« En se réjouissant de cette naissance, [l’Église] se réjouit de l’intervention de Dieu en son début » et encore « la célébration de la naissance de Marie concrétise pour le Peuple l’intervention de Dieu. » J’ai essayé de méditer sur cette belle fête à partir de ces deux réflexions que font les auteurs à propos de la naissance de la Vierge.
   Dieu intervient au début et au commencement de toute vie, jusqu’à sa fin terrestre. Ainsi, il intervient dans nos vies personnelles, non seulement en leur début et en leur commencement mais tous les jours, et maintenant. Savons-nous le saisir ? Les interventions de Dieu dans nos vies sont toujours une espérance et une grâce. Elles nous ouvrent aussi à la confiance et à l’enfance spirituelle. Espérance, grâce de Dieu, confiance et enfance spirituelle. De cela, toute naissance nous parle. Tels sont les quatre points de notre méditation.
   L’espérance. La naissance de la Vierge est lumineuse d’espérance. Toute naissance d’ailleurs porte avec elle l’espérance. Non pas cette espérance dont parle la fête de l’Assomption, celle qui nous a laissé entrevoir notre avenir de lumière, celle qui nous fait en quelque sorte tenir déjà ce qui n’est pas encore, mais je veux parler de cette espérance qui est celle des commencements où tout est encore caché, non dévoilé, enfoui mais pressenti et désiré. Elle est avant toute expérience. La naissance de Marie est de ce registre. « Que sera cet enfant ? », ont dû se demander ses parents. Dans nos vies, il est peut-être important de savoir reconnaître les petits signes d’espérance qui peuvent jalonner notre chemin, nous redonner courage. Savoir les reconnaître en nos existences. Le vrai réel de nos existences en est certainement tissé. Ce peut être un geste, un service offert, rendu, un sourire, une rencontre, l’oubli des petites égratignures fraternelles qui renoue la relation etc.. Ces petits riens, si nous les accueillons, si nous les donnons, si nous les diffusons, inoculent dans nos existences l’espérance car ils en sont porteurs.
   Avec l’espérance, une naissance apporte toujours avec elle la joie, joie qui devrait se faire reconnaissance face au don de Dieu. Toute naissance est un don de Dieu. car « nous tenons notre origine de la débordante béatitude de Dieu » (Bernard Häring). Ainsi, la naissance de la Vierge. La reconnaissance, la joie, l’action de grâce. Difficile, alors que tant de motifs peut-être nous tirent vers la tristesse ? Tant de motifs nous tirent vers notre « moi », souvent envahissant.
   Une naissance rend heureux. Rendre heureux. Tel est peut-être le moyen de sortir du cercle infernal de la tristesse ? Un autre moyen est donc aussi la reconnaissance. La personne reconnaissante est riche intérieurement, riche de reconnaître non seulement que tout vient de Dieu, mais aussi riche de savoir se souvenir des dons de Dieu, des grâces de Dieu dans sa vie. La reconnaissance affine le cœur, le rend sensible, réceptif. La personne reconnaissante a bien souvent un esprit créatif, inventif ; elle fait mémoire de tout ce qu’elle a vécu de bon, de beau. Même au cœur de l’épreuve, la personne reconnaissante sait qu’elle aura encore des raisons de remercier Dieu. Elle est heureuse, heureuse dans la foi. « Tout acte de reconnaissance et surtout la pratique attentive de cette vertu sont des empreintes de la grâce pour persévérer dans le bien. » (Bernard Häring).
   La grâce de Dieu accompagne notre pèlerinage de vie humane. Comment alors ne pas avoir confiance, si la grâce de Dieu est toujours présente à nos vies ? Mais, y sommes-nous présents ? La confiance. Non seulement, toute naissance devrait susciter la confiance, confiance en l’avenir puisque tout vient de Dieu, tout est dans sa main, mais notre vie, toute notre vie, avec ses heurs et malheurs, devrait s’appuyer sur la confiance. Car, « si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Rm 8, 31). Pourquoi cette confiance? Est-elle raisonnable quand tant de drames déchirent le monde, quand tant de trahisons peuvent meurtrir les cœurs ?
   Dieu, le premier, nous fait confiance. Il nous donne la liberté et nous laisse libres, prenant le risque de nous voir nous détourner du bien pour choisir le mal. Il prend ce risque avec nous. Mais en même temps, il nous tend la main le premier quand nous nous sommes éloignés de Lui, il nous tend la main pour nous sortir de la détresse du péché. Grâce prévenante de Dieu, Notre Père, qui nous donne la chance d’un nouveau départ. La prendrons-nous cette main secourable ? Cette confiance envers Dieu, comment la lui exprimer, sinon par le crédit de confiance que nous ferons aux autres ? La confiance envers les autres est l’expression, de notre part, d’un grand respect face à l’action de la grâce de Dieu toujours possible dans l’autre, comme elle est toujours possible en nous-mêmes. D’une manière permanente, Dieu nous offre sa grâce. Par elle, nous pouvons nous ressaisir, sans cesse. Souvenons-nous aussi que tant de personnes nous ont fait un crédit de confiance : les nôtres, ceux qui nous sont chers, nos amis etc. et cela a relancé notre espérance, notre courage. Certes, la confiance n’est pas la naïveté. Il faut parfois un peu de prudence envers les autres, mais aussi envers soi-même. Cette prudence devrait véritablement nous conduire, non pas à devenir méfiants et craintifs, mais à fonder notre confiance avant tout sur la bonté prévenante de Dieu. Il est toujours le « déjà là », pour nous comme pour les autres.
   Enfin, une naissance, en l’occurrence ici, la naissance de la Vierge, comment ne nous parlerait-elle pas d’enfance ? et d’enfance spirituelle ? C’est peut-être d’ailleurs son message essentiel. L’enfance spirituelle est cette attitude profonde du cœur faite d’humilité, de confiance envers Dieu, notre Père ; elle procure la paix du cœur, la sécurité intérieure même au milieu des tempêtes, et nous aide à devenir fraternels, car si Dieu est notre Père à tous, alors, nous sommes tous enfants avec l’Enfant, avec l’Unique, nous sommes tous des frères. Aussi, quand nous chantons le « Notre Père », nous entrons invisiblement, mais réellement, en relation avec tous nos frères et sœurs de par le monde et de par le ciel : immense solidarité humaine et divine, merveilleuse communion des saints.
   Ainsi, la fête de la Nativité de la Vierge nous parle d’espérance, de prévenance de la part de Dieu, de confiance, d’enfance retrouvée, en un mot, elle nous parle de bonheur, elle annonce un monde nouveau, le monde de l’Évangile, et nous invite à en vivre.
   « Que toute la création chante et danse, qu’elle contribue de son mieux à la joie de ce jour. Que le ciel et la terre forment aujourd’hui une seule assemblée » (Saint André de Crète).
   Méditation à partir Des repères pour vivre les fêtes mariales, d’Anselm Grün, osb / Petra Reitz, Médiaspaul, 2001, p. 73-75.