅ“ur, de toute notre âme, de tout notre esprit, de toute notre puissance et de toute notre force, de toute notre intelligence, de toutes nos énergies, de tout notre effort, de toute notre affection, de toutes nos entrailles, de tous nos désirs et de toutes nos volontés, le Seigneur Dieu qui nous a donné et qui nous donne à tous tout notre corps, toute notre âme et toute notre vie, qui nous a créés, rachetés et qui nous sauvera par Sa seule Miséricorde…  (Saint François d’Assise)

Sœur Marie de l’Annonciation OVM

 

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