La quatrième «Marie » est Marie, amie de la vérité. Nous voyons assez dans les paroles et les actions de Marie combien elle a aimé la vérité. Méditons de quelle façon nous pouvons, nous aussi, acquérir cet amour de la vérité. Comme pour les vertus précédentes nous traiterons ce sujet en cinq points, en l’honneur des Cinq Plaies de Jésus. Le premier moyen de conserver en nous l’amour de la vérité est de garder le calme et la paix de l’esprit, de ne pas être impatient, de ne pas nous emporter. Un homme enclin à la colère et à l’emportement mentira aisément. Quand il est en colère, il dit tout ce qui lui passe par la tête. Plus tard, il regrette ces paroles et souhaiterait ne les avoir jamais dites. Plus que cela : parfois il ne sait même pas ce qu’il dit. Cela est contraire à la vérité de Marie. Contre cette imperfection, il faut garder le calme et l’égalité d’âme, de sorte que l’on ne soit troublé par rien, et que l’on se rende bien compte de ce que l’on dit. (Bx P. Gabriel-Maria)

 Nous poursuivons notre découverte de cet itinéraire des dix vertus avec toujours notre bon guide : ce Sermon du Père Gabriel Maria dit « des dix marie ». Je vous disais au fil des mois précédents combien le lien entre humilité et vérité était grand : et voici justement que nous arrivons au passage du texte sur la vertu de vérité. Tout d’abord, celles et ceux parmi vous qui connaissent notre spiritualité seront  étonnés : S’ils parcourent notre Règle de vie ou contemplent les vitraux de l’église du monastère, ils ne trouveront pas cette vertu. En effet, la quatrième vertu dans la Règle de 1517, celle qui est la nôtre aujourd’hui, est la vertu de foi. Mais rappelons-nous que ce sermon des « dix Marie » du Père Gabriel Maria ne suit pas la troisième Règle mais la première – celle de 1502. Nous avions déjà fait cette remarque au tout début de notre périple. Nous commencions par la prudence qui dans la 1ère Règle, ouvre le cortège des vertus mais dans la Règle de 1517 vient en deuxième après la pureté. Dans la Règle de 1502 donc, la vertu de vérité vient juste après l’humilité.  Je dois avouer qu’en arrivant à l’Annonciade j’ignorais tout de cette vertu. A présent, elle me semble tellement précieuse. Elle interroge l’authenticité de notre vie à la suite du Christ. Les écarts et contradictions entre la pensée, la parole et l’action ; les déchirures profondes entre nos convictions, nos paroles et le témoignage concret de nos vies  est si douloureux à regarder en face, à assumer. N’avons-nous pas soif de cette vérité ? Car, dit le catéchisme de l’Eglise Catholique (n°2468) la Vérité ou véracité  est la vertu qui consiste à se montrer vrai en ses actes et à dire vrai en ses paroles, en se gardant de la duplicité, de la simulation et de l’hypocrisie.

Nous allons voir combien, une fois de plus, le Père Gabriel Maria, il y a 500 ans, donnait des conseils qui sont simples,  concrets et surtout qu’ils n’ont pris aucune ride !

Relevons pour commencer cette entrée en matière : « Comme pour les vertus précédentes nous traiterons ce sujet en cinq points, en l’honneur des Cinq Plaies de Jésus. »Il est vrai que ce développement en cinq points se retrouve au fil de tout le sermon et Gabriel Maria nous rappelle qu’il construit ainsi son propos en l’honneur des cinq plaies de Jésus. Gardons cela comme un rappel que toute cette œuvre de recréation de notre être que l’Esprit Saint  fait en nous à mesure que nous mettons en œuvre les vertus coule de la source de la Croix c’est-à-dire de l’amour divin intarissable jaillit du cœur de Jésus.

Gabriel Maria nous parle aussi d’acquérir l’amour de la vérité et de cet amour de la vérité qui transparaît dans les paroles et les actions de la Vierge Marie. « Qu’est-ce que la vérité ? »  demandait Pilate à Jésus. Pour nous, qu’est-ce que la vérité ? Jésus n’a-t-il pas dit « Je suis le chemin, la vérité, la vie »…. Lui, il EST la vérité !  Il n’a pas dit « j’ai la vérité » ni même « j’ai raison ».  Il a dit « Je suis la Vérité ». La Vérité c’est quelqu’un. Etre vrai, peut-être est-ce donc s’ajuster à celui qui est la Vérité.

Dans « les Dialogues » de Sainte Catherine de Sienne, Dieu Père parle du Fils  en le désignant par ces mots « Ma Vérité ». Et nous avons vu que dans la partie de cet enseignement du Père Gabriel Maria sur la pureté,  il écrit : « (…) Jésus avait une vertu particulière, la vérité, puisqu’Il était la Vérité même, et que la vérité n’est autre chose que Dieu même(…) »

En nous laissant ajuster à la vérité, nous sommes ajustés à Jésus et comme le Christ révèle pleinement l’humain  à  lui-même, écrivait le Pape Jean Paul II, (citant le document du concile Vatican II Gaudium et Spes), cet ajustement à la vérité est en même temps un chemin pour être vraiment nous-mêmes tels que Dieu nous a désirés et voulus  depuis toute éternité. C’est aussi un chemin de simplification de notre être profond. Etre sans masque ni fard.

Pas de colère, pas d’emportement, pas d’impatience : tels sont les premiers pas à poser nous indique  Gabriel Maria. « Il faut garder le calme et l’égalité d’âme, de sorte que l’on ne soit troublé par rien, et que l’on se rende bien compte de ce que l’on dit ». Quand nous sommes en colère, emportés, nous ne sommes pas nous-mêmes. C’est un flot qui jaillit, notre animalité qui réagit à l’injustice,  à la blessure reçue, au froissement de notre orgueil. La colère est une émotion. Et il faut bien la laisser sortir cette bête du dedans sinon elle nous ronge de l’intérieur et c’est plutôt pire que mieux !  Une solution, la fuite au désert : dans la nature, dans une pièce isolée, dans la solitude. Laisser cette bête sortir, lui parler, la raisonner, la dessiner ou l’écrire, écouter une musique qui lui ressemble. Et finalement convertir l’énergie que dégage cette bête en un service concret, discret. Par exemple donner un coup de balai dans un coin de la maison. Préparer un gâteau pour le dîner. Et respirer le parfum d’une rose ou de la sauge…, si si, je ne plaisante pas : c’est le conseil de Sainte Hildegarde ! En tout cas, ne pas parler tant que le calme n’est pas au rendez-vous ! Alors, je vous l’accorde, avant d’arriver à « garder le calme et l’égalité d’âme, de sorte que l’on ne soit troublé par rien, et que l’on se rende bien compte de ce que l’on dit », il faut parcourir un long chemin et travailler avec  cet animal sauvage qui est en nous…. Je dois avouer en toute simplicité que je n’y suis pas encore ! L’essentiel est de ne pas la laisser mordre notre entourage et de ne pas nous laisser aller à dire ce que sa violence nous dicte car elle nous défigure bien plus qu’elle ne blesse notre prochain ! Il y a une chose qu’elle dit de vrai : c’est que nous sommes vulnérables. Accueillir cette vérité est une humiliation qui nous rend humbles et authentiques. Et cette pauvre réalité que nous sommes, quand elle est accueillit, nous conduit à l’apaisement sous le regard de bonté du Seigneur Jésus doux et humble de cœur : « Heureux les doux ! Ils possèderont la terre ! » (Mt 5, 4).

Beau mois de novembre ! Un peu de grisaille mais de si belles feuilles rousses et dorées ! En la solennité de la Toussaint,

Sr Marie de l’Annonciation OVM

 

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