En ce début du mois de Mai, êtes-vous prêts à poursuivre notre réflexion sur l’humilité à la lumière des sermons du Père Gabriel Maria ? Nous en étions restés à cette petite porte de l’Evangile. Vous en souvenez-vous ? Avançons. Voici la suite du texte :
Considérons et méditons de quelle manière nous mériterons d’être appelées des «Marie humble ». La première manière sera d’avoir une humble opinion de nous-mêmes. La belle vertu d’humilité se tient petite et humble en toutes circonstances. Il n’est que juste que nous agissions de la sorte, c’est-à -dire : considérer en notre esprit que nous avons peu d’intelligence et de savoir ; ne pas mettre sa confiance en soi-même, ni croire être sage. Nous devons estimer grandement tous les autres ; nous devons nous laisser convaincre qu’ils sont plus intelligents que nous. »
Combien ce  premier point nous bouscule ! Il nous heurte même sans doute, nous choque, nous scandalise. Nous sommes peut-être tentés de refermer le livre en disant : « Vraiment, le Père Gabriel Maria n’y va pas de main morte : on voit bien que ce sermon est vieux de 500 ans ! » Aujourd’hui, qui oserait dire ceci : « Considérer en notre esprit que nous avons peu d’intelligence et de savoir », « ne pas mettre sa confiance en soi-même », « nous laisser convaincre qu’ils [les autres] sont plus intelligents que nous »….
Mais arrêtons-nous un peu, grattons profond ! C’est ce que j’ai voulu faire après m’être beaucoup battue avec ce texte. Et j’ai découvert qu’il contenait de belles pépites. D’abord, je suis convaincue que Gabriel Maria ne nous incite pas au mépris de nous-mêmes. Le franciscain est pénétré du regard de Saint François d’Assise sur l’être humain : « considère, ô homme, le degré de perfection auquel t’a élevé le Seigneur : il a créé et formé ton corps à l’image du corps de son Fils bien-aimé, et ton esprit à la ressemblance de son esprit » (St François, Admonitions 5).
Allons donc un peu plus loin. Saint Paul, dans son épître aux Philippiens, dit : « Ayez le même amour, une seule âme, un seul sentiment ; n’accordez rien à l’esprit de parti, rien à la vaine gloire, mais que chacun par l’humilité estime les autres supérieurs à soi… » (Ph 2, 2-3) Gabriel Maria reprend les mêmes termes que Saint Paul, et les propos de ce dernier se situent dans un passage qui traite de l’unité et de la charité. Nous avons là déjà une lumière très importante pour comprendre. L’humilité qui nous fait regarder les autres non pas d’en haut, mais comme des frères, est la manière d’être de celui qui aime et œuvre pour la paix ; tandis que l’orgueil qui nous enfle mensongèrement et nous fait regarder tout et tout le monde dans un esprit de domination crée la division et le trouble en nous et autour de nous. Nous avons si vite fait de regarder les autres avec arrogance et dans une attitude de supériorité. Cette attitude empreinte de mépris et de domination n’est pas celle du divin Serviteur que le disciple est appelé à suivre.
L’extrait se déploie quelques lignes plus loin dans une contemplation de l’humilité du Christ : « Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus : Lui qui est de condition divine, n’a pas revendiqué son droit d’être traité comme l’égal de Dieu mais il s’est dépouillé» (Ph 2, 5-7).
Je ne perds pas de vue la petite porte du mois dernier. Et justement Jésus dit « Moi, je suis la porte » (Jn 10, 9) Nous savons bien qu’un seul mot de l’Evangile est inépuisable ! En avril nous regardions la porte étroite comme la porte de l’humilité et voilà que Jésus dit « je suis la porte » Porte de l’humilité, porte pour entrer dans le Royaume, porte de la Croix car combien il faut mourir – comme Lui et en Lui – pour accéder à cette petite porte de l’humilité.
Mais surtout regardons comment Jésus, qui est La Porte vit ce premier point du sermon du Père Gabriel Maria. Et c’est d’ailleurs par cette Porte là que nous entrerons et comprendrons la profondeur du propos de Gabriel Maria.
« Avoir une humble opinion de nous-mêmes » : Jésus sait qui il est. Il ne dit pas qu’il est un nul, qu’il n’est rien, qu’il est sans valeur. Non, il ne dit jamais cela :
« Le Fils ne peut rien faire de lui-même qu’il ne le voie faire au Père » (Jn 5, 19), « C’est de Dieu que je suis sorti et que je viens ; Je ne viens pas de moi-même ; mais lui m’a envoyé » (Jn 8, 42). « Les Paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même. Mais le Père demeurant en moi fait ses Å“uvres » (Jn 14, 10-11). « Le Père est plus grand que moi « (Jn 14, 28). « Je ne fais rien de moi-même, mais je dis ce que le Père m’a enseigné et celui qui m’a envoyé est avec moi » (Jn 8, 28) « Père, (…) Je t’ai glorifié sur la terre, en menant à bonne fin l’œuvre que tu m’as donné de faire(…) Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de Toi »(Jn 17, 4.11).Â
Je pourrais encore parcourir longtemps l’Evangile et rassembler toutes ces Paroles qui témoignent que Jésus est humble d’abord parce qu’il reçoit librement tout son être de son Père. Il est tout entier dans cette relation filiale avec son Père. Il ne s’attribue rien et il ne garde rien. Tout lui est donné par son Père et tout est rendu au Père et offert à chaque être humain. Ce premier point de l’humilité est très proche, nous le voyons, de la pauvreté. Et Jésus Christ qui reçoit tout son Etre du Père se met à genou pour laver les pieds de ses disciples. Et plus encore, il s’abaisse jusqu’à la Croix et il s’abaisse encore dans l’Eucharistie se faisant notre nourriture. Il ne cesse de descendre. Il est toujours en bas. Il est le Très-Bas comme l’écrit si justement Christian Bobin.
Si nous nous mettons donc à cette école de Jésus, comment nous mettre au-dessus des autres ? Comment ne pas descendre, descendre nous aussi dans le fond de notre être où nous trouvons notre Doux et Humble Seigneur.
Avoir une humble opinion de nous-mêmes suivant les pas du Fils de Dieu, c’est recevoir notre être du Père, considérer que tout est don de Dieu hormis notre péché, notre misère : notre péché, la profondeur vraie de notre misère. Cela aussi il faut le voir en vérité : c’est notre réalité, notre humus.  Et alors nous ne pouvons plus regarder les autres de haut car nous nous découvrons petits, infiniment petits mais infiniment comblés par l’amour de Dieu.
Rendez-vous le mois prochain !
Sr Marie de l’Annonciation OVM
Annonces
Depuis le début du Carême, tous les vendredis (sauf le Vendredi Saint), de 20h à 21h30, l’école d’Oraison pour les jeunes à partir de 18 ans a rouvert ses portes en Visio conférence. Ce temps de prière en ligne a vu le jour en raison de la situation sanitaire. Le groupe qui est né ainsi fonctionne très bien et donc nous avons décidé de poursuivre l’expérience. Chaque vendredi soir, si vous souhaitez rejoindre l’école de prière, il suffit de me le dire par un mail : smannonciation@gmail.com : je vous donnerai le lien et je vous inscrirai dans la boucle.
Un week-end monastique pour les jeunes aura lieu les 5-6 juin. Contact : smannonciation@gmail.com
Jeanne de France comme un roman (suite)
 Quelle déception pour Louis XI ! Il a supplié Dieu avec tant d’ardeur …, et ce n’est pas le fils espéré. Une fille. Encore une fille. Elle a pourtant un bon visage cette enfant emmitouflée dans ses langes. Que faire ! Que faire d’Elle ?
Louis d’Orléans…., oui. Voilà la solution pour le bien du Royaume. Lier le tout jeune prince, et ne pas prendre le risque de fragiliser le trône de France en laissant se faire d’autres alliances avec les puissances alentours.
Jeanne n’est donc guère célébrée, lors de sa venue au monde. Le terreau profond qu’est le réel de ses premiers pas, ressemble à la modestie de Nazareth dont Nathanaël disait « peut-il sortir quelque chose de bon ? » (Jn 1, 46) D’autant plus que peu à peu, au fil de sa croissance, on découvre que l’enfant a un corps frêle et porteur d’une malformation.
(Suite le mois prochain)
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