« La quatrième condition requise à la patience est une intention plus élevée. On l’obtient en réfléchissant à ce que l’on gagne en mérites, quand on supporte, avec résignation, les contrariétés et l’adversité. Si l’on prenait cela en considération, on regarderait toutes les épreuves comme de peu d’importance et faciles à porter; on irait même jusqu’à désirer de tout cœur être blâmé et tourmenté. Au sentiment de plusieurs théologiens, on gagne plus à supporter avec patience les contrariétés, qu’à jeûner et à châtier son corps une semaine durant. Quand, par exemple, on supporte d’être injustement accusé et puni, on peut tenir pour certain qu’on est rangé parmi les amis de Jésus et de Marie. On lit, à ce propos, qu’un jour quatre ou cinq théologiens débattaient la question de savoir quelle est, de toutes les vertus, la plus méritoire et la plus agréable à Jésus. Après avoir bien réfléchi, ils crurent pouvoir conclure que c’est la patience dans les épreuves, appuyant leur sentiment sur de nombreuses raisons et citations de la Sainte Écriture. » (Bx Père Gabriel-Maria)
Au premier coup d’œil, on peut penser que la quatrième condition de la patience ressemble fort au point précédent : mais en fait le père Gabriel Maria a avancé d’un cran dans son invitation à réfléchir et à lever plus haut les yeux. Il parle d’intention plus élevée et de désir.
Nous voici donc plongés au plus profond de notre cœur d’où jaillit notre désir, la lame de fond derrière toutes nos surfaces.
C’est certain, de la Galilée à Jérusalem, devant la multitude des signes que donne Jésus les foules nombreuses se hâtent, se pressent pour présenter leurs blessures, leurs maladies, les démons qui les tiennent captifs et ils repartent guéris, libérés, consolés, vivants, debout, joyeux : mais à l’heure du discours sur le Pain de Vie qu’ils ne comprennent pas, à l’heure surtout de la Passion il ne reste personne sauf quelques femmes dont sa mère et le disciple bien aimé. Tous sont partis, se tiennent à distance, hurlent « à mort ! Crucifie-le ». Jésus interrogent souvent ses disciples et quiconque veut le suivre, à prendre chacun sa croix, à renoncer à soi-même et à marcher à sa suite. C’est tout le programme qu’il nous propose et il nous laisse libre devant notre réponse : veux-tu, oui ou non ? Chaque fois que la réalité fait appel à notre patience Jésus a travers cet évènement nous dit : et toi, veux-tu vraiment oui ou non ? M’aimes-tu plus que ceux-ci ? On pourrait dire aussi m’aimes-tu plus que ceci ? Cette situation qui est pesante me donne l’occasion de dire mon amour et ma confiance en Dieu. Mon « oui », je veux continuer la route, mes pas dans les tiens même si en ce moment c’est très rude. C’est le dialogue d’un ami à son amie très proche et très intime. Il me semble que cette réponse de la patience s’ancre dans la vertu théologale de l’Espérance. C’est dur Seigneur, mais je sais que tu es là en moi, que ce chemin n’est pas vain, que cela vaut la peine d’endurer cette épreuve sans me décourager ni rendre les armes parce qu’elle porte un fruit pour l’humanité et pour ta gloire c’est-à -dire pour la manifestation de ton amour.
Grande est la patience de Dieu ! Regardez l’humanité qui accumule les crimes et les offenses. Et Dieu qui ne renonce jamais à son dessein d’amour. Dieu qui continue sans jamais se lasser. Dieu qui pardonne ! Et combien est inépuisable sa patience avec moi et avec chacun de nous : nos cœurs sont si lents à croire, à aimer, à nous mettre au service les uns des autres : depuis si longtemps j’entends la Parole de Dieu chaque jour à la messe, je reçois le pardon de mon Dieu, je communie à son être divin…..et je demeure si difficile à convertir. Oui Dieu est si patient avec moi.
Il me semble aussi que cette vertu de patience que je qualifie de mystique puisqu’elle est tout autant source et fruit d’une union profonde avec le Seigneur, s’appuie sur la vertu d’humilité et je vous renvoie bien en arrières dans les lettres précédentes.
Mais surtout on peut – je crois – mettre en parallèle les cinq premières vertus et les cinq dernières et ainsi voir combien le cortège de ces vertus – qui sont des forces pour aimer comme Dieu aime en s’unissant de plus en plus à Lui – sont profondément unies entre elles et que pour en mettre une en Å“uvre il ne faut négliger aucune des autres. « Qui blesse l’une les blesse toutes et n’en possède aucune » écrit Saint François d’Assise dans sa « salutation des vertus ». Il me paraît que cela se vérifie particulièrement en les mettant par paires : comme j’essaye de l’illustrer par le schéma ci-dessous : l’itinéraire des dix vertus de Marie commence avec la pureté et s’achève avec la compassion. Par ailleurs, Saint François dans ses écrits associe justement souvent la patience et l’humilité. N’oublions pas que le Père Gabriel Maria est aussi franciscain.
Ainsi, d’expérience, je vérifie que la vertu de patience s’appuie sur la vertu d’humilité. J’accepte d’être moi-même sans faux semblants, sans vouloir m’ajouter une coudée : cette disposition qui me tient dans la réalité de ma petitesse m’aide à entrer dans cette patience.
En attendant de vous retrouver le mois prochain je vous laisse méditer ce petit schéma ci-dessous pour vous préparer à la solennité de l’Assomption.
Avec toute ma prière
sœur Marie de l’Annonciation, ovm