« La quatrième manière (d’être Marie Humble) est de ne pas s’excuser facilement. L’âme humble ne s’excusera jamais pour ce qu’on lui reproche. Elle désire toujours qu’on lui donne tort et qu’on l’humilie. C’est en cela qu’elle trouve son bonheur et sa joie. Bien souvent, c’est le contraire qui arrive : on voit ordinairement que quelqu’un qui cherche à s’excuser est mis dans son tort. Celui au contraire qui ne s’excuse pas a raison. Cela arrive par la permission de la divine Providence, qui montre ainsi combien l’humilité lui plaît et comment Dieu vient en aide à ceux qui pratiquent la vertu. » (Bx Père Gabriel-Maria)

L’humble qui ne s’excuse pas, qui aime qu’on lui donne tort et qu’on l’humilie. Le Père Gabriel Maria nous prend encore à rebrousse poil. Voilà une manière d’être qui n’est guère attirante. Et qui n’est pas du tout naturelle ! Oui, passer la petite porte de l’humilité en se baissant bas, bas…, c’est ce que Jésus a fait en entrant à Jérusalem monté sur un ânon, lui le Roi des rois, le Seigneur des Seigneurs, le Fils Bien-aimé du Père, lui, qui est Dieu né du Vrai Dieu. Il a franchit la porte de la ville sur un ânon, celle aussi de la vie cachée dans le village infime de Nazareth, celle de sa naissance en notre chair ; il a passé la porte très étroite des humiliations du  procès injuste, des crachats, des coups, de la flagellation, des outrages et de la mort sur la Croix -mort de l’esclave -, enfin, il a passé la lourde porte du tombeau, de tous nos tombeaux.

Ces mots du Père Gabriel Maria nous semblent trop durs ?  Impossibles à vivre ? C’est vrai. C’est très certainement un don à demander à l’Esprit Saint. Cette attitude de l’humble n’est pas celle d’un écrasement, d’un mépris de soi. Elle est plutôt celle de quelqu’un qui cherche la vérité et désire s’accorder à cette vérité profonde. Je ne suis  jamais complètement dans la vérité même quand j’ai l’impression de ne pas me tromper. Parce que j’ai une vision toujours partielle des choses. Je n’ai que mon regard limité sur la réalité. Il me faut faire un pas pour écouter le point de vue de l’autre et encore un pas pour écouter ce que me dit le Tout-autre dans ces reproches qui me sont adressés. L’humilité s’est la vérité. Nous l’avons déjà dit, mais nous n’avons jamais fini de réfléchir sur ce que signifie ce lien étroit entre humilité et vérité. Et puis nous disions ci-dessus, que l’humilité se baisse très bas.  Ceci est vrai pour Jésus. Mais pour  nous la vérité est que nous sommes très bas. Nous sommes en bas.  Nous sommes petits, fragiles, faibles. Dès qu’on s’excuse on se met au dessus de nous-mêmes et des autres comme un juge. En m’abstenant de m’excuser,  j’accueille la réalité de ma petitesse et de mes limites qui ne me permettent pas de tout voir et de tout savoir. Le chemin d’apaisement pour soi et pour les autres  passe vraiment par cette recherche de la vérité : au lieu de me défendre, je cherche à me laisser ajuster à la vérité.   Cette attitude d’humilité est simplicité : je me souviens d’une jeune femme, qui, quand elle était reprise, disait paisiblement : «  je vous remercie de me le dire ». Le chemin vers la vérité était alors limpide et léger.

Trouver là son bonheur et sa joie ? Si jamais personne ne nous fait de reproche, ni ne nous donne tort, si on ne goûte jamais les humiliations qui naissent de l’expérience de notre finitude et de nos multiples failles, qu’arrive-t-il ? On devient comme une star à nos propres yeux, quelqu’un de bien et alors  nous courrons le plus grand des dangers. Celui d’une immense chute du haut de notre illusion de grandeur et de perfection toute humaine et non selon Dieu-illusion qui finit toujours par éclater et alors on découvre que l’on est nu comme un ver. Celui qui ne perd jamais de vue qu’il est un petit vermisseau dans les mains de Dieu se réjouit comme Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus d’en faire l’expérience et plus encore quand les autres s’en aperçoivent car c’est pour les malades et non pour les bien-portants que Notre doux Sauveur Jésus est venu. Le jour ou j’accepte dans la paix et la joie mon éclatante misère, alors ce jour-là je suis enfin disposée à me laisser façonner par la bien plus éclatante miséricorde de Dieu. Belle rentrée à chacune et chacun !

Sr Marie de l’Annonciation OVM

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